<346>m'éloigner de cette capitale, sans l'avoir pourvue suffisamment de vivres, car, au moment où nous l'occupâmes, il n'y avait de provisions de bouche que pour huit jours. Je n'y laissais non plus qu'une garnison' de 6 bataillons et de 300 chevaux, ce qui aurait été bon dans le cas que l'on fût resté dans le voisinage, mais ce qui devenait insuffisant pour défendre une place de cette immense étendue et qui ne se soutient qu'à force de bras. L'autre faute était encore de plus de conséquence: si l'armée avait marché d'abord à Pilsen, nous aurions fort dérangé et peut-être rompu la jonction des Saxons et du prince Charles, nous aurions pris le principal magasin des Autrichiens et nous couvrions Prague; mais au lieu de prendre ce parti sage et qui semblait obvier à beaucoup d'inconvénients, il parut à mes généraux que M. de Batthyany, ayant fait construire à Kamaik un pont sur la Moldau, passerait incontinent cette rivière, dès que nous serions sur la rive gauche; et, dès que les Saxons avaient résolu de se déclarer, M. de Batthyany aurait pu se joindre à eux par la Lusace, me rafler mes magasins sur l'Elbe et faire du dégât en Silésie, pendant que j'aurais été vis-à-vis du prince Charles, qui se serait jeté par les montagnes du Palatinat et de la Haute-Autriche vers Tabor et Budweis, où Batthyany et les Saxons l'auraient pu joindre également. La raison principale qui me détermina de marcher sur Tabor et Budweis, est que les Français ont regardé l'abandon de ceux deux postes, l'année 41, comme la perte de toutes leurs affaires ; de plus, l'Empereur, Seckendorff et Schmettau me rebattaient les oreilles de la nécessité d'occuper ces postes importants.

Le lieutenant-général de Nassau fut détaché, avec 10 bataillons, 10 escadrons de dragons et 30 de hussards, à Tabor; la ville se rendit,1 après avoir fait une sortie où nos hussards sabrèrent et firent prisonniers plus de 140 hommes. L'avant-garde marcha de là à Budweis, de là à Frauenberg, et prit ces deux postes sans presque coup férir.2 L'armée suivait à pas lents le chemin de Tabor, partagée en deux corps, dont l'un côtoyait la Moldau et l'autre marchait plus à gauche. Dès que j'eus quitté Prague, M. de Batthyany envoya 2,000 hussards, quelques milliers de Talpatschs et 1,000 hommes de cavalerie, à Beraun et Königssaal; ceux-là bloquèrent, pour ainsi dire, la ville de Prague et en occupèrent si bien les avenues qu'on n'y put faire entrer aucunes provisions. Je me suis alors trouvé, pendant quatre semaines, sans aucune nouvelle, sans lettres, sans pouvoir trouver de bons espions, sans savoir si le prince Charles, M. de Batthyany et les Saxons étaient en Bohême ou à Péquin. On s'étonnera peut-être que nous n'ayons tiré aucune lumière des prisonniers que l'on faisait tous les jours sur les ennemis; mais il faut savoir que les prisonniers autrichiens ne sont que des hussards ou des pandoures, détachés avec leurs corps six semaines ou plus longtemps de leur armée, et qui n'en ont aucune connaissance. On ne se trouve



1 23. September.

2 30. September, 1. October.