<473> flatterie, l'esprit de la marquise de Pompadour à recevoir favorablement les idées de cette liaison, travailla alors pour en accélérer l'exécution. Mais, comme il ne lui suffisait pas de conclure cette alliance et qu'il formait des desseins plus vastes, il voulut commencer par s'assurer de la Russie, croyant qu'au cas qu'il parvînt à former cette triple alliance, il donnerait à sa maîtresse une prépondérance décisive dans les affaires de l'Europe. On gagna Schuwalow et l'on promit à Woronzow d'appuyer son crédit et de l'élever à la première place, et dès que le succès répondit aux espérances du comte Kaunitz, il conclut son traité à Versailles et donna au sieur Keith cette réponse si peu satisfaisante et si longtemps attendue.1

Cet heureux début enfla le courage de la cour de Vienne, elle voulut profiter de sa situation avantageuse, elle regarda ses nouvelles liaisons comme le triumvirat d'Auguste, d'Antoine et de Lépide.2 Pour imiter ces triumvirs, on proscrivit et se sacrifia mutuellement des têtes couronnées de l'Europe. L'Impératrice abandonna l'Angleterre et la Hollande au ressentiment de la France, et la cour de Versailles sacrifia la Prusse à l'ambition de l'Impératrice, celle-ci se proposant d'imiter la conduite d'Auguste, qui se servit du pouvoir de ses collègues pour s'agrandir et les précipiter ensuite l'un après l'autre.

La cour de Vienne a trois desseins où la mènent également ses démarches présentes : établir son despotisme dans l'Empire, ruiner le parti des Protestants, et reconquérir la Silésie. Elle regarde le roi de Prusse comme le plus grand obstacle à ses vastes desseins, et elle croit que, si le bonheur la favorise en abattant celui-là, le reste de son projet s'exécutera de lui-même. Nous avons vu récemment, par ses dernières démarches à la cour de Cassel3 et par la façon dont elle traite les Protestants de ses États, tant en Hongrie qu'en Styrie, que le projet qu'on lui attribue, n'est que trop réel.

Si l'on en doit croire de bons avis, la reine de Hongrie requerra le secours de 24,000 hommes stipulé dans son traité de Versailles, dès qu'elle aura engagé la guerre avec la Prusse, et l'on assure qu'elle vera de sang-froid ce secours entrer — s'il peut — dans l'électorat d'Hanovre pour le dévaster. Un reste de retenue empêche cette Princesse de coopérer à la ruine de son bienfaiteur, d'un prince qui l'a sauvée lorsqu'elle était sans ressource, et qui a sacrifié pour elle argent, troupes et même ses propres intérêts. La reine de Hongrie se croit quitte envers le roi d'Angleterre en ne l'exposant qu'aux Français et en n'y joignant pas ses propres troupes; elle4 se contente d'occuper le roi de




1 Vergl. S. 362.

2 Vergl. S. 465.

3 Vergl. S. 467.

4 In einem ersten eigenhändigen Entwurf lautet der Schluss des Mémoire's: „Et elle se contente de donner tant d'occupation au roi de Prusse — seul allié qui reste à l'Angleterre pour le mettre hors d'état de secourir ce Prince. Outre ces desseins que l'on connaît à la cour de Vienne, elle a encore celui de faire l'archiduc Joseph roi des Romains. Dans cette étrange position de l'Europe où l'équilibre des pouvoirs est perdu et où le revirement de système a si fort bouleversé les choses qu'il semble que les cervelles aient tourné dans la plupart des cabinets, il ne faut désespérer de rien et opposer le courage, le travail et l'union la plus intime de la Prusse et de l'Angleterre à l'orage qui s'élève. On prie le roi d'Angleterre de penser à la sûreté de ses États, à présent qu'il en est encore temps; on croit qu'il ne serait pas impossible de s'attacher le Danemark; on sera bien aise de s'entendre avec la république de Hollande, selon que le roi d'Angleterre jugera la chose faisable; on croit que l'Angleterre pourrait s'attacher l'électeur de Cologne et le duc de Brunswick. L'Allemagne est menacée de grandes calamités, la Prusse se prépare à résister à ses ennemis, elle espère même de les faire repentir de leurs mauvais desseins, et, en s'unissant plus que jamais ensemble, l'Angleterre et la Prusse doivent se flatter qu'elles maintiendront les libertés germaniques, la cause protestante, et que peut-être elles rendront le bon sens aux cervelles qui l'ont perdu.“