534. AU GRAND-MAITRE DE L'ARTILLERIE BARON DE SCHMETTAU [A LINZ].

[Camp de Kalteck, 2 octobre 1741.]

Le courrier m'a apporté à la fin vos relations datées du 22 et 24 du mois passé, lesquelles j'attendais avec quelque impatience, n'ayant eu depuis quelque temps la moindre nouvelle des opérations de l'Electeur. J'ai été extrêmement surpris de voir quo'n va avec tant de lenteur et d'irrésolution à la besogne, pendant que je fais tout mon possible pour tenir en échec le comte de Neipperg. Vous ne cacherez point à Son Altesse Électorale ma surprise de ce qu'on laisse passer un temps si précieux à ne rien faire, au lieu qu'on devrait pousser les opérations avec toute la vivacité, tant pour la saison où nous venons d'entrer, que pour ne pas donner lieu à l'ennemi de se reconnaître. Vous êtes assez informé de ce que j'ai fait jusqu'à présent pour la cause commune; j'ai pressé et presse encore l'ennemi autant qu'il a été possible, mais vous jugerez en même temps qu'après avoir agi avec mon armée dix mois de suite, il n'est pas possible de la fatiguer encore longtemps sans m'exposer absolument à la ruiner de fond en comble, surtout la cavalerie, qui souffre extrêmement de la rude saison où nous venons d'entrer. L'on me laisse morfondre devant une armée ennemie qui se poste toujours dans des camps inattaquables, qui se moque de moi, pendant qu'elle a le dos libre et tout le pays derrière soi à sa disposition.

Ainsi, si dans vos quartiers on tarde plus longtemps d'agir avec vigueur, je serai obligé malgré moi de mettre mon armée dans les <361>quartiers d'hiver et de laisser aller les choses comme elles peuvent, ayant la conscience nette que j'ai fait de ma part tout ce qui humainement a été possible. C'est ce que vous ne manquerez pas de représenter à l'Électeur, dans des termes polis et d'une manière convenable. Je trouve le plan d'opération que vous avez proposé si solide et d'une réussite immanquable que je m'étonne qu'on tarde un moment à le mettre en exécution, et que la seconde colonne des troupes françaises ne soit pas déjà entrée en Bohême, afin d'empêcher à jamais la conjonction de Lobkowitz avec Neipperg. Je me flatte pourtant que les premières nouvelles que j'aurai de vous seront plus favorables que jusqu'à présent.

Je suis tout-à-fait de votre sentiment par rapport à Glatz et ses dépendances, et j'en connais l'importance; mais comme l'Électeur a témoigné de la difficulté à le céder, j'en ai été ébranlé pour témoigner en tout l'amitié que je porte à l'Électeur. Vous me rendriez pourtant un service considérable, si vous pouviez disposer l'Électeur de me céder Glatz avec son district, lui représentant que, comme j'ai fait tout au monde pour ses intérêts, et que peut-être la France ne se serait pas mise en mouvement, si je n'avais pas accédé, et que même on aurait donné une partie considérable de la Bohême à la Saxe, si je n'avais remué ciel et terre pour faire avoir à l'Électeur toute la Bohême, je suis persuadé de son amitié envers moi qu'il me cédera Glatz avec son district, qui, par rapport aux grandes conquêtes qu'il fait, serait une bagatelle pour lui. J'attends votre rapport là-dessus, et je suis persuadé que vous employerez tout votre savoir-faire pour disposer l'Électeur à me céder Glatz avec ses environs.

Quant aux courriers qui portent nos dépêches, j'ai ordonné qu'ils soient placés de la manière que vous me l'avez proposé; mais je trouve nécessaire qu'à l'avenir vous numérotiez vos relations, comme je ferai faire mes réponses, afin qu'on soit en état de savoir s'il y en a de perdues.

Touchant la proposition que vous me faites par rapport au régiment de dragons de Wurtemberg que je viens de prendre en mon service, je serais charmé de le pouvoir employer pour les intérêts de l'Électeur, si je n'en étais empêché par ce que ce régiment n'est à présent que de 240 hommes, et qu'il faut qu'il cherche ses recrues au plus tôt possible pour passer encore, avant que les chemins soient impraticables, dans mes États et que 2° on ne me l'a voulu céder que sous la condition expresse que ce régiment ne servirait pas directement contre la maison d'Autriche. Vous ferez bien de laisser tomber cette affaire et de n'en parler point.

J'attends les comptes de la somme que je vous ai fait payer pour votre voyage, et je disposerai alors le nécessaire. Si l'on agit dans vos quartiers de manière que je puisse entrer bientôt dans la Moravie, vous aurez des contributions que j'en tirerai tout ce que vous pourriez <362>désirer. Au reste, vous continuerez de pousser à la roue autant qu'il est possible, et de me donner le plus souvent de vos nouvelles, afin de pouvoir prendre mes mesures là-dessus. Je suis etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei, s. d. Das Datum ergiebt Schmettau's Antwort.