<118> récriaient sur la frivolité de l'objet, sur les obstacles insurmontables qu'ils prévoyaient à le faire réussir, sur le peu d'utilité qu'on devait s'en promettre, et sur la pesanteur du fardeau dont on se chargeait par une dignité onéreuse à soutenir, qui, dans le fond, ne rapporterait que de vains honneurs; mais toutes ces raisons ne purent rien sur l'esprit d'un prince amoureux de ses idées, jaloux de ses voisins, et avide de grandeur et de magnificence.

Danckelman data sa disgrâce de ce jour :a il fut envoyé à Spandow dans la suite du temps, pour avoir dit son sentiment avec hardiesse, et pour avoir montré la vérité avec trop peu d'adoucissement à une cour corrompue par la flatterie, et contredit un prince vain dans les projets de sa grandeur. Heureux sont les princes dont les oreilles moins délicates aiment la vérité, lors même qu'elle est prodiguée par des bouches indiscrètes! Mais c'est un effort de vertu dont peu d'hommes sont capables.

A la faveur de Danckelman succéda un jeune courtisan, qui n'avait de mérite qu'une connaissance parfaite des goûts de son maître; c'était le baron de Kolb, depuis comte de Wartenberg. Sans avoir ces qualités brillantes qui enlèvent les suffrages, il possédait l'art de la cour, qui est celui de l'assiduité, de la flatterie, et, en un mot, de la bassesse; il entra aveuglément dans les vues de son maître, persuadé que servir ses passions, c'était affermir sa fortune particulière. Kolb n'était pas assez simple pour ne pas s'apercevoir qu'il avait besoin d'un guide habile dans sa nouvelle carrière : d'Ilgen, secrétaire dans le bureau des affaires étrangères, gagna sa confiance, et le dirigea avec tant de sagesse, que Kolb fut déclaré premier ministre, et qu'il fut mis à la tête du département des affaires étrangères.


a Danckelman ne paraît pas s'être opposé à ce que le titre de roi fût conféré à Frédéric III; car deux mois après sa disgrâce, il fut accusé par de Fuchs, son ancien collègue, dans une lettre autographe, datée du 30 janvier (vieux style) 1698, et adressée à l'Électeur, d'avoir employé auprès de lui des sollicitations continuelles tendant à obtenir de la cour impériale que la Prusse fût élevée au rang de royaume, ce que de Fuchs regardait comme tout à fait impossible.