9644. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE A LEIPZIG.

Striegau, 28 [décembre 1757].

Mon cher Frère. Je vous apprends par cette lettre la reddition de Liegnitz. L'ennemi en avait fait un bon poste par les inondations de la Katzbach. La garnison, forte de 3400 hommes, sort avec armes et bagage, on nous rend nos déserteurs, tout ce qu'on y a pillé à nos officiers, et nous trouvons au delà 1200 Winspel de farine autrichienne et un bon magasin de fourrage. J'ai consenti à cette capitulation, premièrement pour ménager cette bonne ville et les faubourgs, qui sont considérables, et, en second lieu, pour ménager ma bonne infanterie qui aurait beaucoup souffert par le grand froid qu'il fait dans les tranchées, et, en troisième lieu, pour mettre fin à une campagne qui n'a déjà été que trop longue, et pour donner du repos à tout le monde.

Si vous voulez que je vous parle à cœur ouvert au sujet de l'expédition du prince Ferdinand, je vous dirai bien qu'il n'a pas du tout suivi le conseil que je lui ai donné. Au lieu de marcher à Nienburg, il s'est tourné vers Celle,134-2 où il trouvera le triple d'obstacles. Avec cela, je dois ajouter que de pareilles expéditions se doivent pousser avec vigueur, et qu'il laisse à l'ennemi tout le temps qu'il lui faut pour se mettre en force contre lui. Veuille le Ciel que cela tourne bien, malgré mes appréhensions!

Voici une lettre pour Baireuth,134-3 dont je vous prie d'avoir soin; une autre pour le maréchal Keith,134-4 et une troisième pour le comte Rutowski.

Vous avez très bien fait, mon cher frère, de faire payer l'argent pour les chevaux et recrues; comme je voudrais remettre mes hussards<135> à 1300 chevaux, je vous prie de prendre soin des cinq escadrons de Székely et de celui de Seydlitz que vous avez là-bas, pour que tout cela soit complet vers le printemps. Il y a grande apparence, vu le délabrement des Autrichiens, que nous aurons la paix au printemps; mais, quand même on en serait sûr, il n'en faut pas moins travailler, pour se mettre dans une situation formidable, l'argument de la force étant le seul que l'on peut employer avec ces chiens de rois et d'empereurs.

Werner a chassé les Autrichiens de toute la Haute-Silésie. Il est à Troppau et pousse des partis en Moravie. On dit que nous avons quelque gloire; en cas que nous en ayons, nous n'en sommes pas moins des gueux de héros. Je vous prie donc d'assister Borcke dans ses opérations de finances:135-1 il nous faut de l'argent, et j'aime mieux, puisqu'il le faut, fouler le pays ennemi que mes pauvres sujets.

Voilà une longue lettre, mais je n'ai pas le temps de la rendre plus courte. J'ai encore à régler ici mon cordon et la bloquade de Schweidnitz, et je crois pouvoir partir le 31 pour Breslau. Adieu, mon cher frère, ne m'oubliez pas, et soyez persuadé de la haute estime et de la parfaite tendresse avec laquelle je suis, mon cher frère, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Je n'ai aucune nouvelle de mon frère Ferdinand;135-2 je ne sais pourquoi je crains pour lui, mais j'ai le cœur serré.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



134-2 Vergl. Nr. 9621.

134-3 Dieses Schreiben sowie dasjenige an Rutowski liegen nicht vor.

134-4 Vergl. Nr. 9642. Anm. 2.

135-1 Vergl. S. 88. 90.

135-2 Vergl. S. 127.