<306> formels qu'elle pouvait répondre de la Russie, et que je n'avais rien à appréhender de ce côté-là. D'autres nouvelles particulières confirmaient la disette d'argent où l'on se trouvait à Pétersbourg, de sorte que toutes les probabilités me portaient à croire que la Russie suivrait aveuglément le parti des Anglais, du moins qu'elle ne se déclarerait point contre les alliés du roi de la Grande-Bretagne. Mon alliance avec la France finissait au mois de mai de l'année 1756.a Il fallait prendre un parti. Les Français me pressaient d'agir. Si j'avais déféré à leurs désirs, je me serais vu engagé dans une guerre contre la maison d'Autriche, la Russie, l'Angleterre, et la plupart des princes d'Allemagne; si je faisais une alliance avec le roi d'Angleterre, je ne paraissais avoir à craindre que la reine de Hongrie. Le parti du traité de neutralité me parut donc le plus sûr, et je le choisis préférablement à d'autres, parce que je le crus seul capable de maintenir la paix en Allemagne. L'hiver de l'année 55, le duc de Nivernois vint à Berlin avec des propositions d'un nouveau traité, et pour me faire condescendre à la diversion du pays de Hanovre, il me proposa la possession de l'île de Tabago. Je lui répondis franchement que je ne voulais point aller sur les brisées du comte de Saxe, auquel cette île avait été une fois donnée, et que je ne ferais point la guerre en marchand. Je lui montrai ensuite le traité que j'avais fait avec le roi d'Angleterre, et je lui dis que je n'avais eu d'autre raison de le faire qu'un sincère désir de conserver l'Allemagne tranquille. Les Français furent extrêmement piqués de ce traité, quoiqu'ils n'eussent aucune raison de l'être; ils s'étaient mis dans l'esprit que je serais le Don Quichotte de toutes leurs querelles, et qu'ils me feraient faire la guerre ou la paix comme ils le jugeraient à propos. Pour moi, j'ai cru, et je le crois encore, qu'un prince souverain a le droit de contracter des alliances avec qui il lui plaît, et que ce n'est qu'aux puissances tributaires ou mercenaires à suivre les ordres de leurs maîtres


a Voyez t. IV, p. 35.