<157>Imite les vertus du Tibre.
Ah! pour qui doit ramper, abattu sans espoir,
Sous le despotique pouvoir
De triumvirs ingrats, de monstres politiques.
Vivre devient un crime, et mourir un devoir.a
Le trépas, croyez-moi, n'a rien d'épouvantable;
Ce n'est point ce squelette au regard effroyable,
Ce spectre redouté des timides humains;
C'est un asile favorable,
Qui d'un naufrage inévitable
Sauva les plus grands des Romains.
J'écarte les romans et les pompeux fantômes
Qu'engendra de ses flancs la superstition,
Et pour approfondir la nature des hommes,
Pour connaître ce que nous sommes,
Je ne m'adresse point à la religion.
J'apprends de mon maître Épicure
Que du temps la cruelle injure
Dissout les êtres composés;
Que ce souffle, cette étincelle,
Ce feu vivifiant des corps organisés,
N'est point de nature immortelle.
Il naît avec le corps, croît avec les enfants,
Souffre de la douleur cruelle;
Il s'égare, il s'éclipse, il baisse avec les ans;
Sans doute il périra quand la nuit éternelle
Viendra nous effacer du nombre des vivants.
Je vois, quand l'âme est éclipsée,
Qu'il n'est plus hors des sens mémoire ni pensée,
Et que l'instant qui suit la mort
Se trouve en un parfait rapport
Avec le temps dont l'existence
A précédé notre naissance;
Et que, par un ancien accord,
Tout homme est obligé de rendre
Au sein divers des éléments


a Voyez t. XII, p. 245.