6408. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Potsdam, 30 juillet 1754.

Le rapport que vous m'avez fait du 19 de ce mois, m'a été fidèlement rendu. Sur ce que vous m'avez appris de la juste indignation que le duc de Newcastle et le Roi même ont marquée au comte Colloredo touchant le procédé de sa cour dans l'affaire de la Barrière, je ne veux point vous laisser ignorer qu'en conséquence de très bonnes lettres de Vienne que j'ai vues,386-3 ce mécontentement entre les deux cours ne doit pas être aussi grand qu'on le fait apercevoir en Angleterre, bien entendu que ces lettres marquent positivement que, dans les dépêches que le courrier386-4 a portées au sieur Keith, la cour de Londres engage celle de Vienne de nouveau de s'employer auprès de la Russie à lui faire accepter l'offre qu'on lui a faite, et que l'Angleterre, quoique persistant encore sur son offre, a cependant fait entrevoir de relâche, en donnant l'espérance qu'elle suppléerait, si le cas devenait plus pressant; enfin, que ceux à Vienne qui étaient au fait des affaires publiques,<387> regardaient la conclusion [de] la convention de subsides entre l'Angleterre et la Russie, à la satisfaction de celle-ci, comme immanquable, sentiment auquel bien d'autres personnes là se confirmaient, par les entretiens longs et fréquents entre le comte Kaunitz et le sieur Keith et l'air de contentement qu'on leur remarquait vis-à-vis l'un de l'autre. De plus, il ne m'est point inconnu que la cour de Vienne ne discontinue pas de représenter à celle de Londres qu'il ne fallait pas serrer si fort les cordons de la bourse à l'égard de la Russie, et que la première se sert de principal motif à ce sujet de la disposition favorable où se trouvait la Russie à concourir à leurs vues communes, et de sa situation actuelle, ayant presque le dos entièrement libre, et qu'on ajoutait que, si une fois il y arrivait du changement, ce serait un mal bien difficile, pour ne pas dire impossible, à remédier. Sur tout ceci, vous connaissez déjà, par ma lettre dernière que je vous ai faite, les conjectures que j'en tire, et je vous répète encore que je présume que la montre que le ministère anglais fait encore de son économie et de ses sentiments pacifiques, n'est dans le moment présent que pour m'endormir et pour soutenir d'ailleurs les pourparlers jusqu'à l'assemblée du Parlement, mais qu'alors, et quand il sera assuré de celui-ci, l'on changera de ton et de système. Comme je ne vous donne tout cela que pour des conjectures fondées sur les circonstances que je vous ai marqués, c'est à vous à présent d'y faire vos réflexions et de ne pas vous trop fier sur les apparences du dehors, mais de vous bien appliquer pour pénétrer au fond des affaires, pour bien connaître le dessous des cartes, afin que vous me sachiez faire des rapports exacts dont je puisse être satisfait.

Federic.

Nach dem Concept.



386-3 Bericht Klinggräffen's, Wien 20. Juli.

386-4 Vergl. S. 380.