5380. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Potsdam, 17 mars 1752.

Par la grande indolence avec laquelle le ministère de France envisage à présent toutes les grandes affaires de l'Europe, on oserait dire que cette partie du monde changerait trois fois de situation, avant qu'il en fût instruit. C'est un malheur que ce ministère se fie trop aux démonstrations pacifiques que les puissances naturellement ennemies de la France savent si bien mettre en usage, et qu'il ne songe pas qu'il pourra arriver que la France sera entraînée, bon gré malgré elle, dans une guerre, dès que les cours de Vienne et de Londres estimeront avoir une supériorité entière sur la France et qu'elles croiront se trouver assez en force de faire la guerre avec succès.

Faites remarquer à M. de Saint-Contest, quand vous trouverez l'occasion convenable, que, quoiqu'il soit constaté que les vrais intérêts de l'Espagne étaient de ne se séparer jamais de la France, cependant la bonne politique exigeait qu'on eût les yeux ouverts sur ce qui se chipotait à Madrid, et si les ministres d'Espagne ne se laisseraient entraîner de faire plus des pas qu'on saurait se l'imaginer à présent, et qu'un traité de neutralité pour l'Italie saurait être un traité préliminaire à des mesures bien plus étroites à prendre pour l'avenir:  enfin, qu'il serait très nécessaire de bien observer les manœuvres du comte Migazzi, vu qu'il était indubitable que la cour de Vienne avait bien d'autres vues par son envoi que la seule signature d'un simple traité de neutralité.

Nos nouvelles de Pologne sont que tout y est en grande fermentation touchant la Diète prochaine; que les Czartoryski travaillent avec une activité extraordinaire et n'épargnent rien pour y procurer la supériorité que la cour de Dresde souhaite; qu'il s'agirait principalement à cette Diète de l'accession de la République [au traité de 1746]; que tous les Czartoryski convenaient de la nécessité de cette accession, mais que les uns entre eux jugeaient qu'on pourrait y ajouter des clauses<68> convenables pour assurer la succession à la couronne dans la maison de Saxe, au lieu que d'autres voudraient l'assurer au prince Charles de Lorraine, projet qui trouverait un grand appui, vu que le chevalier Williams en était le promoteur et que le comte de Brühl avait ses grands intérêts pour y donner la main. Vous pourrez communiquer tout ceci à M. Saint-Contest.

Au reste, comme les ministres de France feront apparemment bientôt le choix d'un sujet pour remplacer le poste à Berlin, tâchez à bien connaître ce sujet, pour m'en faire son portrait, en me marquant toutes les bonnes et les mauvaises qualités que vous saurez apprendre de lui.

Federic.

Nach dem Concept.