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presque générale de toute l'Europe; que, si la France laissait aller plus longtemps les affaires avec indifférence, il en arriverait que, dès que l'Angleterre aurait lié tout-à-fait ses parties avec les deux cours impériales, de concert avec l'Angleterre, [elles] me mettraient les choses d'aussi près que, poussé à bout et lassé de patience, je me verrais obligé par honneur de rompre avec eux.

Que, pour prévenir donc à temps encore ces fâcheuses suites, je croyais convenir que la France fît dès à présent, et avant que l'Angleterre serait d'accord avec les deux cours impériales, quelque déclaration vigoureuse aux Anglais par rapport aux démarches qu'on lui voyait faire, et qu'on leur fît comprendre que la France ne les verrait point indifféremment. Qu'il était sûr qu'une telle déclaration, faite à propos et à temps encore, donnerait bien à penser aux ministres anglais et préviendrait bien des suites, et que j'avais mis en mains de la France tant d'expédients1 pour aplanir mes différends avec les Anglais, qu'on ne saurait douter du succès, pourvu que la France en ferait un bon et convenable usage; mais qu'aussi, si l'on continuait à laisser prendre les choses tel train qu'elles voudraient, j'appréhendais qu'alors la guerre ne fût inévitable, qui d'ailleurs ne convenait ni à la France ni à moi, bien entendu que pas à pas les affaires s'embrouilleraient de la sorte qu'il n'y aurait plus moyen d'y remédier. Vous ajouterez, quoiqu'avec adresse et délicatement, qu'en conséquence de tout ce que dessus M. de Saint-Contest verrait que je n'avais pas eu tout-à-fait tort, quand j'avais été d'avis qu'il fallait exciter la jalousie de la Porte Ottomane contre les Russes et les Autrichiens,2 et qu'on s'apercevait assez clairement que, quand ils avaient à présent les mains libres de ce côté - là et que la Porte ne leur faisait plus d'ombrage, ils les tournaient de notre côté. Qu'au surplus, si l'Espagne pouvait être animée de parler de haut ton par rapport au commerce dans l'Amérique, cela rendrait plus attentifs les Anglais pour user de plus de considération envers la France.

Je finis en vous disant que je comprends bien toute la difficulté que vous aurez à faire ces insinuations, mais vous vous appliquerez au moins de faire envisager à M. de Saint-Contest que la situation présente des affaires est telle qu'il convient de se servir des moyens pour conserver la paix, quand les circonstances le permettent encore, que de vouloir y procéder, quand il n'y aura plus temps de le faire.

Au reste, je serais bien aise que vous imprimiez bien en votre mémoire tout ce qui est dessus, afin de l'exprimer convenablement à M. de Contest, et vous serez bien attentif sur la réponse qu'il vous fera, pour m'en pouvoir faire un rapport exact et bien détaillé.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Vergl. S. 1. 55. 108.

2 Vergl. Bd. IX, 232. 286.