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Je viens d'être informé en secret de fort bonne main du contenu des articles qui ont fait jusqu'à présent la matière de la négociation entre la France et la Hollande,1 dont je veux bien vous faire confiance, quoique sous le sceau du plus grand secret et uniquement pour votre direction et pour vous aider à vous procurer des lumières d'autant plus sûres. Il y a treize articles qui ont fait le sujet des conférences entre les ministres de France et ceux de Hollande. Le premier en est la garantie de la barrière, laquelle la France offre perpétuellement à la Hollande, pourvu que celle-ci s'engage de ne jamais souffrir que la France puisse être attaquée par la reine de Hongrie, ou que, si elle l'est, elle emploiera ses forces pour l'empêcher. La République ne veut promettre que des offices et de ne fournir contre la France ni troupes ni argent. Le second article regarde le rétablissement du traité de commerce fait entre la France et la Hollande en 1739; le troisième, mon inclusion pour la Silésie. Les autres sont que le roi de France s'offre à rendre tout ce qu'il a pris aux Pays-Bas autrichiens, à la réserve de certaines enclaves. L'Angleterre demande que Dunkerque soit remis sur le pied qu'il était en 1717, la France insiste qu'il reste comme il était en 1740. L'Angleterre demande le rétablissement de son commerce en Amérique sur le même pied qu'il était avant qu'elle fût en contrariété avec l'Espagne, et avec toute liberté de navigation. La France demande la restitution du cap Breton et un établissement en Italie pour l'infant Don Philippe, pour lequel la cour de Vienne a offert la Toscane et que la reine de Hongrie donnera à l'Empereur le royaume de Bohême, pendant sa vie, et que, lorsque l'infant Don Philippe serait parvenu au royaume des Deux-Siciles et le roi des Deux-Siciles à celui d'Espagne, la Toscane retomberait au frère de l'Empereur; mais, depuis la bataille de Plaisance,2 la cour de Vienne n'offre plus pour l'établissement de l'Infant que le duché de Parme et le reste de celui de Plaisance qui n'a pas été abandonné au roi de Sardaigne par le traité de Worms. Il y a un article que l'Empereur sera reconnu par la France et par l'Espagne; un autre sur la cession du duché de Limbourg et de la Gueldre autrichienne pour le Palatin; un autre sur l'entière restitution des États du roi de Sardaigne, de même que sur le rétablissement du duc de Modène dans ses États, et les Génois confirmés dans les leurs, et particulièrement dans Finale. Enfin, les treize articles dont il s'agit doivent faire le fondement d'une paix générale. Voilà tout ce qui m'en est revenu, sur quoi vous garderez pourtant un secret fort scrupuleux.

J'ai été fort surpris de voir la bizarre insinuation que le comte de Colloredo vous a voulu faire, comme si en conformité du traité de Dresde je devais concourir — en même temps qu'on inviterait l'Empire à se charger de la garantie du traité de Dresde — à porter l'Empire de garantir la Sanction Pragmatique. Il ne s'agit point dans le cas



1 Vergl. S. 153.

2 Vergl. S. 121.