<191>De cent peuples ligués l'effort me persécute,
Tout semble préparer leur triomphe et ma chute.
Ces implacables rois, aux forfaits endurcis,
De la nature en eux ont étouffé les cris;
Un lustre entier, témoin de leur féroce rage,
A vu renouveler leur crime et mon outrage,
Et, malgré leurs assauts, mon bras faible et tremblant
Soutenir sans secours ce trône chancelant,
En épuisant l'art même, afin de m'y défendre.
S'il y a de la grandeur à savoir en descendre,
Il y a de la bassesse à s'en laisser chasser.
Tandis que je me sens si vivement presser,
Le seul peuple en Europe auquel la foi nous lie,
Rempli de ses succès, nous plaint et nous oublie.
Ces nœuds sacrés, formés entre les nations,
De l'amitié des rois douces illusions,
Nés de la politique et de la conjoncture,
Sont chargés du limon de cette source impure.
L'intérêt à l'honneur ne peut s'associer;
Négliger un ami, c'est le sacrifier,
Car c'est dans le besoin qu'il faut de l'assistance.
Vous découvrez partout, dans ce temps de souffrance,
De ces amis de nom que la peur a glacés,
Faibles consolateurs de nos malheurs passés,
Qui, d'avance élevant un pompeux cénotaphe,
L'érigent pour laisser au monde consterné
Un léger souvenir d'un peuple exterminé.
Nous n'en souffrons pas moins; pour guérir nos atteintes,
Il faut de vrais secours, non de vaines complaintes,
Une assistance mâle, un vigoureux soutien
Qui partage avec nous et le mal, et le bien.
Vous nommez-vous amis, vous que la crainte arrête,
Qui, tranquilles, du port contemplez la tempête,
Qui, sans tendre la main à ceux qui vont périr,
Par les flots courroucés les laissez engloutir?
A la compassion toujours inaccessibles,
Vous renfermez en vous des âmes insensibles.