<65> rien; sur quoi, il faut que je vous réponde qu'il ne s'agit pas dans ce moment-ci de bons ou de mauvais généraux que la Russie ait, mais il ne s'agit que du nombre; qu'il faut que vous considériez que, si je suis attaqué d'un côté dans la Silésie par la reine de Hongrie, sa paix faite avec la France, elle peut m'opposer au moins 60,000 hommes, que la Saxe y en pourra mettre alors en campagne 20,000 hommes; ajoutez à cela la Russie avec 40,000 : voilà déjà 120,000 hommes contre lesquels il faut se défendre. Mes forces montent à 130.000 hommes; décomptez - en les garnisons qu'il faut que je laisse dans les forteresses que j'ai : vous trouverez que je ne puis mettre en campagne que centdix à douze mille hommes. Après cela, jugez des dépenses énormes qu'il me faut pour entretenir ce monde dans mon pays. Outre cela, on peut-être heureux dans une guerre dans deux on trois occasions : qu'on ait quelque revers dans une autre, les choses peuvent alors prodigieusement risquer; et qui me répond d'ailleurs que le Danemark et l'Hanovre ne s'engagent aussi, dès qu'ils verront une ligue si forte contre moi? De tout cela, je conclus que le plus sûr et le plus convenable est de tâcher à séparer ces gens-là, pour ne pas les avoir tous contre moi. D'ailleurs, si je ne crains point les troupes réglées russiennes, je crains d'autant plus leurs Cosaques, leurs Tartares, et toute cette race-là, qui peuvent brûler et dévaster tout un pays dans un temps de huit jours, sans qu'on soit en état de les en empêcher; ainsi que vous pourrez croire que ce serait un surcroît de malheur assez considérable, si la Russie venait à se déclarer contre moi. Pour conclusion de tout cela, mon intention est qu'en cas qu'il y ait véritablement à craindre une rupture avec la Russie, il vaudrait toujours mieux, s'il n'y avait point d'autre moyen, d'acheter la paix du ministre malintentionné et de lui payer plutôt une somme de cent ou deux cent mille écus, que de m'exposer à avoir des gens dans mon pays qui ne risquent jamais que d'être tout au plus bien battus et de perdre leur monde, sans qu'on en puisse tirer quelque plus d'avantages.

Je vous dis tout ceci pour vous seul, afin que vous vous régliez là-dessus et que vous me serviez avec toute cette attention et cette dextérité, pour me tirer de cette affaire embarrassante.

Je ferai part, d'une manière convenable, au successeur de la couronne de Suède de toutes les mauvaises trames du Chancelier contre lui, et il sera à voir si j'en puis tirer quelque avantage pour que la Suède se lie avec moi. Je ferai parler aussi au lord Harrington sur toutes les manigances qui se font actuellement à Pétersbourg, pour savoir de lui ce que j'aurai à attendre de l'Angleterre en cas que la Russie m'attaquât; je ferai insinuer quelque chose au ministère de la France des insinuations que Pretlack à faites à d'Aillon, et je tâcherai de faire peur d'une manière indirecte aux ministres saxons, en leur faisant accroire que je suis bien informé de tout ce qu'on a tramé jusqu'ici à Pétersbourg.