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Si les ministres semblent en défiance de ma bonne foi et lui allèguent la paix que nous fîmes l'année 42 et celle de 46, il peut répondre que cette première paix n'aurait point été précipitée, si nous n'avions pas eu l'exemple de la paix de 1735 quefit le cardinal de Fleury, sans consulter les rois d'Espagne, de Sardaigne, ni le pauvre Stanislas, et que de plus on savait qu'un émissaire du Cardinal se trouvait à Vienne,1 qui ne pouvait y négocier qu'à mon plus grand désavantage; et, quant à la paix de 46, qu'elle est conforme au traité fait avec la France, où il était marqué qu'au cas que la Russie commençât à remuer,2 j'avertissais la France que je penserais à ma sûreté, ainsi qu'il n'y a rien dans toute ma conduite contre la bonne foi.

Quant aux négociations, elles roulent à présent sur trois points principaux: 1° la tranquillité du Nord, 2° l'élection d'un roi des Romains, 3° une alliance entre le Danemark et la Prusse.

Quant à la première, il paraît que la Suède a tiré son épingle du jeu, et que toutes les ostentations de la Russie ne se tourneront directement que contre moi. Je trouve de mes intérêts de dissimuler dans cette occasion et de ne pas même faire d'attention à toutes leurs fanfaronnades militaires. Nous ne demanderons l'assistance de personne que lorsque les Russes feront une levée de bouchers réelle. S'il me revient quelques nouveaux complots des cours alliées, je le communiquerai à la France et à Milord pour sa direction.

2° L'élection d'un roi des Romains repose à présent, l'Angleterre tâche de se procurer la majorité des voix dans le Collège Électoral, et je crois que la France et nous savons à quoi nous en tenir; à moins qu'il ne survienne quelque évènement inattendu, je n'en écrirai point en France. Cependant vous pouvez dans des conférences demander au sieur de Puyzieulx si le ministère anglais ne s'explique point avec Mirepoix sur ce sujet et si la cour de Vienne ne sonne mot d'une affaire qui lui tient si fort à cœur.

3° Ce sont les Français qui négocient à Copenhague l'alliance de la Prusse et du Danemark; cette affaire demande quelques éclaircissements pour votre instruction. Le Danemark a quelque éloignement pour entrer en alliance avec la Prusse, parcequ'il pouvait être plutôt dans le cas de fournir des troupes que d'en recevoir. Sur ces entrefaites est survenue l'affaire de Madame de Bentinck et du séquestre dont la cour impériale a chargé le Danemark à mon préjudice, ce qui m'a obligé d'envoyer des troupes à Knyphausen.3 La cour de Danemark en a paru fort fâchée; à présent, par l'intermission de la France, on tâche d'ajuster cette affaire, pour rapprocher les esprits. Sur une lettre que le roi de France m'a écrite, je me suis entièrement expliqué4 que je suivrais ses avis, qui tendent à l'accommode



1 Vergl. Bd. II, 161.

2 Die Bestimmungen des Vertrags vom 5. Juni 1744 in Bezug auf Russland ergiebt Bd. III, 131 Anm. Vergl. Bd. III, 210; VII, 60.

3 Vergl. S. 67—71.

4 Nr. 4973 S. 380.