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Potsdam, 21 août 1756.

J'ai bien reçu les dépêches que vous m'avez faites du 6 et du 10 de ce mois, sur lesquelles je vous dirai que j'ai tout sujet de me louer de la manière cordiale et amiable avec laquelle les ministres anglais se sont expliqués à mon égard, mais, quelque déférence que j'aie et aurai toujours pour leurs avis, je suis cependant obligé [de leur dire] que les affaires avec la reine de Hongrie sont si avancées qu'il faut que j'attende sa réponse sur le mémoire que mon ministre à Vienne lui a présenté,1 et que, si elle ne se trouve pas entièrement claire et satisfaisante, je ne saurais, sans sacrifier la sûreté de mes États et mon honneur même, laisser le temps à la cour de Vienne d'exécuter toute la noirceur de ses desseins, et, si cette démarche peut m'attirer sur les bras une guerre avec la Russie, je m'y suis préparé, d'autant que de longue main je me suis attendu qu'il en faudrait venir un jour là. Je suis fâché que le ministère anglais n'envisage pas ma situation telle qu'elle est; j'ai tout employé pour conserver la paix et la tranquillité publique, mais, après avoir tous moyens épuisé et après tout ce que la cour de Vienne a fait et les insultes qu'elle me prépare, si je lui donne le temps pour dresser toutes ses batteries à ma ruine, j'atteste le Ciel que je ne connais d'autre moyen de me tirer d'un pas si difficile qu'en la prévenant. Si jamais j'avais eu l'envie d'insulter cette cour et de leur chercher noise, il m'aurait été [possible] de les attaquer il y a deux mois et plus, sans leur laisser le temps de se mettre en force; je prends Dieu à témoin que je n'y ai pas pensé; à présent qu'ils font camper jusqu'à 90,000 hommes en Bohême et en Moravie, tandis qu'il n'y a pas une tente prussienne tendue, ils me font tout plein de chicanes, jusqu'à faire marquer des camps tout proche sur mes frontières et à garnir ces frontières par un cordon de troupes légères, sans compter les autres mauvais procédés qu'ils ne cessent de multiplier.

Quant au secours que Sa Majesté exige de moi pour ses États d'Allemagne, j'avoue que, si j'avais assez de troupes pour faire face de tous côtés, j'aurais envoyé un corps d'armée dans le pays de Clèves, pour le garantir contre tout évènement, mais comme j'ai besoin de toutes mes forces pour me soutenir contre les mauvaises intentions des cours de Vienne et de Pétersbourg, je me suis vu obligé d'exposer mes provinces au Rhin au hasard des évènements. Cependant, pour prouver à Sa Majesté Britannique que je suis véritablement de ses amis, j'ai déclaré à M. Mitchell2 que je ferais jusqu'à l'impossible et que, pour cet effet, en cas que les Français fissent marcher des troupes dans le courant de cette année-ci vers le Rhin, Sa Majesté Britannique saurait disposer d'un corps de troupes de 11,000 hommes que j'ai en Poméranie, de façon que ces troupes, en cas de besoin, pourraient être



1 Vergl. Nr. 7795.

2 Vergl. Nr. 787J. 7874.