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P. S.1

J'espère que le ministère anglais aura fait sortir actuellement cette flotte qu'il avait destinée contre les côtes de la France. Selon moi, ce sera d'un grand effet pour obliger la France à avoir des sentiments plus modérés, quand même cette flotte ne faisait qu'alarmer les côtes de la France par des petites et courtes descentes qu'elle y ferait tantôt d'un côté tantôt de l'autre. Ce qui fera courir les troupes garde-côtes de France par-ci par-là et fera jeter des hauts cris aux Français, qui ne sont pas faits pour soutenir de pareilles inquiétudes. Si, au surplus, ladite flotte saurait trouver moyen de faire quelque descente d'importance et s'y soutenir, voilà ce qui opérerait d'autant mieux.

Ce sont mes idées que je vous donne pour en faire tel usage, làbas où vous êtes, que vous trouverez convenable.

Quant à la déclaration que milord Bute a faite au sieur Bussy regardant l'Espagne, je ne saurais qu'applaudir de ce que ce secrétaire d'État s'est expliqué nerveusement vis-à-vis de la France à ce sujet, je présume même que c'est une supercherie indigne dont le duc de Choiseul a usé, sans y être autorisé de l'Espagne; j'aurais, cependant, souhaité que le sieur Bute se serait servi de termes plus doux et modérés relativement à l'Espagne, comme, par exemple, que les différends que l'Angleterre avait avec l'Espagne, étaient de si peu d'importance qu'on en conviendrait bien directement avec elle, sans que ni la France, ni quelque autre puissance étrangère s'en mêlât, et que, le roi d'Angleterre ayant la satisfaction de vivre avec le roi d'Espagne en étroite amitié, il ne fallut point d'arbitre pour convenir avec celui-ci de ces différends. Je suis persuadé que les ministres anglais auront déjà adouci auprès de l'ambassadeur d'Espagne ce qu'il [y a] de trop sec dans la susdite déclaration vis-à-vis de l'Espagne, seulement pour couper l'occasion au duc de Choiseul et aux Autrichiens d'en faire un mauvais usage à la cour de Madrid, afin de la choquer et de l'irriter contre l'Angleterre, pour la mêler, même contre son intention, dans les querelles de la France, ce que vous savez qu'il a été toujours son but.

Souvenez-vous de ce que je vous ai dit dans ma lettre touchant les évêchés en Allemagne qui sauraient servir d'équivalent aux Anglais pour la Hesse et les autres provinces, même celles de Clèves, que les Français tiennent occupées.

Au reste, je souhaiterais que l'Angleterre fût un peu plus âpre de ses conquêtes faites sur la France, en faisant semblant comme si elle les voulait garder toutes, et que c'était seulement par un motif de générosité et de son désir de finir les calamités de la guerre qu'elle se prêterait à en rendre quelques-unes à la France.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Das Postscriptum ist im Concept nur an Knyphausen, in der Ausfertigung aber an Knyphausen und Michell adressirt.