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2529. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Potsdam, 10 février 1747.

J'ai bien reçu votre dépêche en date du 1er de ce mois. Après avoir pensé mûrement sur l'idée que vous avez de vouloir vous servir du prince d'Elbeuf, pour tâcher par son canal de gagner l'Empereur et de le mettre dans mes intérêts, pour qu'il appuie les instances que l'Angleterre fait actuellement faire au sujet de la garantie de l'Empire de la paix de Dresde, je l'ai trouvé très sensée et l'approuve extraordinairement, ainsi que vous devez travailler de votre mieux auprès du susdit Prince pour y réussir par son entremise, cette affaire-ci, fort intéressante pour moi dans les conjonctures présentes, étant si innocente en soi-même que, quand même le prince d'Elbeuf en devrait découvrir quelque chose aux Français et en trahir le secret à ceux-ci, ils n'en sauraient jamais être choqués.

A cette occasion-là, il faut que je vous dise que, quoique la garantie de l'Empire ne soit dans le fond qu'une chimère, et que je sache fort bien qu'en cas. de rupture entre moi et la maison d'Autriche l'Empire, malgré sa garantie donnée, ne fera pas marcher dix hommes à mon secours — que nonobstant tout cela je gagne beaucoup, si cette affaire parvient à sa consistance, et que les dix premières années se passeront alors sans que les Autrichiens osent m'entamer, puisque premièrement, l'Empire ayant une fois garanti mes conquêtes de Silésie, elles en seront d'autant plus affermies; en second lieu, parceque la cour de Vienne ne saura plus alors mêler l'Empire des querelles qu'elle voudra m'intenter à cet égard; et si de ma part je n'ai pas à espérer, le cas existant, de secours de l'Empire, la cour de Vienne ne saura non plus en espérer quelque chose. Troisièmement, que cette cour sera toujours bien embarrassée alors à trouver des prétextes plausibles dont elle voudra user pour m'attaquer; et, en quatrième lieu, puisque cette garantie de l'Empire, avec celle que l'Angleterre m'a donnée, imposera extrêmement à la cour de Vienne, ainsi qu'elle y pensera plus d'une fois, avant qu'elle ose m'entamer. Voilà ma façon de penser sur cette affaire-là, dont j'ai cru nécessaire de vous instruire en confidence, afin que vous pourriez vous conduire là-dessus.

Sur ce qui est des propos confidents que le sieur Robinson vous a tenus, à l'égard des craintes que la cour de Vienne doit avoir qu'en insistant auprès de l'Empire de garantir la paix de Dresde, elle ne dérogeât par cette démarche au droit qu'elle avait déjà acquis par la garantie que l'Empire lui avait donnée de toutes ses possessions, vous devez répondre que je ne saurais me contenter de pareilles excuses; qu'il ne s'agissait pas ici de ce qui était de la convenance de la cour de Vienne, mais de ce qu'elle avait solennellement stipulé et promis dans le traité de la paix de Dresde; que par là elle était obligée de