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J'ai bien voulu vous confier un avis très important. que j'ai reçu depuis peu de jours de très bonne main,1 en conséquence duquel mes soupçons que j'ai eus sur les chipotages secrets entre la cour de France et celle de Vienne, ont été très bien fondés. Il s'y agit des propositions que la dernière a fait faire à la France sous l'apparence éblouissante de faire cesser entièrement cette rivalité qui a subsisté jusqu'à présent entre les maisons de Bourbon et d'Autriche, de changer une partie des Pays-Bas autrichiens contre les duchés de Parme et de Plaisance, dont l'infant Philippe est actuellement en possession, et de faire entamer cette négociation sous les auspices de la France; projet que la cour de Vienne, pour mieux couvrir ses vues, a habilement enveloppé dans la réflexion, qu'elle y a jointe, que, si ce projet venait d'avoir lieu, il formerait quasi un mur de séparation entre les possessions autrichiennes et françaises dans les Pays-Bas et conviendrait d'autant mieux à la France que, plus les possessions aux Pays-Bas seraient divisées, moins la France aurait à appréhender pour la sûreté de ses frontières-là, et qu'un tel traité d'échange, pourvu qu'on y prendrait des arrangements bien définitifs pour la réversion du royaume de Naples, conjurerait tout l'orage dont l'Italie était menacée, quand le roi d'Espagne viendrait à décéder sans héritiers mâles.

L'on m'ajoute que le ministère de France avait assez goûté cette idée, mais qu'on ne saurait me dire si l'on avait déjà commencé à travailler à l'exécution de ce projet, et qu'on en gardait en attendant un parfait secret à l'ambassadeur d'Espagne, qui aussi n'en avait eu aucun avis de sa cour.

Voilà ce que j'en ai appris, et, quand je me souviens de ce que vous m'avez marqué par une de vos dépêches antérieures2 des riches présents que la cour de Vienne a envoyés en Espagne par un de ses officiers, qui a accompagné un courrier dépêché en France, la découverte me paraît être plus que vraisemblable.

En attendant, tout l'usage que vous saurez en faire présentement, sera, selon mon intention, que vous vous saisirez d'un moment convenable pour en parler au ministre de Sardaigne,3 comme d'une nouvelle lui vous était parvenue par vos correspondances, ce que vous tournerez de la façon à lui donner l'alarme, sans m'y compromettre, et de lui faire envisager que, si jamais ce projet se réalisait, ce serait principalement le Roi son maître que l'affaire regarderait.

Vous m'avez marqué, il y a quelque temps,4 que le comte d'Aubeterre méditait un voyage à Paris; mandez-moi s'il continue dans ce dessein ou si ce voyage a été rompu.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Bericht Knyphausen's, Paris 15. März. Vergl. Nr. 7382.

2 Bericht Klinggräffen's, Wien 10. März.

3 Graf Canales.

4 Bericht Klinggräffen's, Wien 10. März.