7424. AU SECRÉTAIRE MICHELE A LONDRES.

Potsdam, 13 avril 1756.

J'ai bien reçu les dépêches que vous m'avez faites du 30 de mars et du 2 de ce mois,261-5 dont j'ai été bien content par les différentes affaires très intéressantes que vous y avez comprises. Vous remercierez les ministres de l'attention qu'ils ont eue de m'informer du transport de 8,000 hommes des troupes hanovriennes que le roi de la Grande-Bretagne y fera venir aux instances de son Parlement pour la sûreté de l'Angleterre,261-6 et comme la résolution qu'il a prise à ce sujet, ne dépend que de son bon plaisir, vous insinuerez adroitement et par manière de compliment aux ministres que c'était un des avantages que le roi d'Angleterre retirait de sa convention de neutralité faite avec moi, pour pouvoir dans le cas présent se servir de ces troupes, ce qui leur aurait sans cela causé de l'embarras, et que j'étais au reste bien aise que ladite convention leur ait facilité les moyens.

Quant aux chipotages entre les cours de Vienne et de Versailles, il faut attendre de quelle façon la première s'expliquera sur la déclaration que l'Angleterre lui fera demander par le sieur Keith;261-7 mais pour<262> ce qui regarde la Russie, il faut bien que je vous dise que je doute encore que les ministres anglais en soient si assurés comme ils le croient, et que les intentions de la cour de Pétersbourg soient aussi pures que ces ministres se l'imaginent, vu que je veux vous confier de certaines anecdotes que j'ai apprises de très bon lieu,262-1 et dont il ne faut pas douter de l'authenticité, mais dont vous ne parlerez à personne qui vive, hormis qu'au lord Holdernesse, après avoir tiré de lui une promesse d'honneur par rapport au secret qu'il m'en gardera. C'est en conséquence de cet avis que les opposants les plus principaux contre le traité de subsides avec l'Angleterre ont été le sénateur [Pierre Schuwalow],262-2 le favori Iwan Schuwalow, le grand-maréchal Bestushew, général Buturlin et le comte Tschernyschew, et que dans une conférence qu'il y avait eu le 8 février auprès de l'impératrice de Russie au sujet dudit traité, celle-ci lui avait entre autres choses relevé que l'Angleterre avait d'abord [après] le traité d'Aix-la-Chapelle renvoyé les troupes auxiliaires de Russie, sans se soucier de leur procurer des quartiers, que les Puissances maritimes lui avaient manqué l'engagement qu'un ministre de Russie serait admis au congrès d'Aix262-3 et que l'Angleterre n'avait pas songé jusqu'ici à lui témoigner par un compliment sa reconnaissance de ce que les troupes de Russie avaient été recrutées et augmentées uniquement à son égard, et que d'ailleurs elle se trouvait choquée de ce que l'Angleterre avait refusé de fournir aux subsistances du corps auxiliaire des troupes de Russie à lui envoyer au cas de guerre. Que, le Grand-Chanceler ayant levé ces objections, l'Impératrice avait à la fin ratifié le traité, mais que, la nouvelle de la convention faite entre l'Angleterre et moi lui étant arrivée,262-4 elle avait marqué un vif repentir de cette ratification et témoigné combien elle souhaitait d'en rétracter la signature, et qu'étant apaisée là-dessus, elle avait néanmoins déclaré qu'elle conserverait toujours ses bonnes intentions pour la cour de Vienne.

Vous ajouterez à milord Holdernesse que tout ceci me faisait estimer qu'il serait très nécessaire que le ministère anglais eût une attention particulière sur la Russie,262-5 afin de ramener l'Impératrice sur des sentiments plus favorables qu'elle n'était actuellement pour l'Angleterre, et que les aigreurs qu'elle avait conçues, fussent adoucies.

Vous direz de plus à ce ministre que la confidence dont il m'avait fait informer de la part du Roi son maître touchant le dessein de la France de rendre infructueux les arrangements pris pour le maintien de la religion protestante dans la maison de Hesse-Cassel,262-6 n'était pas destituée de vraisemblance, et qu'il était sûr qu'il se brassait quelque chose à ce sujet entre les cours de Vienne et de Versailles, mais que<263> j'avais bien de la peine encore de croire que ces cours fussent déjà entièrement d'accord entre elles des mesures qu'elles prendraient pour parvenir à ce dessein; que cependant l'affaire méritait une grande attention et que, si l'avis se confirmait à n'en pouvoir plus douter qu'on voudrait bouleverser après le décès du Landgrave régnant les dispositions qu'il avait prises, sous notre garantie,263-1 pour le maintien de la religion, et amasser à cette fin un corps de troupes dans l'évêché de Paderborn, mon idée était qu'il faudrait avant tout tâcher de s'assurer de l'électeur de Cologne par un traité, ce qui ne serait guère difficile,263-2 pourvu que l'Angleterre y enverrait quelqu'un, afin de l'y préparer, et qu'apparemment par ce moyen seul on renverserait tout le projet et empêcherait qu'il ne saurait prendre consistance. Que d'ailleurs, le cas le requérant, il serait aisé d'avoir les troupes du duc de Brunswick contre des subsides263-3 et d'augmenter encore les troupes d'Hanovre par une levée de 6,000 hommes. Que si, contre toute attente, les princes catholiques dans l'Empire s'avisaient de requérir la France sous prétexte de garantie de la paix de Westphalie, alors personne ne trouverait à redire, quand l'on ferait venir des troupes auxiliaires de la Russie, et, dans ce cas-là que les choses venaient à telle extrémité, je n'hésiterais plus de leur accorder le passage et d'y apporter toutes les facilités requises. Ce que vous pourrez dire au lord Holdernesse, en lui faisant envisager combien il serait convenable qu'on envoyât quelqu'un de la part de l'Angleterre auprès de l'électeur de Cologne pour s'en assurer et pour préparer les choses à tout évènement; ce qui dérangerait bien des desseins préjudiciables.

Au surplus, vous continuerez par dire au lord Holdernesse que, si c'était un article du chipotage entre les cours de France et de Vienne que de bouleverser les arrangements faits pour le maintien de la religion protestante dans la famille et le pays de Hesse-Cassel, le ministère anglais ne devait nullement douter de celui dont vous l'aviez averti, savoir le troc de la Flandre autrichienne contre les duchés de Parme et de Plaisance, ce que le ministère anglais apprendrait à la suite plus clairement encore que je le leur avais marqué jusqu'ici.263-4 Vous finirez par apprendre au Milord que, le landgrave de Hesse-Cassel m'ayant fait faire des instances pour vouloir bien agréer que le Prince héréditaire son fils, selon ce qu'il avait désiré lui-même,263-5 se rendît pour quelque temps à Berlin, afin de le détourner encore, s'il se peut, des liaisons funestes où les Catholiques-Romains le voudraient entraîner, j'y avais consenti à la fin263-6 et que je tâcherais de lui inspirer, s'il y a moyen, des sentiments doux et modérés.

Federic.

Nach dem Concept.

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261-5 In der Vorlage verschrieben: „3 de ce mois“ . Ueber den Inhalt vergl. auch Nr. 7418. 7425—7426. 7431.

261-6 Vergl. S. 242.

261-7 Vergl. S. 229.

262-1 Bericht Maltzahn's, Dresden 5. April, nach einem Berichte Funcke's an Brühl vom 21. Februar. Vergl. Nr. 7423.

262-2 Ergänzt aus dem Berichte Maltzahn's.

262-3 Vergl. Bd. VI, 606.

262-4 Vergl. S. 173.

262-5 Vergl. S. 184.

262-6 Vergl. Nr. 7418.

263-1 Vergl. Bd. X, 532; XI, 480.

263-2 Vergl. S. 27. 184.

263-3 Vergl. Bd. XI, 472.

263-4 Vergl. S. 224.

263-5 Vergl. S. 212.

263-6 Vergl. S. 251.