<126> être plus indisposée contre moi que par le temps passé, et comment je devais combiner sa condescendance envers le Chancelier, dans une affaire d'une si grande importance, avec les propos de mécontentement qu'elle a tenus, selon votre relation, sur le sujet du Chancelier. D'ailleurs vous ne vous expliquez pas assez clairement si c'est pendant le cours de cette année qu'on veut que l'Impératrice me doive faire la guerre, ou si c'est seulement qu'on espère à présent de faire entrer cette souveraine dans le grand projet que le chancelier Bestushew a fait avec les cours de Vienne et de Dresde pour m'assaillir avec toutes leurs forces, dès que la guerre avec la France et ses alliés sera finie. S'il s'agit du premier cas, je suis du sentiment, avec vous, que je ne saurais m'imaginer encore que la Russie, dépourvue qu'elle est des ressources nécessaires, voudrait seule se charger d'une guerre contre moi où elle ne pourra être assistée ni de l'Impératrice-Reine, par la guerre qu'elle a encore sur les bras, ni par la Saxe, qui n'est absolument pas en état d'agir contre moi, cette année-ci. Mais s'il s'agit du second cas, j'aurai alors encore pour moi le bénéfice du temps, les apparences qu'on a eues pour parvenir à une pacification générale avec la France et ses alliés étant évanouies, et les négociations presque tout-à-fait rompues. Et comme ordinairement, dans les grandes affaires, chi a tempo a vita, aussi, si je puis gagner du temps, il n'est pas à douter qu'il en arriverait bien des incidents qui feraient manquer toute cette conspiration contre moi, avant qu'on aurait le temps de la mettre en exécution.

Par toutes ces raisons je crois que vous n'auriez pas besoin encore de faire au ministre les offres pécuniaires que je vous ai autorisé à faire lorsque la dernière extrémité l'exigera.

Je suivrai l'avis que vous me donnez touchant l'article à insérer dans les gazettes concernant la rupture qu'on me faisait méditer avec la Russie. Je crains seulement que le Chancelier se serve de bien- d'autres arguments encore pour indisposer l'Impératrice contre moi.

Il ne me semble pas que vous pensiez juste, lorsque vous croyez qu'il pourrait être d'un bon effet, si je mettais 15 à 20,000 hommes de plus en Prusse, puisque, selon moi, il s'ensuivrait infailliblement que le feu de la guerre s'allumerait peu à peu et bien plus tôt qu'il n'aurait fait sans cela; ainsi donc que je tiens pour plus sûr de voir venir ceux qui voudront m'assaillir, et de faire alors à temps les dispositions qu'il faut selon les circonstances, de les combattre vigoureusement et les faire regretter l'injuste entreprise qu'ils auront faite.

Je viens d'avoir des nouvelles que le comte Woronzow va arriver incontinent à Berlin, où il ne s'arrêtera, à ce qu'on dit, que deux jours, pour poursuivre son voyage à Pétersbourg. Comme mon absence et celle de toute ma famille, qui vient d'arriver ici chez moi, me pourra empêcher de le voir là, j'ai instruit mon ministre d'État, le comte de Podewils, de quelle manière il doit s'expliquer avec lui sur toutes nos affaires, et de vous mander alors le détail de tous les entretiens qu'il