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938. AU CARDINAL DE FLEURY A ISSY.

Charlottembourg, 28 juillet 1742.

Monsieur mon Cousin. Quoique j'aie prévu les suites qu'aurait la dissolution de l'alliance, et que j'eusse toujours persisté dans la résolution de remplir mes engagements avec toute la rigidité possible, une enchaînure de fautes, faites par les généraux tant français que bavarois, en diminuant le nombre de mes alliés, me chargeait d'autant plus du fardeau de la guerre. De plus, le risque devenait de jour en jour plus problématique, et la difficulté à réunir les respectifs alliés sur un plan d'opération fixe et praticable, m'obligea, après avoir fait toute sorte de tentations inutiles à la cour de Vienne pour lui arracher quelque partie de ses États en faveur de l'Empereur et de la Saxe, d'accepter les conditions de paix si souvent offertes et tant de fois refusées, ne pouvant seul soutenir à la longue le poids de cette guerre, qui semblait tirer en longueur, et pour laquelle il aurait fallu des flots de sang répandu et des campagnes nombreuses pour la terminer au gré des parties contractantes.

Je suis persuadé que la maison d'Autriche n'oubliera, tant qu'elle subsistera, ni la Lorraine ni la Silésie, et que par conséquent nos intérêts seront toujours les mêmes. Vous verrez, de plus, par toutes mes démarches que jamais je n'enfreindrai rien contre la renonciation que j'ai faite de mes prétentions sur les duchés de Juliers et de Bergue. J'ai trop d'obligations à la France pour la payer d'une si noire ingratitude, et quelques ressorts que l'Angleterre fasse jouer, on ne tirera ni directement ni indirectement le moindre secours de moi contre la France. Mon traité de paix sera imprimé, il n'y a point d'article secret, et par cette publication toute l'Europe sera convaincue que je n'ai voulu autre chose sinon me soustraire aux hasards de la guerre et remettre, pat la paix mes provinces que le tumulte de la guerre avait dérangées.

Je n'ai point pressé le roi de Pologne de faire sa paix; il lui a été simplement déclaré qu'il dépendrait de lui d'accéder à ce traité, à condition qu'il retirerait ses troupes de la Bohême, ce qui veut dire à peu près en termes synonymes : si vous voulez faire la paix, ne faites plus la guerre.

Je ne suis point étonné des discours du public en France; des gens qui ne sont pas instruits ne passent jamais pour juges, la postérité est la seule qui puisse décider de la réputation des princes, pendant leur fie ils n'ont que des flatteurs et des envieux.

Vous pouvez être persuadé, Monsieur, que j'employerai tout ce que je puis employer pour être utile à l'Empereur, que vous ne trouverez un zèle semblable pour la gloire de la France, et une estime pleine d'amitié et d'admiration pour le véritable Mentor de la France, avec