<430> était arrivé à la France d'être mal avec l'électeur de Brandebourg, et lui fis voir, en revanche, les grands services que l'électeur de Brandebourg lui a rendus l'an 1681 et 1683.1

Il me répondit qu'on oubliait des services, et que je saurais déjà qu'il y a des humeurs aux cours ; que l'impératrice de Russie n'agissait que par passions; que la France, selon ses idées, attendait des propositions de la part de Votre Majesté; que, s'il avait des conseils à donner, ce serait d'en faire à tous ensemble à la fois, ou d'en demauder à la France, au nom de tous, et de tenir la conduite de Louis XIV à Gertruidenberg; que pourtant, en fait de génie, il ne prétendait pas comparer à Votre Majesté, quoique le cas était le même. Je lui ai fait remarquer que plusieurs princes de l'Empire craignaient le joug d'Autriche, que la politique de la France était mauvaise de les ruiner et se défaire par là de sa plus grande barrière contre l'Autriche, dont l'alliance ne pourrait jamais être de durée.

Il m'a répondu qu'on était assez fort pour mettre ordre à toute chose, qu'il s'agirait de se tirer d'affaire avec honneur, et que l'Impératrice-Reine ne ferait pas la paix, sans ravoir la Silésie. J'ai répliqué que ce n'est pas le chemin de la paix.

Il me dit que Votre Majesté ne l'aurait pas autrement. Sur quoi, je répliquais que la paix, en tout cas, ne manquerait pas à Votre Majesté; si jusqu'ici Elle n'était pas entrée dans des propositions faites, assez accommodantes, que ce n'était que l'entière prédilection pour la France qui avait causé la suspension, puisque, par cette raison, Votre Majesté aimait mieux avoir la paix par la France que par d'autres.

Il répéta le mot propositions, ajoutant: „pourquoi ne pas les accepter?“ Je lui dis que la prédilection de Votre Majesté est grande pour la France.

Il crut que ce discours m'était échappé, et poursuivait en souriant: „les Russes se sont retirés“ . Sur quoi, je répondis que je n'en savais que ce que les gazettes en parlaient, n'ayant pas de correspondance réglée présentement.

Il changea de discours, disant que la campagne avait été terrible, mais qu'elle était sur le point d'être finie; qu'il s'agirait de trouver des ressources, Votre Majesté Se voyant abandonnée de l'Angleterre et de Ses alliés. Je lui répondis que je ne savais pas quand la campagne finirait, mais que, quant aux ressources, je savais fort bien que, tant que Votre Majesté aurait des sujets et des vassaux, Elle ne manquerait jamais de gens prêts à se sacrifier pour la gloire de la patrie; qu'un pays ménagé, comme celui de Votre Majesté, pourrait pourvoir aux ressources.

Il continuait qu'il ne prétendait jamais critiquer un grand roi, mais que Votre Majesté, pendant la paix, avait choqué par picoter sensiblement, ce qui, entre autres, armait l'impératrice de Russie. Je répondis que, comme des cours qui cherchaient prétexte, s'étaient abaissées jusqu'à corrompre des domestiques, on ne devait pas trouver surprenant si ces misérables avaient eu recours à l'invention et aux mensonges.

Remarquant que le Maréchal observait une retenue forcée, je me retirais. Il m'a prié de faire bien des assurances de son plus profond respect. Quand je lui dis ce que Votre Majesté m'a ordonné2 sur le sujet qu'Elle a fait sonder à Paris, il m'a répondu que Votre Majesté en a fait parler à trop de gens, au maréchal de Belle-Isle et d'autres.

L'armée marche demain, l'on prétend pour prendre des quartiers d'hiver dans le pays de Brunswick. Plusieurs troupes ont été vues sur le chemin d'Elbingerode. Je pars incessamment pour Aschersleben, d'où je ferai partir cette lettre avec plus de sûreté; à portée de tout, j'y attendrai les ordres ultérieurs de Votre Majesté, sous le nom Dttringshofen.“3



1 Verträge zwischen dem Grossen Churfürsten und König Ludwig XIV. vom 11. Januar 1681 und 30. April 1683. Vergl. Droysen, Gesch. der preuss. Politik III, Th. 3. S. 719 und 749. 750.

2 Vergl. S. 371

3 Vergl. S. 335.