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2148. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Berlin, 8 février 1746.

J'ai lu avec bien de l'attention tout ce que vous m'avez mandé par vos relations des 21, 24 et du 28 du mois de janvier passé, qui me sont revenues à la fois. J'ai trouvé les observations que vous y avez faites, fort justes, et je vois bien que la France n'est pas encore déterminée si elle veut préférer la paix à la guerre, et qu'ainsi l'affaire de la médiation n'est pas encore venue à sa maturité. Il faut cependant que je vous avertisse en général que, s'il s'agit d'une médiation entre la France et les autres parties belligérantes, je verrai alors sans jalousie les accroissements de puissance de la France et de l'Espagne, puisqu'ils ne sauraient me nuire, et que d'ailleurs, plus la France et l'Espagne profitent, plus la puissance de la nouvelle maison d'Autriche sera diminuée. Ce que je ne dis pourtant que pour votre instruction seule.

Pour ce qui regarde les idées de M. le marquis d'Argenson touchant la guerre de négociations que je dois faire à la reine de Hongrie,1 vous lui direz, toutes les fois qu'il vous en parlera, que je n'avais nulle envie de m'embarquer dans une guerre des chicanes qui me conduirait insensiblement à une rupture générale, et qu'ainsi je n'y entrerais ni en noir ni en blanc; qu'il ne s'agissait présentement plus de chicaner sur des bagatelles, et que, l'élection du Grand-Duc une fois faite, celui-ci pourrait jouir de toutes les prérogatives qui lui reviennent par la dignité impériale à lui échue, sans que je m'y opposerais ; que, si la couronne impériale devenait héréditaire dans la nouvelle maison d'Autriche, la France n'avait qu'à s'en prendre à elle-même. Quant à mes intérêts personnels, je saurais me soutenir contre tous les mauvais desseins et contre toutes les mauvaises intentions de la maison d'Autriche, mais que moi, aussi peu que tous les autres hommes, ne pouvions pas fixer l'avenir par toute notre prudence, et qu'ainsi notre grande application devrait être de remplir bien notre tâche pendant notre vie. Si après ma mort arrivait du changement dans l'État, le sort déciderait en cela du mien comme de tous les autres États qui ont existé depuis qu'il y a eu des règnes dans le monde. Pour ce qui regardait la neutralité de l'Empire, je la trouvais juste et raisonnable, et que, dès qu'on ferait la proposition à la diète de Ratisbonne, je ne manquerais pas d'y donner ma voix pour y concourir, et que je serai charmé de rendre des services à la France dans cette occasion comme dans toutes les autres.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Chambrier macht in seinem Bericht vom 24. Januar die Bemerkung: „La France voudrait que, si Votre Majesté a fait Sa paix avec la reine de Hongrie, Votre Majesté fasse à présent à cette Princesse une guerre de négociation dans l'Empire.“