5703. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

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Lord Marschall von Schottland berichtet, Paris 8. December: „Comme Votre Majesté m'ordonne de Lui dire mon opinion sur le succès qu'Elle doit attendre des propositions qu'Elle a faites au roi de France, je vais me mettre en devoir de le faire le mieux que je pourrai. Je crois donc que les ministres de France ne désirent rien plus ardemment que de pouvoir jouir le plus longtemps qu'il sera possible de la tranquillité présente et qu'ils sont persuadés qu'ils retireront toujours des Turcs, en cas de besoin, une déclaration telle qu'il faudra pour contenir les Russes et arrêter la cour de Vienne dans l'exécution des projets ambitieux qu'elle a formés. Ils appréhendent même que les Turcs, s'ils faisaient la guerre sans succès, s'en prendraient à la France pour les y avoir excités, et que les Anglais ne manqueraient pas de profiter d'une telle conjoncture pour se rendre les arbitres de la paix et pour inspirer aux ministres de la Porte de la méfiance contre la France, en la représentant comme une puissance qui ne pensait qu'à brouiller les affaires et qui abandonnait ses alliés dans le besoin, et c'est ce que M. de Saint-Contest m'a encore répété avant-hier. Votre Majesté aura observé que dans la réponse qu'on a faite à mon mémoire, on ne parle que des Russes et ne fait absolument aucune mention de la guerre contre l'Empereur, qui cependant un des objets

Berlin, 19 décembre 1752.

J'ai bien reçu votre dépêche immédiate du 8 de ce mois, au sujet de laquelle je vous sais infiniment du gré de ce que vous m'avez marqué tout nettement et avec toute franchise la vraie situation où se trouvent actuellement les affaires de la cour de France, et sa façon de penser à plusieurs égards. Ce sont de ces informations instructives que je désire de vous et qui me serviront de boussole pour me bien diriger avec cette cour dans tout ce que j'ai à négocier avec elle; aussi continuerez-vous de ne me laisser rien ignorer de ce qui peut me servir à cet objet.

Comme le roi de France m'a engagé par la dernière lettre que vous m'avez envoyée de sa part, de lui communiquer en toute confiance mes sentiments sur les affaires de Pologne, voici la réponse que je lui fais, que vous lui ferez rendre de la manière usitée là. J'ai joint séparément à ma lettre

sur lesquels la lettre de Votre Majesté est dirigée, d'où je crois pouvoir inférer qu'on craint de provoquer la maison d'Autriche, qui, si les Turcs venaient à lui déclarer la guerre, accuserait infailliblement la France de les y avoir encouragés.

Je ne suis point surpris, au reste, des ménagements avec lesquels on s'est expliqué ici. Les ministres sont désunis, les finances dérangées, tous les ordres mécontents, et le peuple irrité contre le gouvernement à cause de la cherté des blés qui n'est point produite par une disette réelle, mais par les intrigues de quelques maltôtiers qu'on protège. Le clergé tâche de se prévaloir de la faiblesse du gouvernement pour établir une espèce d'inquisition, et le Parlement pour étendre son autorité. Mais ce qui contribuera toujours le plus à prolonguer cet assoupissement, c'est que la Maîtresse a intérêt de conserver la paix, qui durera autant que sa faveur et qui subsisterait probablement de même, si Madame de Choiseul prenait sa place, comme le bruit en court depuis quelque temps. Pour entretenir le Roi dans cet engourdissement, j'imagine qu'on lui représente qu'il a assez travaillé pour sa gloire, qu'il a fait la guerre et la paix avec un égal succès, que personne ne l'osera attaquer le premier et qu'il ne doit maintenant chercher qu'à jouir de la réputation qu'il s'est acquise. Aussi ne s'occupe-t-il que de courir d'une maison de campagne dans l'autre. Il chasse, bâtit et vit dans une dissipation continuelle et dans une oisiveté toujours variée par de nouveaux amusements.

Les ministres connaissent, Sire, toute la supériorité de votre esprit et de vos lumières; elle leur inspire de la méfiance et les rend plus réservés envers moi qu'ils ne le sont cosi envers aucun des autres ministres, et plus qu'ils ne devraient, ce me semble, l'être avec le ministre d'un allié aussi intime, et c'est assurément votre pénétration qu'ils craignent en moi, et non la mienne. Cela va si loin que quelqu'un qui est parfaitement au fait de tout ce qui se passe, qui connaît toute la valeur de votre personne et de votre puissance et de l'Electeur palatin290-1 et qui parle sur ce ton aux ministres dans l'oc-

un mémoire secret sur ces affaires duquel je vous adresse ci-close une copie, tant pour votre direction que pour la faire lire à M. de Saint-Contest quand vous lui donnerez ma lettre pour la remettre au Roi. Je joins encore la copie de cette lettre pour votre usage. Au surplus, je ne me doute nullement du secret religieux qu'on me gardera exactement sur tout ceci.

Vous trouverez d'ailleurs parmi les dépêches du département des affaires étrangères qui vous parviendront à la suite de celle-ci, une copie de la réponse que je viens de faire à une lettre que j'ai reçue de l'Électeur palatin290-2 touchant ses négociations avec la cour de Vienne. Vous ne laisserez pas de vous conduire conformément aux ordres que la dépêche du département contient à cet égard et de communiquer ma réponse à ladite lettre, de l'accompagner de force des compliments de ma part et de lui dire que, comme le susdit Électeur avait extrêmement pressé pour avoir ma réponse, et que le temps n'avait pas permis de communiquer préalablement làdessus avec la cour de France, j'avais tâché de mon mieux d'attraper dans ma réponse les idées dans lesquelles ladite cour saurait être à ce sujet, de sorte que je me flattais qu'elle serait contente de la réponse que j'avais donnée.

Au reste, mon intention est que vous devez employer vos amis là pour faire insinuer adroitement et sans que vous paraissiez vousmême à M. de Saint-Contest et là

casion, n'a cependant pas voulu me voir, tandis qu'il voit librement les ministres de plusieurs autres cours. Il semble cependant que les liaisons d'intérêt qui attachent la France à Votre Majesté, et la franchise avec laquelle Votre Majesté a ouvert Ses sentiments en différentes rencontres, auraient dû lever toute méfiance, et j'ai toujours évité, tant que j'ai pu, d'y donner occasion, étant persuadé que c'est le meilleur service que je puisse rendre à Votre Majesté.“

où il faut d'ailleurs, que les cours de Londres et de Vienne ne désiraient rien avec plus d'empressement que de mettre de la méfiance entre la France et moi, qu'elles emploient tout ce qu'elles sauraient imaginer d'artifices sur cet objet et qu'elles avaient tenté à différentes fois de m'inspirer des soupçons contre la France, ce qui cependant [n'avait] nullement réussi, de façon que je n'avais fait la moindre réflexion là-dessus. Je crois que ces insinuations, faites avec adresse plutôt par vos amis et indirectement aux ministres de France, feront plus d'impression sur leurs esprits que si elles leur parviennent directement de votre part.

Federic.

Nach dem Concept.



290-1 Sic.

290-2 Vergl. S. 285 Anm. 1.