11904. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Freiberg, 12 mars 1760.

J'ai reçu, par le courrier que vous m'avez dépêché, vos rapports du 26 et du 29 du février dernier. Si le ministère anglais n'a pas tout-àfait applaudi à l'endroit de ma réponse au roi Stanislas,164-2 où je dis que les deux cours impériales avaient refusé le congrès, il faut considérer que dans le temps que j'écrivis ma susdite lettre, tous mes avis étaient que ces deux cours ne voulaient point adopter la proposition qui leur avait été faite de paix et de congrès; que ces avis furent assez confirmés par la réponse indécente que la cour de Pétersbourg avait fait remettre à ce temps à M. Keith,164-3 et qu'au surplus cette réponse à la déclaration ne nous a pas été rendue jusqu'à ce moment-ci, et que nous n'avons d'autre indice de la recevoir encore que par ce que le comte d'Affry nous en a dit discursivement.164-4 Au reste, ma réponse n'a été faite qu'au roi Stanislas dont la connaissance personnelle que j'ai de<165> lui, ne me fait pas douter un moment qu'il n'en fera jamais un mauvais usage.

Je viens de recevoir en attendant une lettre de milord Maréchal d'Écosse du 11 de février,165-1 qui me marque que l'ambassadeur de France à la cour de Madrid165-2 avait su gagner du crédit auprès du roi d'Espagne pendant son séjour à Naples et travaillait à persuader que, si les Anglais continueraient à être heureux contre les Français, l'Espagne avait tout à craindre aux Indes; que l'ambassadeur de Hollande165-3 travaillait en cela de concert avec la France, les Hollandais étant jaloux des succès des Anglais à cause du commerce et piqués des captures que les Anglais font des vaisseaux hollandais qui portent des vivres et des munitions aux Français. Comme l'ambassadeur de France savait que le roi d'Espagne ne souhaite pas l'agrandissement de la maison d'Autriche, il avait changé de discours à la cour de Madrid et prétendait que sa cour ne voulait pas mon abaissement. Au surplus, milord Maréchal ajoute qu'il était persuadé que le dessein des Français était d'engager l'Espagne à faire à l'Angleterre des propositions favorables à la France et puis, par le refus des Anglais, tâcher d'engager l'Espagne à la favoriser plus qu'elle ne fait jusqu'à présent; que c'était le même plan sur lequel les Français avaient travaillé, quand d'Aubeterre fut à la cour de Madrid. J'ai répondu à Milord que je croyais que l'Angleterre éluderait d'abord ce dessein des Français, dès qu'elle répondrait à l'Espagne qu'elle ne saurait pas séparer les affaires de mer d'avec celles de l'Allemagne, dont l'Espagne [ne] voudrait pas se mêler.

J'abandonne à votre jugement, si vous croyez convenable de communiquer les circonstances susdites aux ministres anglais. Quant à moi, il me serait indifféremment égal si la paix se traite en Espagne ou ailleurs, dès qu'on ne voudra pas en séparer la négociation par rapport aux affaires d'Allemagne d'avec celles qui regardent la mer.

Il m'a fait beaucoup de plaisir d'apprendre que le ministère anglais a approuvé avec le Roi mes mesures prises pour faire [s']expliquer la France165-4 sur la paix.165-5 Quant à ce qui regarde les termes dont je me suis servi dans ma lettre au bailli de Froullay,165-6 je veux bien que vous observiez que, pour ce qui regarde l'affaire principale, je me suis précisément servi des termes que vous m'avez écrits dans une de vos relations antérieures à ce sujet,165-7 des termes de laquelle je n'ai du tout voulu me départir, pour ne rien brouiller avec l'Angleterre; que le reste de la susdite lettre sont des compliments parmi lesquels le plus ou le moins est égal et indifférent, et qu'au surplus vous devez songer que, quand on a la tête toute pleine que je l'ai d'une si copieuse multitude de différentes affaires, qu'il est presque impossible de raffiner<166> sur tous les termes d'une lettre qu'on couche assez vitement sur le papier.

Je suis très content des assurances que les ministres vous ont réitérées au sujet des ordres que le prince Ferdinand avait une fois pour toutes d'agir en ma faveur, quand les évènements de la guerre le voudront lui permettre. Quant à mes circonstances ici, il s'agira si le prince Ferdinand, selon les évènements auprès de lui, sera à même de m'épauler le flanc gauche aux contrées de Leipzig contre les troupes des Cercles et celles que les Autrichiens y joindront, et alors je saurais passablement soutenir ma position ici.

Je reconnais la pureté des sentiments de votre cœur à mon égard, quand vous voulez me donner le conseil de me [tenir] sur une prudente défensive, en attendant les succès des négociations. L'avis serait bon, si l'ennemi n'avait pas pris le concert que les Russes voudront assiéger Colberg avec un corps de leur armée et Glogau avec un autre, tandis que les Autrichiens formeront le siège de Cosel ou de Neisse. Pour empêcher donc cela, il faudra bien que je marche au corps des ennemis et risquer plutôt un combat avec eux que de permettre qu'ils mettent le siège devant ces postes qui me sont d'une si grande considération, pour les prendre alors sous mes yeux.

Federic.

Nach dem Concept.



164-2 Vergl. Nr. 11820 und Nr. 11821.

164-3 Vergl. Nr. 11740.

164-4 Vergl. Nr. 11885.

165-1 Vergl. Nr. 11903.

165-2 Marquis d'Ossun.

165-3 Graf Gronsfeld.

165-4 So nach dem Déchiffré der Ausfertigung. In der Vorlage: „expliquer sur la paix“ .

165-5 Vergl. S. 145.

165-6 Nr. 11845.

165-7 Vergl. Nr. 11880.