5145. A LA REINE DE SUÈDE A STOCKHOLM.

Eigenhändiger Brief der Königin von Schweden, Stockholm 8. October: „Mon très cher Frère. J'ai gardé pendant quelque temps le silence, n'ayant pas eu l'esprit assez libre pour pouvoir vous entretenir. Je me suis reposée sur la conduite sage de M. Rohd, à laquelle je ne puis donner assez de louange. Il vous aura informé, mon cher frère, de tout ce qui se passe ici et de tous les ressorts qu'on a fait jouer pour parvenir à son but. La grande affaire de l'élection du maréchal est faite avec une pluralité qui a surpris tout le monde; mais pour ce qui me regarde, j'étais persuadée que la victoire serait du côté du parti contraire à la cour. On s'est servi de toutes les plus indignes calomnies pour noircir le Roi aux yeux de la nation, mais comme des bâtiments sur un mauvais fondement tombent en ruine, celui qu'on vient d'élever présentement, aura le même effet. Les honnêtes gens tiendront bon, et, s'ils sont tranquilles pour le présent, c'est la prudence qui l'exige, et ils se manifesteront à temps. Les trois Etats inférieurs à la noblesse sont bons, et ceux qui sont à leur tête, sont pour la cour; ainsi on ne peut pas aller loin. Le comte Tessin a demandé sa démission, mais le mémoire n'a été remis qu'au Roi et n'est pas parvenu aux États. Le Roi lui a fait un compliment, en le lui refusant. Je vous laisse à juger, mon cher frère, combien il est sensible pour le Roi et pour moi que de voir des personnes pour qui on a fait tout ce qui était possible pour les obliger, être les premiers à se déclarer. Cependant dans le public nous paraissons être de la meilleure humeur du monde, et jamais je n'ai tant affecté de rire et de badiner qu'à présent; ce qui décontenance les autres et leur fait craindre que la cour ne soit sûre de son fait. Tout ce que je souhaiterais le plus et que je ne puis attendre que de vous seul, c'est le rappel de l'ambassadeur de France. Si vous pouviez, mon très cher frère, insinuer à cette cour que celle de Suède est pour ses sentiments dans les meilleures intentions pour celle de France et qu'on est persuadé de la réciprocité de leur part, quoique la conduite de son ministre n'y réponde point, mais qu'on n'ignore pas que les liaisons de l'amitié que ce dernier a avec de certaines personnes qui l'ont engagé à des démarches qui sont entièrement contraires au but principal, sont la source de toute la Confusion qui est ici — je crois, mon très cher frère, que ce serait un avantage si considérable et de si grande importance que je me flatte que vous ne me le refuserez pas; vous jugez bien vous-même que quiconque reviendrait dans sa place sera sûre<486>ment sur ses gardes pour ne point donner prise à la cour, et que le Sénat perdra par là un instrument de ses intrigues, si cette affaire pouvait réussir. Je souhaiterais encore beaucoup que „Valory pût être nommé en sa place, étant un homme qui a toujours été attaché à la Prusse et dont le caractère est franc et ouvert. J'attends, mon très cher frère, votre réponse avec impatience. Hier les quatre Etats assemblés ont réglé les revenus du Roi et les miens; ils ont stipulé pour ma part 50,000 écus, ce qui est infiniment au dessus des revenus que les Reines ont eus ci-devant, qui ne consistaient que de 25,000. J'ai été d'autant plus surprise qu'assurément je ne m'y attendais pas et que je n'avais fait aucune démarche à ce sujet. Le Comité Secret est fait, mais on ne sait point encore comment il est composé; les électeurs ont remis les noms des personnes cachetés, et il a été décidé qu'on ne l'ouvrirait que quand les instructions seront mises au net. C'est à ce moment que l'on verra clair. Fersen m'a remis votre lettre;486-1 je puis vous assurer que je ne me mêlerai en rien pour son affaire, ni pour ni contre, j'ai lieu de croire cependant qu'il ne fera pas de même. Après tout, il n'y aura pas beaucoup de bruit là-dessus, peut-être une remontrance au Sénat de s'être écarté des règles de la forme prescrite par les lois, et un remercîment au Roi de les avoir soutenues. Il se peut aussi que, si la députation secrète est composée de personnes attachées au Sénat, on passera l'affaire entièrement sous silence, puisque on ne saurait la soutenir. Voici, mon très cher frère, une grande lettre qui, je crains bien, vous ennuiera, tout autant que la cérémonie d'aujourd'hui m'en causera : c'est l'enterrement du feu Roi. Un sermon funèbre qui durera peut-être quatre heures, me laissera tout le temps à penser creux. Je me recommande toujours, mon très cher frère, en votre souvenir et vous supplie de me donner un mot de réponse par le canal de Rohd. Soyez assuré de mon tendre attachement qui ne finira qu'avec ma vie, étant, mon très cher frère, votre très dévouée sœur et servante Ulrique.“

Potsdam, 19 octobre 1751.

Ma très chère Sœur. Permettez-moi de vous parler à cœur ouvert et avec toute la franchise possible sur la situation où vous vous trouvez.

Le Sénat a emporté l'élection du maréchal, il a une entière supériorité, à ce qu'il paraît; d'Ungern n'a point été élu, quel mal pour vous résulte-t-il de tout ceci? Le Sénat, loin de vous faire de la peine, augmente la pension du Roi et la vôtre considérablement; la seule chose à laquelle il ne veut pas se prêter, c'est à étendre l'autorité royale, et c'est un grand bonheur que pendant cette Diète on ne touche point à cette corde. La Russie ne demanderait pas mieux qu'un prétexte, pour vous témoigner à découvert toute sa mauvaise volonté. Souvenez-vous, je vous prie, de ce que je vous dis dans ma dernière lettre,486-2 et vous conviendrez que rien n'est plus à propos que de couler cette Diète le plus simplement qu'il se peut. Dans la situation où sont les affaires, les moindres entreprises pourraient vous précipiter dans les plus grands malheurs.

Passons à l'ambassadeur de France. Ce que vous me demandez, n'est pas aussi facile que vous l'imaginez. Le ministère français a beaucoup trop de hauteur pour rappeler et envoyer les ministres au gré des cours; tout se fait dans ce pays-là par des intrigues, et votre ambassadeur tient trop au ministère que, sans vouloir le choquer vive<487>ment, on n'oserait pas lui faire la proposition de le rappeler. D'ailleurs voyons ce que vous gagneriez par son rappel. Croyez-vous qu'il agit de sa tète et sans instructions de sa cour? Vous vous trompez, ma chère sœur; je sais qu'en France on est de l'opinion qu'il faut s'en tenir au Sénat, parceque la France ne veut point la guerre, qu'elle voit très bien qu'il ne serait pas avantageux à vos intérêts de vous l'attirer, en expliquant seulement le point de l'autorité royale; la France croit que le Roi peut changer de sentiments, mais que le Sénat ne le peut point, et voilà les raisons qui, dans les conjonctures présentes, feront tenir à tout autre ambassadeur de France la même conduite de celui que vous avez présentement.

Toutes ces raisons, ma très chère sœur, me semble, doivent vous confirmer dans la résolution de ne rien remuer dans un temps qui ne vous est pas favorable, de cacher vos sentiments et de voir venir. Je vous demande mille pardons de ma franchise, mais en quahté de frère, et de frère qui vous aime tendrement, je vous dois la vérité, et je vous proteste que je vous ai dit en ce moment les choses telles qu'elles me sont connues et qu'elles le sont. Continuez-moi votre précieuse amitié et soyez persuadée qu'on ne peut vous aimer plus tendrement que, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



486-1 Vergl. S. 434. Das Schreiben des Königs liegt nicht vor. Vergl. Bd. V, 354 Anm.

486-2 Nr. 5134 S. 478.