4727. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Berlin, 13 janvier 1751.

J'ai reçu à la fois les dépêches que vous m'avez faites du 28 dernier et du 1er de ce mois. Je suis bien aise d'apprendre que le marquis de Puyzieulx avec le comte de Saint-Severin pénètrent en ministres clairvoyants toute l'astuce dont les cours de Vienne et de Londres se servent pour embaumer la France, dans la vue de lui ôter imperceptiblement son influence dans les grandes affaires de l'Europe, et peut-être pour l'humilier au point que les cours susdites la voudraient voir rédigée, après l'avoir privée, s'il y a moyen, des ressources dont elle a su se servir jusqu'à présent pour soutenir son poids et sa dignité.

J'attends de voir quel usage on fera à la cour où vous êtes des conseils sincères que je lui ai fournis au sujet de l'affaire de l'élection d'un roi des Romains.219-1 Je persiste dans le sentiment qu'il faut qu'elle s'explique sans détour et énergiquement envers les ministres des cours de Vienne et de Londres à cet égard et qu'elle tâche d'amener cette affaire à une négociation dont les points principaux seront que la cour de Vienne remplisse ses engagements par rapport à une garantie de l'Empire, point exposée à des équivoques, sur mes possessions de la Silésie, à laquelle elle est venue de s'offrir encore séparément; qu'elle satisfasse aux justes prétentions de l'Électeur palatin, et qu'elle donne des assurances, conjointement avec l'Angleterre, de ne point permettre à ce que la Russie troublât le repos du Nord, à moins que la Suède ne fît de changements réels et de conséquence dans sa forme de gouvernement présente.

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Au reste, j'ai ordonné à mes ministres de vous instruire sur les nouvelles que j'ai eues en dernier lieu de Londres concernant la chaleur avec laquelle le joi d'Angleterre persiste invariablement de vouloir pousser l'affaire de l'élection d'un roi des Romains, de façon qu'il compte que l'électeur de Mayence fera partir encore vers la fin de ce mois les lettres de convocation aux Électeurs de l'Empire à ce sujet.

Pour ce qui regarde le différend entre moi et le Danemark au sujet de la seigneurie de Knyphausen, mes dernières lettres de Copenhague m'apprennent que la cour de Danemark vient de changer tout d'un coup du ton altier dont elle avait usé, et qu'elle ne témoignait plus tant de chaleur et de hauteur dans les propos qu'elle tenait là-dessus; que plutôt elle paraissait d'être embarrassée de cette affaire et de souhaiter la voir terminée à l'amiable. Quoique je ne sojs point éloigné d'un accommodement là-dessus, je crois cependant qu'il ne me convient pas de désister de mes droits chairs et fondés dans cette affaire et de céder à cet égard au roi de Danemark dans ses prétentions aussi injustes que mal fondée, bien que j'userai toujours avec modération envers lui et que je ne veuille point le pousser à bout à cet égard.

Quant au baron de Bernstorff, je suis parfaitement du sentiment que ce serait toujours un coup de partie que de le pouvoir gagner pour les intérêts de la France et les miens, mais je m'aperçois en même temps des difficultés qu'il y aura d'y parvenir, parceque, primo, toutes les terres et possessions de ce ministre sont dans le pays d'Hanovre; secundo, parceque tous ses ancêtres et parents ont été de tout temps ennemis et envieux de ma maison, dans les principes desquels lui, Bernstorff, a été élevé; tertio, parcequ'une proposition pour l'attirer dans nos intérêts ne saurait pas se faire de but en blanc, mais qu'il faudrait s'y prendre habilement et sous de certaines précautions à l'occasion de quelque négociation entre moi et le Danemark, occasions qu'on ne rencontre pas si aisément, malgré l'envie qu'on ait d'en profiter et d'y réussir.

Je remets à votre prudence reconnue de faire usage de tout ce que dessus auprès du ministère de France; au surplus, je ne saurais finir cette dépêche, avant que de vous témoigner ma satisfaction sur les réflexions sages que vous avez faites sur tout ce qui fait le sujet de vos dépêches ci-dessus accusées, que vous tâcherez de faire valoir convenablement audit ministère.

Federic.

Nach dem Concept.



219-1 Vergl. S. 185. 191.