3410. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Berlin, 4 janvier 1749.

Il m'a fait plaisir de voir, par votre dépêche du 23 du décembre dernier, qu'on a lieu d'espérer que les cours de France et d'Espagne vivront désormais dans cette union que leurs intérêts communs demandent, et que les ministres de France commencent à se dessiller les yeux sur la façon d'agir du ministère saxon et sur le peu de fond qu'ils y pourront jamais faire, aussi longtemps que le comte de Brühl gardera le maniement des affaires.

Au surplus, j'ai trouvé nécessaire de vous faire communiquer par une dépêche du département des affaires étrangères333-1 qui vous reviendra à la suite de celle-ci, ce qu'un ministre anglais, assez au fait du système présent de l'Angleterre, a bien voulu insinuer à quelqu'un des miens par rapport aux affaires de la Suède et concernant la façon de penser du ministère d'Angleterre à mon égard. Cependant, comme mon ministre à Vienne, le comte Podewils, vient de me mander que tout semblait à Vienne qu'on s'attendait à voir troublée la tranquillité du Nord, dès que le roi de Suède aurait fermé les yeux, que le bruit s'en renouvelait<334> non seulement, mais qu'on ajoutait encore que l'Impératrice-Reine ne pourrait se dispenser de fournir à la cour de Pétersbourg, en cas qu'elle fût mêlée dans la guerre, un corps de troupes auxiliaires pareil en nombre à celui que la Russie avait envoyé à son secours, et que l'on n'attendait d'ailleurs que la mort du roi de Suède pour mettre en exécution les projets dont on était convenu entre les deux cours impériales, je souhaiterais bien que vous puissiez trouver un moment favorable pour parler confidemment au marquis de Puyzieulx de tout ce que dessus.

Vous lui direz encore qu'à la vérité les lettres que j'avais de Russie ne s'accordaient nullement avec, ce que mon ministre à Vienne me disait, et qu'elles soutenaient au contraire qu'il ne s'agissait pas aujourd'hui d'attaquer ou de renverser la succession établie en Suède, et que la cour de Russie n'avait d'autre but que d'empêcher le changement de la forme présente du gouvernement de la Suède; que toutes les ostentations du contraire ne devraient point alarmer les Suédois, s'ils avaient pris le parti de ne rien changer à la forme du gouvernement, et que l'on ne les attaquerait pas pour autre chose; mais, comme cependant ces avis de Vienne ne laissaient pas de me causer quelque ombrage, je priais lui, marquis de Puyzieulx, de vouloir bien me dire ce qu'il en sentait et ce qu'il en pourrait être parvenu à sa connaissance; que je jugeais bien, par tout ce qui m'en était revenu, qu'il y avait quelque concert pris entre les cours de Vienne et de Pétersbourg, mais comme j'ignorais sur quoi ce concert pourrait rouler, j'aurais bien de l'obligation à lui, marquis de Puyzieulx, si par le canal des ministres de France aux cours étrangères il voulait faire approfondir ce qui en pourrait être, et me communiquer alors ce qu'il en aurait appris, afin de me tirer par là de l'embarras de l'incertitude où j'en étais. Vous ajouterez encore que, puisque la France souhaitait que la Suède se raccommodât avec l'Angleterre, je ne laisserais pas d'y exhorter celle-là et de lui recommander d'envoyer un ministre en Angleterre. Vous ne manquerez pas de me mander ce que le marquis de Puyzieulx vous aura dit là-dessus.

Federic.

Nach dem Concept.



333-1 Vergl. Nr. 3405.