<233> le ciel vous épargner de ces malheurs et ne vous donner que des occasions de joie! Je suis avec toute la tendresse, ma très-chère sœur, etc.

235. A LA MÊME.

Le 14 janvier 1752.



Ma très-chère sœur,

S'il y a quelque chose capable de me consoler, c'est la part que vous daignez prendre à la douloureuse situation où je me suis trouvé. Je vous avoue, ma chère sœur, que je suis fort de votre sentiment, que la vie ne vaut pas la peine d'être beaucoup regrettée. Qu'est-ce que de vivre, quand on se voit privé de toutes les personnes avec lesquelles on a le plus vécu, et que la mort nous ravit pour toujours ceux que nous aimions? Pour moi, je vous avoue que je suis fort dégoûté du sot personnage que je joue, et que le monde m'est bien insipide. Vous me demandez comment Rottembourg est mort? Hélas! ma chère sœur, il est expiré entre mes bras, ferme et avec une indifférence héroïque. Ses douleurs lui faisaient crier quelquefois : O Dieu! ayez pitié de moi! Mais point de signe de superstition ni de faiblesse dans ses derniers moments. Le prêtre catholique arriva; mais il expira le moment même, et ce n'était point lui qui l'avait fait venir. Le pauvre défunt me tendit sa main mourante, et, pouvant à peine parler, il me dit : « Adieu, Sire; il faut que je vous quitte, je n'en saurais revenir. » Ma situation a été affreuse les premiers jours. J'ai calmé cette première agitation de mon esprit; mais il me reste dans l'âme un fond de mélancolie que je sens bien que je ne pourrai pas déraciner sitôt. La moindre chose qui me rappelle ce souvenir,