6812. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 26 mai 1755.

J'ai reçu votre dépêche du 17 de ce mois. Je n'ai jamais douté, à ce que vous vous souviendrez,166-3 que les révoltés en Croatie ne dussent plier, dès qu'ils verraient qu'on agirait sérieusement avec eux, étant sans appui et sans secours. En attendant, je vous saurai gré, quand vous continuerez de veiller attentivement sur ces choses, afin de pouvoir m'instruire sur quel pied elles s'accommoderont, et s'il ne restera pas du levain dans l'esprit de cette nation.

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Quant aux nouvelles d'Angleterre, nous apprenons167-1 que les affaires entre la France et ce pays-là restent toujours sur le même pied, que le ministère de France fait tout et même plus qu'il ne faudrait pour conserver la paix, mais sans autre succès que d'en rendre celui de l'Angleterre plus fier et plus roide à insister à ses prétentions injustes; qu'en attendant les ministres anglais font tout pour amadouer l'ambassadeur de France, pour gagner le temps à dresser toutes leurs batteries afin d'abaisser la France par des forces supérieures; que ledit ambassadeur est si bon que de donner dans le panneau, en sorte que, tandis qu'on lui fait accroire qu'on ne veut que conserver la paix et que l'amiral Boscawen n'avait pas ordre d'attaquer l'escadre française, à moins qu'en Amérique, au cas qu'on attaquerait les colonies anglaises, on enjoint à cet amiral d'attaquer les Français en deça du 47e degré, en leur cherchant querelle, et au delà sans aucun prétexte. Enfin, que la rupture entre ces deux puissances est inévitable et qu'on n'a qu'à s'attendre à en apprendre bientôt les éclats. Qu'au reste l'intention du roi d'Angleterre n'était pas de chipoter des choses fort intéressantes pendant son séjour en Allemagne, ni de remettre sur le tapis l'affaire de l'élection d'un empereur des Romains.167-2

Quant aux cajoleries qu'on a faites au comte de Flemming avant son départ de Vienne,167-3 je ne doute pas qu'elles ne visent qu'à retenir la cour de Saxe dans le système des deux cours impériales et de la mener à accéder au traité de Pétersbourg contre des subsides.167-4

Federic.

Nach dem Concept.



166-3 Vergl. S. 65.

167-1 Vergl. Nr. 6813.

167-2 Vergl. S. 152.

167-3 Flemming wurde von dem Könige von Polen für die Zeit des Aufenthaltes König Georg's in Hannover dorthin entsendet.

167-4 Vergl. Bd. X, 183.