<321>décampa de la chapelle surmentionnée et marcha en front vis-à-vis de l'Elbe à Neuhof; il fait actuellement des détachements derrière soi, pour occuper, apparemment, les endroits qu'il destine pour ses quartiers d'hiver. L'ennemi, qui a campé jusqu'ici pendant des gelées terribles, et qui manque souvent de pain, doit avoir extrêmement ruiné son armée, tandis que la mienne est sous les toits, et, ayant Kolin et Pardubitz, cantonne tranquillement jusqu'à ce que l'ennemi se soit séparé.

La grande difficulté qu'il y aura, sera de pouvoir ramasser des fourrages pour l'année qui vient, et une cavalerie comme la mienne, forte de 22,000 mille chevaux, avec tous les autres chevaux de l'armée, qui montent jusqu'à 5,000, nous obligeront de nous élargir dans nos quartiers autant que nous pourrons. La subsistance pour le courant de l'année nous sera très difficile, et je ne vois encore point de jour pour pouvoir amasser deux mois de magasins pour l'année qui vient. La Bohême n'étant pas un pays fait pour que de grandes armées y puissent agir et subsister, les Autrichiens ont si fort ruiné les endroits où ils ont été, que les paysans mêmes ont quitté leurs demeures.

Sur ce qui est des autres points de votre lettre du 17 du mois d'octobre dernier, je trouve excellente la proposition que vous avez faite au comte d'Argenson, touchant la marche à faire du comte de Clermont, et j'espère que la cour de France la goûtera; mais quant aux miliciens de Bohême, que vous demandez pour vous en servir de recrues pour compléter les régiments impériaux, il faut que je vous dise, en premier lieu, qu'ayant trouvé la plupart de ces miliciens, à leur sortie de Prague, gens surveillés et incapables à servir, je n'ai pas voulu me charger d'un aussi grand nombre de gens inutiles; c'est pourquoi j'ai ordonné qu'on laissât aller tous gens hors d'état de servir et dont une grande partie sont domiciliés en Bohême. Le reste que j'ai gardé, me doit servir pour en faire l'échange contre des prisonniers qu'on a faits par ci par là de mes gens, valets ou palefreniers, ce dont je n'ai pas pu me dispenser; ainsi, avec toute la meilleure volonté du monde, je ne puis point vous assister de ces gens.

En second lieu, il faut que je vous dise que le tour que vous proposez pour faire le transport de pareilles recrues, me paraît infiniment difficile et coûteux; pour ne pas dire que le ministère saxon à Dresde m'a fait déclarer expressément, par ordre du Roi leur maître, qu'il ne pourrait plus laisser passer par la Saxe ni munition de guerre ni prisonniers; je veux seulement vous donner à considérer combien de circonstances il faudrait pour mener autant de recrues contre leur gré par un si grand détour et par tant de territoires différents, et je suis persuadé que vous avouerez que le jeu ne vaudrait pas la chandelle.

Touchant les officiers que vous demandez de moi, vous concevrez de même l'impossibilité qu'il y a de vous en fournir, pendant un temps de guerre où je suis, où j'en perds par ci par là, de manière que j'engagerais moi-même très volontiers des officiers habiles, si j'en pouvais