<66> ses frontières de Bohême et de partager son attention entre l'offensive et la défensive. Les mouvements équivoques des troupes moscovites ne demandent pas moins de vigilance et de ménagement. Tant d'entraves l'obligent à faire un choix prudent dans ses opérations et à se conduire avec tant de sagesse et de prévoyance qu'il soit préparé à tout événement et qu'il se trouve, par de justes mesures, prises à temps, en état de parer tous les coups qu'on voudra lui porter.

L'ouverture de la campagne est un de ces mystères qu'il est impossible de deviner; ce début — qui met celui qui prévient son ennemi, en de grandes avantages, en l'obligeant de se régler sur lui — décide souvent du succès de toute une opération.

Il paraît donc qu'il faudrait convenir comme d'un article principal qu'au moment que les Autrichiens se rassembleront, soit en Moravie ou en Bohême, l'armée de Bavière, forte de 60,000 hommes, sera tenue à se rassembler et à commencer incessamment ses opérations, à quoi elle a toutes les facilités, à l'égard du nombre qui la rend d'un triple supérieure à l'ennemi, et à l'égard, des subsistances que le Danube lui procure. H paraît que, si le roi de Prusse ne faisait pas autre chose que de contenir une année de 70,000 hommes, il rendrait un service important. On peut être sûr que, s'il trouve les moyens de pousser sa pointe, il ne négligera pas un article aussi favorable pour lui même; mais en examinant impartialement sa situation politique, et la position militaire du roi de Prusse et de l'électeur de Bavière, on conviendra facilement que, toutes les choses prises dans la situation présente, c'est à l'armée de Bavière à frapper les grands coups. H n'y a point de rivière navigable qui va de la Silésie en Moravie, ni de la Silésie en Bohême; la campagne de l'année passée a dû servir de leçon pour toute guerre aventurée dans un pays fourré sans rivières navigables et sans places tenables. Le roi de Prusse ne peut donc point s'éloigner de ses dépôts de vivres, il peut pousser le long de ses frontières à quelques milles dans le pays ennemi, mais, vu la quantité de troupes légères que la reine de Hongrie a de ce côté, il risquerait tout en s'aventurant trop loin. L'armée de Bavière a des avantages bien différents; en longeant le Danube elle ne s'écarte jamais de ses subsistances, elle peut faire prendre Ingolstadt, en formant le siége de Passau, et, cette ville prise, elle peut avancer jusques aux glacis de Vienne, sans que les 20,000 hommes du général Batthyany osent seulement se présenter pour lui faire une ombre de résistance. Cette opération rejette premièrement la guerre aux portes de Vienne, elle oblige les Autrichiens à faire un fort détachement de ce côté-là, ce qui peut faciliter au roi de Prusse l'entrée en Moravie, en laissant toutefois un puissant corps sur les frontières de la Bohême ; de cette façon, et dirigeant toutes les opérations immédiatement sur Vienne, la Bohême tomberait d'elle-même, et la reine de Hongrie se verrait aux abois, au lieu que toute autre opération devient vicieuse, incertaine, téméraire, ou, pour mieux dire, mal digérée.