<107> des vivres et de l'artillerie, qu'on attend au plus tôt les troupes russiennes en Courlande, qu'on équipe des galères, qui ne pourront servir ni contre la Suède, ni pour transporter des troupes auxiliaires en Flandre — tous ces avis et de pareils d'autres, dis-je, me donnent de nouveau bien des soupçons et me font craindre qu'à la fin la Russie ne veuille tout de bon dégaîner contre moi. On vient, outre cela, de mander que les Russiens même donnent assez à entendre que toute cette équipée-là n'a en but que moi, et des avis que j'ai de la Lithuanie m'apprennent que le brigadier de Lieven, avec le prince Wolkonski, dont il est accompagné, doivent tenir des discours assez préjudiciables à mes intérêts, en tâchant de donner de l'ombrage aux Polonais et Lithuaniens sur ma puissance trop grande et sur le dessein qu'on m'attribue de vouloir m'emparer de la Prusse polonaise, et sur la nécessité qu'il y avait donc d'augmenter l'armée de la couronne en Pologne.

Par toutes ces considérations, je trouve nécessaire que vous ne tardiez plus d'exécuter les ordres que je vous ai donnés par le postscriptum allemand que je vous ai fait en date du 30 d'avril, et que vous vous expliquiez là-dessus avec le chancelier Bestushew, quoiqu'avec dignité, néanmoins sans aigreur et dans des termes bien convenables, en y ajoutant que, comme je voyais que la Russie assemblait toutes ses forces sur mes frontières, qu'elle équipait ses galères et qu'elle faisait d'autres arrangements pareils pour une guerre offensive, que d'ailleurs ou me mandait de Vienne et d'autres cours d'Allemagne que tous ces arrangements ne visaient qu'à moi, et que les Autrichiens parlaient d'un certain traité qu'on venait de faire avec la Russie, et de ce qui en arriverait, qu'en outre je savais, d'une manière à n'en pouvoir douter, que les expressions dont les ministres russiens en Suède s'étaient servi par rapport à l'alliance que j'avais voulu faire avec cette couronne, n'avaient point du tout été des plus amiables — que par toutes ces circonstances, et par d'autres encore combinées ensemble qui ne marquaient guère une bonne disposition à mon sujet, et par tout ce qui se passait sur mes frontières, je me voyais obligé à lui faire demander la raison d'un pareil arrangement, et si c'était à moi qu'on en voulait, ou quel autre objet on en pourrait avoir.

En vous expliquant de cette façon avec le Grand-Chancelier, vous devez en même temps lui tâter le pouls, quoique d'une façon tout-à-fait générale et sans lui nommer quelque somme, ni proférer quelque mot qui puisse être obligatoire, sur la gratification qu'il aurait à attendre de moi, pourvu qu'il ne voulût point nuire à mes intérêts, et qu'il aurait à faire à un Prince qui connaissait les mérites et qui ne serait jamais ingrat des amitiés qu'on lui témoignait etc. etc.

Comme aussi milord Hyndford vient de vous assurer que ses ordres étaient d'apporter tous les soins imaginables pour consolider la bonne intelligence entre moi et l'impératrice de Russie, vous devez vous concerter avec lui, en lui communiquant les avis que ci-dessus, et tâcher