<275>empêchements, n'a pu arriver au camp qu'aujourd'hui, ce qui m'a empêché de ne pouvoir ouvrir les tranchées devant Prague qu'aujourd'hui. J'espère pourtant de finir avec cette ville dans six jours, et alors j'irai par degré et solidement, pour faire mes établissements en Bohême. Je regarde la prise de Prague comme le coup de parti qu'il nous faut faire, et après cela je passerai plus outre, selon les circonstances qui se présenteront; quant au prince Charles, je crois qu'il nous viendra par Pilsen.

J'ai trouvé excellent le plan qu'on a réglé tant du reste de la campagne que pour l'année prochaine, que vous m'avez envoyé en date ■du 30 d'août; aussi en fais-je un compliment au maréchal de Belle-Isle dans la lettre ci-jointe; il n'y a que l'article de la prise d'Ulm qui m'embarrasse, par les cris qu'on en fera, et parcequ'une prise de force d'une ville neutre de l'Empire fera fort révolter les autres États de l'Empire bien intentionnés; aussi souhaité-je fort qu'on puisse trouver d'autres expédients et qu'on ménage au possible les villes et les États de l'Empire neutres, pour ne pas nous faire objecter d'avoir fait la même chose qu'on a reprochée si fort à la reine de Hongrie. Du reste, vous devez tout faire pour qu'on ne s'amuse pas uniquement à faire des projets, et surtout qu'on ne change pas à tout moment les plans qu'on a faits, mais qu'on les soutienne plutôt avec vigueur et fermeté, sans biaiser ni fluctuer.

Pour ce que vous me mandez, que l'argent promis de la France à l'Empereur est déjà payé, néanmoins mon ministre à Francfort, Klinggræffen, m'écrit que cet article va fort mal et qu'il n'y a rien de réglé. Il sera donc fort nécessaire que la cour de France fasse sans la moindre perte de temps les arrangements nécessaires sur cet article, et qu'on le règle solidement, Il se peut que les sommes que la France a fournies à l'Empereur, n'aient pas été bien administrées ; pour obvier donc à ce mal, il serait bon que la cour de France nommât un commissaire, homme intègre et entendu, à qui on payât les sommes qu'on fournit à l'Empereur, et qui aurait soin qu'elles ne soient employées à d'autres fins qu'à leur destination, ce que vous ne manquerez pas d'insinuer là où il le faut, et de vous concerter là-dessus avec Klinggræffen.

Il faut que je vous fasse encore ressouvenir ici de la nécessité qu'il y a que la cour de France fasse partir incessamment le sieur de Saint-Séverin vers la cour de Pologne, et son envoyé vers la cour de Russie, car, sur le moindre retardement qu'on en fera, les cours de Vienne et de Londres auront gagné le dessus, et ce ne sera que moutarde après dîner lorsque les envoyés de France arriveront aux cours susdites.

Tout ce que je puis vous recommander outre cela, c'est de pousser bien à la roue, afin que les opérations tant des Français que des Impériaux se fassent avec toute la vivacité imaginable, et que les efforts se fassent à la fois ; sur quoi, je me remets sur votre zèle, dextérité et savoir-faire.