5769. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE HÆSELER A COPENHAGUE.

Potsdam, 13 février 1753.

J'ai reçu à la fois les dépêches que vous m'avez faites du 30 dernier et du 3 de ce mois, desquelles j'ai eu toute la satisfaction possible, par l'attention que vous avez à m'informer fidèlement du train dont les affaires continuent d'aller auprès de la cour où vous êtes. Cependant je suis bien aise de vous dire que, malgré toutes les apparences qu'il y a, de tous les apprêts de guerre, d'un dessein projeté, je ne saurais me persuader que tous ces préparatifs aient pour objet la Suède, et cela par la raison des différents liens qui attachent le Danemark à celle-là et à la France, vu que tout l'avantage se trouve du côté du Danemark et qu'il est à peine croyable qu'il voudrait les rompre en faveur d'une entreprise dont le succès sera douteux et qui lui attirerait le blâme de toute l'Europe et formerait un exemple qu'aucune puissance ne saurait plus lui placer sa confiance. D'ailleurs, comme toute la force du Danemark consiste principalement dans sa flotte, et que vous dites vous-même qu'on n'y voit aucun arrangement pour celle-là, sans laquelle cependant le Danemark ne saurait rien faire, je penche toujours à croire que son but est de se faire plus valoir par ses ostentations, et parler alors d'un ton haut par rapport aux différends qu'il croit avoir avec la Suède, sur quoi je crois cependant qu'un corps assemblé de 16,000 hommes ne lui causera pas infiniment de frayeur, pour ne pas dire ici que tout le monde ne saurait comprendre pourquoi on a fait le bruit d'un prêt de douze millions,338-2 qui se borne à présent à un million qu'on pense lever au moyen d'une loterie. Tout ceci combiné me fait présumer encore qu'il ne se saurait négocier rien d'important dans les conférences que les ministres du parti opposé ont eues avec le baron de Bernstorff, et qu'il y a plus d'apparences que de réalités. En attendant, je ne vous communique toutes ces réflexions que pour vous mettre sur la voie d'approfondir d'autant mieux sur le lieu les circonstances, afin de démêler le vrai d'avec les apparences.

Quant au changement au ministère que vous me marquez d'être sur le tapis, je ne regarde cette affaire que comme des cabales entre<339> les ministres qui n'ont aucun rapport aux affaires du dehors;339-1 mais ce que je voudrais bien savoir de vous, c'est si vous croyez que, quand je vous mettrais à même de faire voir en confidence, soit par vous soit par un autre, au comte de Moltke une copie authentique et in extenso d'un article secret du traité d'alliance fait à Pétersbourg l'an 1746 entre les cours de Vienne et de Pétersbourg;339-2 en vertu duquel les deux cours garantissent au grand-duc de Russie toutes ses possessions du Holstein et spécialement contre le Danemark, si, dis-je, une telle communication saurait faire revenir le comte de Moltke des impressions favorables qu'il a prises pour le baron de Bernstorff et faire casser le cou à celui-ci. J'attends votre sentiment là-dessus, après que vous y aurez mûrement réfléchi, et ma volonté expresse est qu'en attendant vous deviez me garder le secret le plus absolu sur cette anecdote et de ne me répondre sur la demande que je vous fais que par une dépêche soigneusement chiffrée et adressée à moi seul et immédiatement, sans envoyer le double au département des affaires étrangères.

Au reste, quelque forte envie que j'aurais de m'entretenir avec le comte de Dehn à un voyage que je ferais à Wésel, pendant qu'il serait présent à Brunswick, néanmoins je ne pourrai y parvenir, parceque mes voyages sont déjà réglés de sorte que je n'irai point cette année-ci à Wésel, mais bien au contraire en Silésie et de là en Prusse. Ce que vous insinuerez bien poliment au comte de Dehn.

Federic.

Nach dem Concept.



338-2 Vergl. S. 325.

339-1 Nach Häseler's Bericht sollten der Conferenzminister für das Innere Graf Holstein, der Geheimrath und erste Depulirte der Rentkammer Tott und der Kriegsminister Graf Lerche ihren Rücktritt beabsichtigen.

339-2 „Erster Geheimer Separatartikel“ . Vergl. S. 328 Anm. 1.