<471> ne voudra laisser voir ni lire cette copie ni en communiquer quelque chose à aucun des autres ministres de France ni à qui que ce soit hormis à Sa Majesté Très Chrétienne seule; aussi M. de Puyzieulx conviendra combien il m'importe qu'il n'en éclate pas la moindre chose, et qu'une indiscrétion me ferait perdre absolument le canal d'où j'ai tiré une découverte de cette importance.

Vous direz à cette occasion, par un compliment bien flatteur de ma part, au marquis de Puyzieulx combien j'avais lieu d'admirer sa façon de penser juste sur les affaires en ce qu'il avait si solidement pénétré ce que je n'avais appris présentement qu'à des frais et des dépenses assez considérables que j'avais été obligé d'y employer; que je lui savais d'ailleurs beaucoup de gré de ce qu'il avait bien voulu avoir tant d'attention à la conservation de la tranquillité du Nord et contribuer aux déclarations que Sa Majesté Très Chrétienne avait fait faire à ce sujet aux cours de Londres et de Copenhague, et qui, selon ce qui en paraissait, n'avaient pas été sans succès.

Vous lui direz d'ailleurs que pour ce qui concernait les affaires de Courlande,1 il s'en fallait beaucoup que j'en sois mêlé en aucune manière ni que je m'en mêlerais jamais, et pourvu que les deux cours impériales ne voulussent point agir offensivement contre la Suède ni renverser l'ordre de succession y établi, le reste me serait bien indifférent, ainsi qu'on pourrait espérer que cet orage qui avait paru tant menacer le Nord, se pourrait dissiper encore sans venir à des éclats, quoique je ne doutasse pas que lui, M. de Puyzieulx, eût très bien rencontré quand il vous avait dit que pendant toute cette année les choses pourraient rester comme elles sont.

Après tout cela, vous lui direz encore que, comme l'homme d'affaires de la cour de Danemark à la mienne venait de déclarer depuis quelques jours à mes ministres que le Roi son maître avait résolu de m'envoyer un ministre de qualité, je voudrais bien confier à lui, M. de Puyzieulx, l'intention où j'étais de tâcher, quand ce ministre serait arrivé et que j'y verrais jour, de faire une alliance défensive avec le Danemark, quand même je devrais lui garantir la possession du duché de Sleswig et promettre mes bons offices à ce que les différends entre le Danemark et le prince-successeur de Suède au sujet de la succession éventuelle au Holstein fussent amiablement réglés. Que je croyais faire un coup de partie par là pour la Suède, en lui faisant avoir un ennemi de moins, et la rassurer de la crainte où elle était justement de se voir assaillie de front et en dos en même temps.

Outre cette confidence, je veux bien ajouter encore celle-ci que le ministre de la cour de Turin à la Haye, le comte de Chavannes, a glissé dernièrement, quoique seulement par manière de discours, à mon ministre y résidant que, puisque le Roi son maître était dans le même cas que moi avec la reine de Hongrie à l'égard des cessions qu'elle



1 Vergl. S. 476.