<61>de bon penser à détrôner le roi de la Grande-Bretagne et tenter de mettre à sa place le Prétendant, toutes les apparences sont, et je ne saurais envisager autrement l'affaire, que les démonstrations que la France fait paraître contre l'Angleterre, n'ont point d'autre but que d'embarrasser celle-ci sur les opérations qu'elle a médité de faire contre la France et l'Espagne, de donner des alarmes à l'Angleterre et de la tenir en échec, en causant tout au plus par ci par là quelques mutineries dans les îles de la Grande-Bretagne, pour forcer celle-ci et ses alliés de donner les mains à une paix raisonnable.

C'est pourquoi je crois que nous de notre côté n'avons point lieu d'être alarmés sur toutes ces démonstrations, mais qu'il nous faut plutôt continuer d'avoir toute notre attention au maintien du système de l'Empire, en préférant le salut de la patrie à d'autres considérations. Il serait véritablement triste, si des princes bien intentionnés de l'Empire voulaient oublier leurs véritables intérêts de la sorte qu'ils voulussent courir éteindre le feu des maisons d'autrui et abandonner à l'incendie leurs propres; aussi, en fidèle ami de Votre Altesse, je Lui donne à considérer de combien de hasards sa propre maison serait exposée, si, après tous les pas qu'EUe a faits jusqu'à présent, Elle voulait tout d'un coup abandonner ses amis véritables et, sans compter les risques qu'Elle aurait à encourir après que la bataille auprès de Toulon1 paraît changer bien la face des affaires, Se jeter dans un parti dont le but, point difficile à deviner, n'est autre que de nous imposer tôt ou tard un joug intolérable, et de disposer despotiquement de nous autres princes de l'Empire.

Pour moi, je ne saurais disconvenir à Votre Altesse qu'en zélé patriote je ne me départirai jamais de ce que je dois à la patrie, et que n'irai ni plus ni moins mon train pour le soutien de notre digne Empereur, en arrive ce qui voudra. Je suis trop persuadé de la pénétration et des lumières de Votre Altesse qu'Elle ne saura qu'approuver mes sentiments fermes, et j'ai tout lieu de croire qu'Elle ne Se séparera jamais d'un ami et allié qui avec des sentiments de considération et d'estime sera constamment, mon Cousin, de Votre Altesse le bien bon et très affectionné cousin

Federic.

Je vous prie, pour l'amour de Dieu et de votre patrie, n'abandonnez point le bon parti dans lequel vous étiez prêt d'entrer; je vous réponds, quoi qu'entreprenne la France, qu'elle ne renversera pas le roi d'Angleterre, et distinguez, s'il vous plaît, le roi de France et l'Empereur. Pourquoi voulez-vous faire souffrir ce dernier des actions du premier? Songez, je vous prie, que vous prêtez le col aux fers que les Autrichiens veulent donner à l'Empire, si vous nous quittez brusquement dans une conjoncture où tout est préparé et réuni pour mettre des bornes à l'ambition démesurée de la reine de Hongrie. Pour moi, quoi qu'il arrive,



1 22. Februar 1744.