1773. AU ROI DE FRANCE A VERSAILLES.

Neisse, 3 avril 1745.

Monsieur mon Frère. Si ce que Votre Majesté suppose des inclinations de la cour de Dresde, se trouvait ainsi, il y aurait grande apparence que la négociation du marquis de Vaulgrenant pourra réussir. Mais je dois parler vrai à Votre Majesté, et je puis L'assurer que ni les plus flatteuses espérances d'ambition, ni les plus grandes perspectives d'intérêt ne feront changer la cour de Dresde du parti auquel je suis sûr qu'elle est indissolublement liée. Le roi de Pologne est sous la tutelle de la Russie et dans la servitude de la cour de Londres; ses mclinations, ses favoris, ses maîtres, tout s'oppose à ce qu'il change d'alliés ; ce serait faire un abus de mon nom que de vouloir l'employer pour faire des tentatives inutiles. Je me suis déterminé, aux instances de Votre Majesté, au voyage que le marquis de Valory fit à Dresde; il est contre ma dignité et la bienséance que j'en fasse davantage, après avoir épuisé tous les moyens imaginables de conciliation; une conduite<104> différente enflerait la vanité saxonne et rehausserait peut-être la fierté autrichienne. Votre Majesté peut même juger, par les soins que le comte de Loss, envoyé de Saxe à Munich, se donne pour détacher cet Électeur de l'union de Francfort, que le roi de Pologne n'a assurément aucun dessein de changer de parti, mais bien au contraire de fortifier le sien. Les matières de l'élection du roi de Pologne104-1 se trouvent d'ailleurs si compliquées par rapport aux intentions de la Russie, aux lois de la république polonaise — dont j'ai fait un ample détail au marquis de Valory — que je ne sais point par quels tempéraments tant de choses, qui sont en opposition les unes avec les autres, pourront se concilier, et quant à mon individu, je ne puis promettre que des choses que je suis en état de tenir ou qui n'attirent pas de funestes suites pour mes intérêts. Votre Majesté me doit la justice que, lorsque j'appris la situation de Ses troupes en Alsace, l'année passée, je n'ai pas balancé un moment à me déclarer104-2 — quoiqu'infiniment des points contenus dans notre traité me laissaient les mains libres. Je me suis attiré, par les mauvais succès de la campagne dernière, tous Ses ennemis à dos; comment peut-Elle prétendre qu'ayant déjà la guerre dans mon pays, je contracte de nouveaux engagements avec le roi de Pologne, qui ne manqueraient pas de me brouiller avec la cour de Pétersbourg et qui me ruineraient totalement, vu que le comte Bestushew a déclaré à Dresde que l'impératrice de Russie ne souffrirait jamais que le roi de Pologne se mît au rang des candidats pour la couronne impériale?

Je suis fâché que la maladie du maréchal de Schwerin l'empêche d'accepter le poste que Votre Majesté lui destine;104-3 il est actuellement très incommodé d'anciennes blessures qui se sont rouvertes.

Votre Majesté sait sans doute que les résolutions du collége électoral se prennent selon l'usage à la pluralité des voix; ainsi je ne puis dans toutes les occasions faire usage que de ma voix; il s'agira pour la voix de Bohême,104-4 ainsi que pour l'élection impériale, de la majorité ; la reine de Hongrie peut compter sur Mayence, Trêves, Saxe, l'Hanovre et peut-être aussi Cologne. Si la supériorité ne s'y trouve pas, du moins l'égalité y est-elle ; ainsi il s'agira de celui qui pourra le premier fortifier son parti d'un suffrage.

Les Autrichiens se tiennent encore paisibles dans leurs quartiers de Moravie; il n'en est pas de même du côté de Teschen, où ils ont assemblé un corps de 26,000 Hongrois, qui n'attendent apparemment que la saison pour pousser de l'autre côté de l'Oder et infecter tout le pays. Les Saxons ont 24,000 hommes vers les frontières de la Lusace; les Autrichiens sont aussi intentionnés, à ce que l'on dit, de tirer des troupes du Haut-Palatinat pour renforcer leur corps de Bohême, ce qui se<105> fonde sur l'espérance qu'ils ont de détacher l'électeur de Bavière de l'Union.

Je suis avec la plus haute estime et toute la considération imaginable, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



104-1 Vergl. S. 102.

104-2 Vergl. Bd. III, S. 207, Nr. 1500.

104-3 Ludwig XV. schreibt, Versailles 15. März (m. p.): „Votre Majesté a bien raison de dire qu'il manque un général à l'armée de Bavière; on m'a proposé de vous demander le général Schwerin, et j'ai écrit à Valory de le proposer à Votre Majesté.“ Vergl. S. 61.

104-4 Vergl. S. 41. 61.