<486>ment sur ses gardes pour ne point donner prise à la cour, et que le Sénat perdra par là un instrument de ses intrigues, si cette affaire pouvait réussir. Je souhaiterais encore beaucoup que „Valory pût être nommé en sa place, étant un homme qui a toujours été attaché à la Prusse et dont le caractère est franc et ouvert. J'attends, mon très cher frère, votre réponse avec impatience. Hier les quatre Etats assemblés ont réglé les revenus du Roi et les miens; ils ont stipulé pour ma part 50,000 écus, ce qui est infiniment au dessus des revenus que les Reines ont eus ci-devant, qui ne consistaient que de 25,000. J'ai été d'autant plus surprise qu'assurément je ne m'y attendais pas et que je n'avais fait aucune démarche à ce sujet. Le Comité Secret est fait, mais on ne sait point encore comment il est composé; les électeurs ont remis les noms des personnes cachetés, et il a été décidé qu'on ne l'ouvrirait que quand les instructions seront mises au net. C'est à ce moment que l'on verra clair. Fersen m'a remis votre lettre;1 je puis vous assurer que je ne me mêlerai en rien pour son affaire, ni pour ni contre, j'ai lieu de croire cependant qu'il ne fera pas de même. Après tout, il n'y aura pas beaucoup de bruit là-dessus, peut-être une remontrance au Sénat de s'être écarté des règles de la forme prescrite par les lois, et un remercîment au Roi de les avoir soutenues. Il se peut aussi que, si la députation secrète est composée de personnes attachées au Sénat, on passera l'affaire entièrement sous silence, puisque on ne saurait la soutenir. Voici, mon très cher frère, une grande lettre qui, je crains bien, vous ennuiera, tout autant que la cérémonie d'aujourd'hui m'en causera : c'est l'enterrement du feu Roi. Un sermon funèbre qui durera peut-être quatre heures, me laissera tout le temps à penser creux. Je me recommande toujours, mon très cher frère, en votre souvenir et vous supplie de me donner un mot de réponse par le canal de Rohd. Soyez assuré de mon tendre attachement qui ne finira qu'avec ma vie, étant, mon très cher frère, votre très dévouée sœur et servante Ulrique.“

Potsdam, 19 octobre 1751.

Ma très chère Sœur. Permettez-moi de vous parler à cœur ouvert et avec toute la franchise possible sur la situation où vous vous trouvez.

Le Sénat a emporté l'élection du maréchal, il a une entière supériorité, à ce qu'il paraît; d'Ungern n'a point été élu, quel mal pour vous résulte-t-il de tout ceci? Le Sénat, loin de vous faire de la peine, augmente la pension du Roi et la vôtre considérablement; la seule chose à laquelle il ne veut pas se prêter, c'est à étendre l'autorité royale, et c'est un grand bonheur que pendant cette Diète on ne touche point à cette corde. La Russie ne demanderait pas mieux qu'un prétexte, pour vous témoigner à découvert toute sa mauvaise volonté. Souvenez-vous, je vous prie, de ce que je vous dis dans ma dernière lettre,2 et vous conviendrez que rien n'est plus à propos que de couler cette Diète le plus simplement qu'il se peut. Dans la situation où sont les affaires, les moindres entreprises pourraient vous précipiter dans les plus grands malheurs.

Passons à l'ambassadeur de France. Ce que vous me demandez, n'est pas aussi facile que vous l'imaginez. Le ministère français a beaucoup trop de hauteur pour rappeler et envoyer les ministres au gré des cours; tout se fait dans ce pays-là par des intrigues, et votre ambassadeur tient trop au ministère que, sans vouloir le choquer vive-



1 Vergl. S. 434. Das Schreiben des Königs liegt nicht vor. Vergl. Bd. V, 354 Anm.

2 Nr. 5134 S. 478.