6033. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Potsdam, 14 septembre 1753.

Quand j'eus reçu votre dépêche immédiate du 2 d'août dernier, il me paraissait que vous vous doutiez sur la réalité des avis qui m'étaient parvenus sur la négociation que le sieur Guy Dickens avait entamée en Russie touchant un corps considérable des troupes de Russie que le roi d'Angleterre désirerait avoir à sa disposition en Livonie contre des subsides, dans le cas que ses États en Allemagne fussent attaqués de moi. Comme du depuis j'ai trouvé l'occasion d'avoir de très bon et sûr lieu74-3 des copies exactes et bien authentiques de tous les mémoires qu'on s'est donnés de part et d'autre pendant cette négociation, tout comme le projet de convention à faire entre les parties contractantes que le chancelier Bestushew a donné au sieur Guy Dickens pour le faire approuver en Angleterre, et encore le résultat d'un conseil secret qu'à l'instigation et par les intrigues dudit chancelier Bestushew l'impératrice de Russie avait assemblé à Moscou, je n'ai pas hésité de vous<75> communiquer toutes ces pièces in extenso, exactement conformes à leurs originaux.

Ce que je vous demande à ce sujet, c'est que vous me gardiez un souverain secret sur toutes ces pièces, de sorte que vous les gardiez seul sous votre clef, afin qu'il n'en puisse absolument rien transpirer, et que vous n'en fassiez que le seul usage dont je vous instruirai ci-après. Je fais joindre encore pour votre seule direction un mémoire chiffré du chiffre …75-1 concernant divers éclaircissements par rapport aux susdites pièces et de ce qui s'est passé là-dessus, que vous garderez avec le même soin ci-dessus mentionné sous votre propre clef.

Quant à l'usage donc que je vous permets de faire des pièces alléguées, mon intention est que vous prierez M. de Contest de vous donner une heure où vous puissiez l'entretenir seul et en secret; que, cette heure donnée, vous le prierez d'abord qu'il voudrait bien vous donner sa promesse d'honneur sur le secret inviolable qu'il vous garderait sur tout ce dont vous l'entretiendrez et sur les communications que vous lui ferez, après quoi vous lui ferez ouverture de tout ce que je vous ai marqué par le mémoire que vous eûtes de moi par l'exprès que je vous envoyais en dernier lieu,75-2 et que vous lui fassiez lire tout à son loisir toutes les pièces, l'une après l'autre, que je vous adresse à la suite de cette dépêche. Vous observerez cependant que, supposé que M. de Contest vous demandait de vouloir lui laisser ces pièces pour les lire plus à son loisir, ou qu'il demandait de lui permettre d'en faire tirer des copies, vous vous excuserez alors de la manière la plus polie avec le défaut d'instruction là-dessus et de l'ordre positif que je vous avais donné pour m'en garder le secret le plus absolu. Je compte cette précaution pour nécessaire, parceque vous n'ignorez pas combien le secret risque en France75-3 et que je ne voudrais pas exposer le mien, afin de ne pas perdre le bon canal d'où des avis aussi intéressants que ceux-ci me sont parvenus, ce que je ne dis cependant que pour votre seule direction.

Au surplus, il ne vous sera pas malaisé à présent de pénétrer d'où le langage fier peut venir que les ministres anglais ont tenu en dernier lieu à ceux de la France relativement à l'affaire des prises,75-4 parceque ce sont justement les mêmes pièces que le dernier courrier de Guy Dickens leur a apportées.

Malgré cela, je suis toujours de l'opinion que le ministère anglais n'osera prendre sur soi, surtout vers le temps d'un nouveau Parlement, de charger la nation de subsides aussi forts et énormes que ceux que Bestushew leur demande, et qu'un objet d'environ 80,000 ou 100,000 écus tout au plus ne pourrait jamais balancer les frais d'une guerre qui dès la première année coûterait des millions en préparatifs de guerre et en<76> subsides tels que Bestushew les veut. Ainsi, tout ce qui resterait à appréhender, ce serait, selon moi, que le ministère anglais fournirait, des sommes qu'il a toujours à sa disposition, une centaine mille livres sterling à la Russie sans le moindre éclat, pour l'aider à la marche des troupes de Russie en Livonie, afin d'appuyer par là les prétentions que le roi d'Angleterre forme à ma charge, et que le susdit ministère, le marché une fois fait, animât le Parlement prochain à accorder alors vers le printemps des subsides réels.

Comme vous vous connaissez [aussi] bien que moi sur les affaires anglaises et jusqu'où le pouvoir d'un ministère anglais peut aller en pareils cas, je laisse à votre discernement si mes conjectures pourront être justes ou non.

En attendant, j'aurais bien souhaité que le ministère de France eût plus tôt fait ouverture à celui d'Angleterre de l'ultimatum que je lui avais confié.76-1

Au reste, quand l'occasion se trouve assez favorable pour que vous puissiez parler M. de Saint-Contest au sujet du prince Louis de Würtemberg, vous lui direz confidemment de ma part que ledit Prince était actuellement à Berlin76-2 et qu'il se tenait clos et réservé jusqu'à l'excès envers le ministre impérial, le comte Puebla; mais que, malgré cela, je savais de très bon lieu qu'un général autrichien, qu'on me nommait Cless, avait été envoyé, il y a quelque temps, sous d'autres prétextes à Stuttgard pour sommer le Prince de son ouverture faite d'entrer en service autrichien; que celui-ci lui avait répondu qu'il n'y saurait entrer au moment présent, d'autant que ses affaires domestiques ne le permettaient pas encore, et que d'ailleurs son secret était évaporé à la cour de France et à celle de Berlin; mais qu'il n'abandonnerait pas pour cela son dessein, quand le moment favorable pour l'exécuter serait venu, et qu'en attendant il méditait un projet qui serait avantageux également à la cour impériale qu'à lui, qu'il ne communiquerait à personne que quand le moment propre pour se déclarer serait venu.

Comme je vous fais porter cette dépêche par un exprès, il ne dépendra que de vous de le garder auprès de vous jusqu'à ce que vous serez à même de me répondre sur tout le contenu de la dépêche.

Au reste, je n'ai pas voulu laisser passer cette occasion sans vous envoyer un nouveau chiffre pour votre correspondance immédiate avec moi.

Federic.

Mémoire.

C'était dans des conférences que Guy Dickens eut le 25 et le 26 du mois d'avril de cette année avec les deux ministres de Russie, Bestushew et Woronzow, [qu'il] présenta le mémoire coté de la lettre A, en conséquence des ordres de sa cour qu'un courrier lui avait apportés. Comme le baron Pretlack avait reçu en même temps des ordres de<77> Vienne d'appuyer en tout la négociation du ministre anglais, et que le chancelier Bestushew prétendit un mémoire par écrit signé de lui moyennant lequel Pretlack déclarerait que sa cour était prête de reconnaître le casus foederis, dans le cas dont il s'agissait, et de vouloir entrer en toutes les mesures que les ministres de Russie prendraient avec Guy Dickens, le baron de Pretlack s'y prêta par un mémoire fort ample qu'il donna au Chancelier, mais dont celui-ci fut bien indigné, n'y trouvant que des protestations vagues sur la bonne volonté de l'Impératrice, sans promettre quelque chose de positif, en sorte que, sans communiquer ce mémoire au comte Woronzow, il le rendit au baron de Pretlack, comme nullement propre pour faire succéder la négociation, et l'obligea, après bien des brouilleries, de lui donner le mémoire coté sous B.

Pendant toutes ces entrefaites, Bestushew avait laissé absolument ignorer à l'impératrice de Russie ce que Guy Dickens avait proposé, et n'en avait communiqué, outre le comte Woronzow, qu'avec ses créatures, en attendant qu'il travaillait à une pièce par écrit sous le nom de remarques, de commentaire et de réflexions politiques dont il voulut accompagner le mémoire de Guy Dickens, quand il le remettrait à l'Impératrice. Il profita même de cet intervalle de temps pour gagner par des voies secrètes en sa faveur le nouveau favori de l'Impératrice, le jeune Schuwalow.

Ce n'était que le 18 de mai que le chancelier Bestushew, accompagné du vice-chancelier Woronzow et du premier secrétaire du collège de l'Empire, put trouver l'occasion de remettre le mémoire de Guy Dickens à l'Impératrice, qui d'abord marqua qu'elle n'était nullement d'humeur d'entrer en aucune manière dans ce que Guy Dickens demandait; sur quoi, le Chancelier lui lut le susdit commentaire qu'il avait composé avec tout l'artifice et rempli de tant de calomnies contre la Prusse, la France et la Suède qu'il en opéra un changement subit auprès de l'Impératrice, en sorte qu'elle goûta les propositions de Bestushew et approuva la demande qu'il lui fit de faire assembler secrètement un conseil extraordinaire composé des principaux membres du Sénat et du collège de guerre et de l'amirauté, tels que Bestushew les choisirait, auquel l'on ferait quelques ouvertures sur l'affaire dont il s'agissait, en lui cachant cependant, sous prétexte du secret à garder, les principales circonstances.

Ce conseil, ayant été assemblé le 25 et le 26 de mai, prit le résultat coté sous la lettre C, qu'on envoya à l'Impératrice, qui était absente à cause de quelques voyages de plaisir, en attendant que le Chancelier se donna tous les mouvements possibles pour faire approuver ce résultat de sa souveraine. Ce qui ne se fit cependant que le 20 de juin, après que l'Impératrice fut de retour à Moscou, où, à la fin, après bien des mouvements que Pretlack, Guy Dickens et surtout le ministre de Saxe, Funcke, s'étaient donnés, l'Impératrice autorisa le Chancelier de projeter la réponse au mémoire de Guy Dickens, qu'on lui rendit dans une<78> conférence entre les ministres de Russie, Guy Dickens et Pretlack, le 9 juillet, telle qu'elle est ci-jointe sous la lettre D, avec un projet de convention à faire, coté sous E.

Quand on avait lu, dans la conférence, ledit mémoire avec le projet de convention, Guy Dickens en parut être assez content, mais, après que Guy Dickens avait le loisir d'y penser et réfléchir mûrement, il fut effrayé des sommes énormes qu'on prétendait en subsides, et des autres conditions exorbitantes qu'on prétendait stipuler dans le projet de convention. Il était d'opinion que sa cour pourrait bien donner une certaine somme, une fois pour toutes, pour aider la Russie par rapport aux frais de la marche de ses troupes en Livonie, mais que sa cour accorderait difficilement des subsides annuels à ce sujet, vu que cela pourrait continuer plusieurs années de suite. D'ailleurs, il trouvait un subside de trois millions en cas de guerre, et même le nombre de troupes qu'on voudrait employer, trop forts; il désirait encore qu'on eût omis dans le projet de convention les articles 8, io et 18, comme trop onéreux à l'Angleterre, et dont le cas serait bien éloigné encore. Mais le chancelier Bestushew y insista, en relevant les fortes dépenses que la Russie serait obligée de faire en cas de guerre, pour écraser, à ce qu'il disait, tout d'un coup et avec toute la vivacité possible le roi de Prusse, avant qu'il eût le temps de se reconnaître ou d'avoir des avantages sur les alliés de la Russie. Il conclut que c'était l'unique moyen pour mettre au roi de Prusse telles bornes qu'il plaisait aux alliés de la Russie, et de parvenir par là à ce que l'Angleterre pourrait donner la loi à la France dans le système général de l'Europe. Il ajouta que, si l'Angleterre laissait échapper ce moment favorable, il ne répondrait point, malgré toute la bonne volonté qu'il aurait, de pouvoir jamais remettre les choses sur un aussi bon pied qu'elles étaient actuellement. Comme aussi Guy Dickens avait remarqué qu'on n'avaitt point fait mention, dans le mémoire des ministres de Russie, qu'on reconnaîtrait de la part de la Russie le cas présent avec la Prusse comme un casus fœderis, le Chancelier convint avec lui qu'il lui en écrirait, sur quoi Guy Dickens a eu la réponse cotée sous la lettre F.

Ce qu'il y a de plus extraordinaire dans cette affaire, c'est que le chancelier Bestushew a opéré que les troupes ont eu l'ordre de marcher vers la Livonie, avant même que Guy Dickens fût instruit de la réponse que les ministres de Russie lui feraient sur son mémoire, et avant que ceux-ci sussent si l'Angleterre accepterait le projet de convention ou non.

Quant au résultat pris par le conseil secret assemblé à Moscou, il est à remarquer que le chancelier Bestushew a avoué lui-même à un de ses amis intimes78-1 qu'il avait trouvé moyen pour faire nommer un de ses gens affidés de sa chancellerie, nommé Wolkow, pour tenir les protocoles sur les déliberations de ce conseil, lequel il avait instruit que,<79> pendant que le conseil, qu'il a qualifié du mot polonais de pospolite ruszenie, débattrait les propositions, il n'y coucherait rien autrement que selon les vues du Chancelier et conformément aux instructions qu'il lui avait données préalablement. Que ledit Chancelier s'est glorifié que par ses remarques ou commentaire qu'il avait faits, et dont il a été fait mention ci-dessus, il avait mené l'Impératrice à ce qu'elle avait qualifié le susdit résultat de son testament politique, quand elle avait remis ce résultat entre ses mains. Qu'outre cela il se trouvait couvert de ne plus être responsable des démarches qu'il avait faites de son propre mouvement dans cette affaire et surtout de l'ordre donné par lui au nom de l'Impératrice de se mettre d'abord en mouvement pour marcher en Livonie; que par ce résultat la bouche serait fermée à tous ses ennemis, et que ledit résultat servirait d'ailleurs de système politique établi en Russie.

Au surplus, comme ce résultat n'a point été encore publié, et que le Chancelier a refusé absolument d'en donner copie ou extrait au baron de Pretlack, ne voulant point qu'il en transpirât quelque chose, avant que la convention projetée ne fût acceptée, signée et ratifiée de l'Angleterre, il n'y a eu que le ministre saxon Funcke qui a trouvé moyen de l'avoir du Chancelier, sous la condition expresse de n'en rien communiquer aux ministres Guy Dickens et Pretlack que tout au plus par forme d'extrait; sur quoi cependant Funcke n'a point hésité de le communiquer auxdits ministres, en tirant la promesse d'eux de vouloir lui en garder le secret.

Pour ce qui regarde ce ministre saxon, il est constaté qu'il a été dans tout ce manège du Chancelier son vrai suppôt et le Mercure dont il s'est servi pour mener les choses conformément à ses vues, auquel sujet il est à remarquer encore79-1 que, quand le Chancelier lui a demandé pour combien la Saxe entrerait au jeu, quand on viendrait à faire la guerre au roi de Prusse, et que Funcke avait représenté là-dessus l'embarras où sa cour serait pour ne point s'exposer à la première insulte, mais qu'il prendrait tout ad referendum, le Chancelier lui avait répondu que la Saxe n'avait qu'à rompre sa lance quand le chevalier serait ébranlé de la selle, et que, quant à l'accession de la cour de Dresde au traité de Pétersbourg, il en serait assez temps, quand l'Angleterre aurait accepté et signé le projet de ratification — circonstance qu'on n'ajoute que pour la seule direction de mylord Maréchal, dont il ne touchera cependant rien dans ses entretiens avec le ministre de France, bien attendu que ce n'ont été que de vains pourparlers entre le Chancelier et le ministre Funcke qui ne tirent pas aux suites.


<80>

A.
Promemoria.

Moscou, 15 avril 1753 styli veteris.

Il n'y a que peu de temps que le soussigné envoyé extraordinaire de Sa Majesté Britannique eut l'honneur de remettre à Leurs Excellences, le haut ministère de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, une copie imprimée d'un mémoire80-1 présenté au duc de Newcastle par M. Michell, secrétaire d'ambassade de Sa Majeste le roi de Prusse, de même qu'un autre imprimé intitulé Exposé des motifs du Roi etc. etc.,80-2 touchant les prétendus torts et injustices faits aux sujets de Sa Majesté Prussienne, pendant la dernière guerre, par des armateurs anglais qui s'étaient saisis de quelques vaisseaux ou effets, que lesdits sujets prussiens avaient réclamés comme leur appartenants, en conséquence de quoi et des procédures d'une cour et jurisdiction étrangère que le roi de Prusse, contre la pratique notoire de toutes les nations dans des cas semblables, avait érigée, il a jugé à propos, comme Leurs Excellences, le haut ministère de Sa Majesté Impériale, l'auront vu, de faire arrêt sur les capitaux dus aux sujets britanniques sur la Silésie. Le même envoyé extraordinaire accompagna en même temps ces deux pièces de la réponse qui y avait été faite par le duc de Newcastle par ordre du Roi,80-3 et du rapport des personnes à qui Sa Majesté Britannique avait envoyé l'examen de ces plaintes.

Quiconque examinera mûrement toutes les pièces ci-dessus mentionnées, ne saura s'empêcher, l'on s'en flatte, de convenir de l'irrégularité du procédé de la cour que le roi de Prusse a érigée, pour prendre connaissance de cette affaire, et de la conduite qu'il a tenue en conséquence, de même que de la manière amiable avec laquelle Sa Majesté Britannique tâche de porter le roi de Prusse à remédier au tort fait à ses sujets et à prévenir par là les dangers auxquels la tranquillité publique pourrait être exposée; mais, nonobstant toutes les peines que Sa Majesté Britannique s'est données, provenant de son désir ardent de maintenir la paix, il y a lieu de craindre que, parceque Sa Majesté Britannique ne peut et ne veut pas sacrifier les justes droits et intérêts de ses sujets de la Grande-Bretagne aux dispositions arbitraires de ce Prince, qu'il ne médite de soutenir une injustice par une autre plus criante, s'il est possible, en attaquant les États du Roi en Allemagne; du moins les préparatifs qu'il fait sur les frontières desdits États, favorisent beaucoup et confirment en quelque manière ce sentiment; car, selon les avis du Roi, l'on y achète grand nombre de chevaux d'artillerie et y forme des magasins considérables de fourrage et de provisions de toutes sortes, ni doit-on passer sous silence le campement qui doit sûrement se former cet été près de Berlin de 50,000 hommes, qui pourra vraisemblablement avoir le même objet.

<81>

Toutes ces raisons ci-dessus alléguées ont engagé Sa Majesté Britannique d'envoyer ordre à son soussigné envoyé extraordinaire d'exposer aux yeux de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies et de ses ministres la présente situation des affaires entre elle et la cour de Berlin et de leur représenter en son nom que, si, nonobstant tous les soins imaginables dont on se sert pour l'empêcher, le roi de Prusse, pour soutenir ses violences contre les droits et intérêts des sujets de la Grande-Bretagne et en conséquence des ces violences — colorées de quelques autres prétextes que ce puissent être — vînt attaquer les États du Roi en Allemagne, Sa Majesté Britannique se croit en droit de réclamer l'assistance et les secours spécifiques stipulés dans les alliances défensives qu'elle a avec les puissances les plus considérables de l'Europe, et d'insister qu'elles reconnaissent — comme le Roi ne doute point qu'elles le feront — aucunes voies de fait commises par le roi de Prusse contre aucune partie de ses États en Allemagne, pour casus fœderis.

Le cas parle de lui-même, car la présente dispute étant uniquement entre la Grande-Bretagne et la cour de Berlin, Sa Majesté serait privée de l'assistance réciproque stipulée entre elle et ses alliés, si elle lui manquait, lorsqu'il était question de soutenir les droits de sa couronne contre ceux qui voudraient les enfreindre ou envahir sous quelque prétexte que ce fût. De plus, rien n'est plus fort ni plus formel que les engagements dans lesquels l'Impératrice est entrée par les alliances défensives des années 1741 et 174281-1 et par l'accession du Roi au traité de 1746,81-2 par lesquels Sa Majesté Impériale s'est mise sous l'obligation de venir à l'assistance du Roi et de fournir les secours stipulés par ces traités, en cas que Sa Majesté Britannique fût attaquée de la manière dont il a été fait mention.

Nonobstant cet exposé, le soussigné envoyé extraordinaire doit cependant avoir l'honneur de faire savoir au haut ministère de Sa Majesté Impériale que l'amitié et la considération du Roi son maître pour l'Impératrice sont telles qu'il souhaite rendre cette même assistance, à laquelle il a droit de prétendre de la part de Sa Majesté Impériale, la moins onéreuse qu'il est possible.

Le Roi veut toujours se flatter que le roi de Prusse prêtera l'oreille aux représentations qui lui ont été faites; mais, si le contraire arrivait et qu'en conséquence des violences qu'il a commencées contre les justes droits des sujets britanniques et de la protection que le Roi ne peut leur refuser, ce Prince se déterminât à attaquer les États d'Hanovre, le soussigné a ordre de s'informer si, dans ce cas, l'Impératrice serait disposée de venir au secours de Sa Majesté Britannique avec un corps de 30 à 40,000 hommes, en y joignant un corps de Cosaques et de Kalmouks, et faire une diversion dans les États du roi de Prusse du<82> côté de Courlande. En même temps, Sa Majesté Britannique souhaiterait, aussi, qu'une autre diversion se fît du côté de la Poméranie par un corps convenable de troupes, qui pourrait être transporté sur les galères. Si Sa Majesté Impériale, par son égard pour la justice et pour le soutien de ses alliés et de la bonne cause, est portée à se prêter à des arrangements semblables, Sa Majesté Britannique promet que, du jour que ces troupes sortiront de leurs quartiers pour commencer de telles opérations, soit par terre soit par mer, elle donnera un subside proportionné au nombre des troupes qui seront employées à ces expéditions, lequel subside sera continué aussi longtemps que ces troupes resteront au service de la Grande-Bretagne, et, s'il arrivait heureusement par ce moyen que les troubles cessassent bientôt, alors et dans ce cas-là même le Roi consent qu'une partie de ce subside soit encore payée pendant un certain terme dont on pourra convenir.

Combien les intérêts et l'indépendance de plusieurs autres puissances et en particulier ceux de Sa Majesté Impériale souffriraient par l'agrandissement ultérieur du roi de Prusse, ce qui arriverait immanquablement, si Sa Majesté Britannique n'était pas efficacement soutenue et secourue, est trop clair pour échapper à la pénétration de Sa Majesté Impériale et de ses ministres. C'est pourquoi les alliés du Roi ne sauraient que sentir la nécessité de pourvoir à la sûreté de Sa Majesté Britannique, puisqu'autrement elle se verrait hors d'état de contribuer à la leur, quand les circonstances le requerraient

Toutes ces considérations ne manqueront pas, l'on est persuadé, d'accélérer la résolution de Sa Majesté Impériale, et comme d'un côté il paraît par ce que le soussigné a eu l'honneur de détailler ci-dessus, que Sa Majesté Britannique renonce en quelque partie et manière aux secours qu'elle est en droit de réclamer par les traités, l'on veut se flatter de l'autre que cela induira cette cour à rendre le moins onéreux qu'il est possible les nouveaux engagements dans lesquels le Roi est prêt d'entrer, d'autant plus que ces troupes ne causeront aucune dépense extraordinaire jusqu'à ce qu'elles sortent de leurs quartiers. Sa Majesté Britannique ne juge pas à propos de fixer elle-même le subside pour le corps de troupes qu'elle demande, comme cela dépend du nombre dont il sera composé; mais, pour ne pas perdre de temps, le soussigné a ordre d'en venir, le plus tôt qu'il sera possible, à des éclaircissements précis avec le haut ministère de Sa Majesté Impériale sur ces deux points, à savoir

1° Du nombre des troupes, tant infanterie que cavalerie ou troupes légères, que l'on peut fournir ici, et

2° Du subside que l'on en demande, auquel le Roi sera prêt à donner son consentement au retour du courrier qui portera la réponse de Sa Majesté Impériale, si les conditions sont telles qu'il a lieu de l'espérer de son amitié et de son équité.

<83>

Le grand éloignement des deux cours et les cas soudains et imprévus qui peuvent arriver, feront sentir ici, l'on espère, comme en Angleterre, la nécessité d'une prompte résolution et expédition dans la négociation dont le soussigné a l'honneur d'être chargé. Un autre point qui ne mérite pas moins d'attention, est que, quand Sa Majesté Impériale aura les sûretés nécessaires touchant les subsides que le Roi doit payer, le général qui commandera en chef les troupes en Livonie, ait ordre de marcher à la première réquisition qui lui en sera faite de la part de Sa Majesté Britannique, ce qui n'arrivera pas très assurément, à moins que les États du Roi ne soient actuellement attaqués par le roi de Prusse.

Le zèle que Sa Majesté Impériale a si souvent fait voir pour le soutien de ses alliés et de l'équilibre de l'Europe, ne manquera pas, l'on est sûr, de se manifester avec la même ardeur dans cette occasion. Son honneur, sa gloire, les forces respectables que la Providence lui a mises en main, le service, l'intérêt et la sûreté de ses propres États et certaines autres considérations qui ne sont pas inconnues ici, font voir la nécessité qu'il y a que Sa Majesté Impériale concoure sans délai dans les mesures salutaires qui ont été proposées pour le maintien de la paix et de sa propre indépendance, aussi bien que de celle de ses alliés.

Le soussigné, en se recommandant très humblement à la haute bienveillance de Sa Majesté Impériale, ne saurait s'empêcher de réitérer sa prière, à savoir que, vu le grand éloignement des deux cours et les cas soudains et imprévus qui peuvent arriver, le haut ministère de Sa Majesté Impériale veuille bien lui faire avoir, le plus tôt qu'il sera possible, une réponse aux importantes représentations qu'il vient de faire par ordre du Roi son maître. Il est inutile, à ce que le soussigné croit, de faire remarquer le grand secret avec lequel il sera nécessaire de conduire cette négociation jusqu'à sa conclusion, crainte que le roi de Prusse, s'il en a le moindre vent, ne prévienne Sa Majesté Britannique et ses alliés, comme il l'a fait avec la Saxe pendant la dernière guerre.

M. Guy Dickens.

Moscou, 27 avril 1753 [styli veteris].

Le soussigné envoyé extraordinaire, en relisant les dépêches que le dernier courrier lui a apportées, trouve qu'il est nécessaire qu'il ajoute ce supplément au promemoria qu'il eut l'honneur de présenter à Leurs Excellences, le haut ministère de Sa Majesté Impériale, le 15 du courant, pour leur faire savoir que M. Keith, ministre de Sa Majesté Britannique à Vienne, ayant fait les mêmes représentations et réquisitions là que le soussigné a faites ici touchant le casus fœderis, en cas que Sa Majesté Britannique fût attaquée dans ses États d' Allemagne par le roi de Prusse, pour avoir soutenu les justes droits<84> de ses sujets de la Grande-Bretagne, Leurs Majestés Impériales y ont répondu de la manière la plus amiable et la plus cordiale et déclaré en termes précis et formels qu'elles étaient prêtes d'entrer dans aucunes mesures que Sa Majesté Britannique jugerait à propos pour maintenir la tranquillité publique et pour sa propre sûreté et défense contre aucunes violences que Sa Majesté Prussienne lui pourrait faire.

Telles étant les dispositions de la cour de Vienne, le soussigné envoyé extraordinaire ne saurait avoir le moindre doute que cette cour ne soit portée à concourir avec le même zêle et ardeur à assister efficacement Sa Majesté Britannique contre aucunes entreprises hostiles de la part du roi de Prusse et à contribuer par là au maintien de la tranquillité publique, laquelle il y a lieu de croire que Sa Majesté Prussienne ne hasardera pas de troubler à la légère, si elle voit qu'une Princesse d'une puissance aussi formidable que Sa Majesté Impériale est dans la ferme intention de la soutenir.

Guy Dickens.



B.
Note.

Moscou, 13/24 mai 1753.

Comme il a plu au ministère impérial de Russie de faire à l'ambassadeur de Leurs Majestés Impériales et Royales des Romains, dans la conférence d'hier, les deux demandes suivantes :

1° Si à l'occasion de l'ouverture confidente faite par la cour britannique à la cour impériale romaine touchant une négociation pour un corps de troupes qui doit être entamée ici, et de la réquisition préalable faite à Vienne que si, en cas que l'on en vînt à des hostilités entre les cours britannique et prussienne, on voulût reconnaître de la part de la cour impériale romaine le casus fœderis, et

2° A combien montait de la part de la cour impériale romaine le corps auxiliaire stipulé par les alliances avec la cour britannique et celle d'Hanovre —

l'ambassadeur impérial romain n'a pu manquer de faire savoir au susdit ministère impérial de Russie qu'à l'égard de la première question les avis dudit ambassadeur, correspondant avec le promemoria présenté ici le 27 avril par l'envoyé d'Angleterre, M. de Guy Dickens, à savoir que, lorsque Sa Majesté Britannique a fait faire à Leurs Majestés Impériales Romaines la réquisition pour l'assistance stipulée par les traités et alliances entre les deux cours, Leurs Majestés Impériales Romaines, pour faire voir qu'elles sont toujours accoutumées à satisfaire pleinement à leurs engagements, ont d'abord le lendemain après la réquisition faite par le ministre britannique donné la réponse suivante, à savoir : « Que Leurs Majestés Impériales, toujours empressées à donner à Sa Majesté Britannique les preuves les plus convaincantes de leur cordiale amitié, ne manqueront jamais de remplir très religieusement et au<85> pied de la lettre les engagements contractés avec Sadite Majesté, tant en qualité de Roi qu'en celle d'Électeur, pleinement persuadées d'un parfait retour de sa part, tant dans l'une que dans l'autre qualité. »

Concernant la seconde demande, à savoir à combien montait le nombre des troupes avec lesquelles la cour impériale romaine était obligée d'assister Sa Majesté Britannique, comme Roi et comme Électeur, lorsque le cas pourrait exister, l'ambassadeur impérial peut assurer avec certitude que le nombre des troupes dues par les engagements de la cour impériale romaine avec Sa Majesté Britannique, comme Roi, monte à 12,000 hommes; mais, pour ce qui est des engagements de Leurs Majestés Impériales Romaines avec Sa Majesté Britannique comme électeur d'Hanovre, et quel est, en cette qualité, le nombre de troupes stipulé, l'ambassadeur impérial ne saurait dire avec certitude, mais il croit avec beaucoup de vraisemblance que le nombre des troupes auxiliaires peut monter à 20,000 hommes.


C.
Sur ce qui a été proposé par ordre de Sa Majesté Impériale aux membres de la conférence, tenue à la cour le 14 et le 15 mai [styli veteris], les soussignés ont donné leur avis suivant:

Comme, selon les avis que l'on a, et plus encore par l'expérience du temps passé, il est effectivement à craindre que le roi de Prusse pourrait parvenir à un nouveau degré d'accroissement de puissance par une nouvelle attaque d'un ou d'autre des alliés de Sa Majesté Impériale, par où en conséquence ledit Roi se rendrait encore plus redoutable et dangereux à cet empire-ci, on juge en général et sans contradiction qu'il est de la dernière nécessité de ne pas permettre qu'il y parvienne, mais que plutôt il faut tâcher de toutes forces de le réduire à l'état ancien et modique où il a été, dans lequel il ne nous sera pas tant à charge et dangereux. C'est pourquoi

2° L'assemblée dès à présent ordonnée par Sa Majesté Impériale de 60,000 hommes de troupes régulières sur les frontières de la Livonie est non seulement extrêmement nécessaire pour contenir en tranquillité et en bride ce plus proche voisin; mais encore sera-t-il nécessaire d'y joindre 4,000 Cosaques du Don, 1,000 Kalmouks de Tschougoujew et 500 Kalmouks des nouveaux baptisés de Stawropol, comme aussi de tenir prêt à cet effet tout ce qui sera besoin, en sorte qu'au cas que le roi de Prusse fît un jour quelques mouvements pour attaquer, soit l'Hanovre soit la Saxe, comme alliés de Sa Majesté Impériale, ledit corps de 60,000 hommes à assembler présentement sur les frontières de la Livonie puisse faire dès aussitôt de ce côté-ci une diversion en Prusse, sous le nom d'un corps auxiliaire, afin de tâcher par là défendre celui des alliés de Sa Majesté Impériale qui aurait été attaqué<86> par le roi de Prusse, et de ne pas permettre au roi de Prusse de parvenir à une plus grande puissance.

3° Quoiqu'il paraisse qu'un pareil corps de 60,000 hommes à envoyer pour faire alors une diversion en Prusse serait assez suffisant pour atteindre et exécuter le point de vue ci-dessus mentionné, savoir nommément d'empêcher le roi de Prusse de parvenir à un plus grand degré de puissance ou d'empêcher et de ne pas permettre que quelqu'un des alliés de Sa Majesté Impériale soit ruiné, la véritable sûreté et tranquillité des dominations de Sa Majesté Impériale ne demande cependant pas moins pour l'avenir que le roi de Prusse soit encore davantage remis dans ses anciennes bornes. C'est pourquoi il convient de tenir prêt, autant pour appuyer le corps qui de la manière susdite sera envoyé sur les frontières de la Livonie, pour être en état de faire une diversion, que pour la sûreté présente de ces frontières, lorsque ce premier corps se mettra en marche pour quitter ces frontières, un autre corps de 60,000 hommes de troupes régulières et d'irrégulières à proportion, selon que ces dernières pourraient être trouvées nécessaires, afin que cedit dernier corps puisse au plus tôt remplacer en partie le premier corps, lorsque celui-ci serait envoyé en Prusse, et en partie se trouver plus à portée et voisin pour appuyer le premier, et même afin qu'il puisse, selon que la nécessité le demanderait, être envoyé au plus tôt aux postes à ordonner.

4° Pour surplus de précaution on reconnaît et juge nécessaire d'avoir en même temps un corps d'observation de 30,000 hommes de troupes régulières en Finlande et de le tenir assemblé dans ces contrées, afin d'être en sûrêté contre les Suédois.

5° Il est extrêmement utile et nécessaire d'apprêter et d'entretenir autant de galères à Reval, pourvues de tout pour pouvoir mettre en mer, qu'il en serait nécessaire pour pouvoir y embarquer, en cas de besoin, 10,000 hommes.

6° Mais parcequ'il y a non seulement un déficit dans les troupes régulières qui présentement se trouvent sur pied dans les dominations de Sa Majesté Impériale et qui y peuvent être employées, mais puisqu'aussi en général dans le nombre des troupes régulières entretenues jusqu'ici il faut ajouter, pour compléter entièrement les trois corps susmentionnés, savoir celui de 60,000 hommes que l'on destine présentement sur les frontières de la Livonie, le second du même nombre pour réserve, et le troisième de 30,000 hommes à assembler en Finlande et dans ces contrées, lesquels trois corps font ensemble 150,000 hommes, il est premièrement de nécessité indispensable de compléter par des recrues ce qui manque présentement dans le nombre complet de l'armée entière, de la flotte et de l'artillerie; secondement, de faire venir de la Sibérie les deux régiments d'infanterie qui y sont, pour les avoir de là plus à portée ici; troisièmement, de faire revenir et joindre à leurs régiments tous ceux qui en sont absents, hors ceux qui ont des per<87>missions, lesquels on peut toujours avoir assez à temps, et par l'absence desquels les caisses profitent; comme aussi de faire joindre à la première occasion au corps de Finlande les quatre bataillons de Seewsky qui se trouvent présentement ici à Moscou. Mais malgré cela, pour suppléer entièrement à ce qui pourra manquer au nombre tout complet et à la formation complète des trois corps susmentionnés, il sera toujours nécessaire d'établir une levée de recrues et de fixer celle-ci sur un homme sur cent, à commencer le 1er novembre de cette année, vu qu'une pareille levée, selon un calcul en gros, ira toujours au delà de 60,000 hommes. Mais en exceptant de ceux-ci 30,000 pour rendre complet le nombre manquant du vrai complet, on pourra avec le reste rendre complet ce qui peut manquer au nombre complet des trois corps désignés ci-dessus.

7° Pour que le recruement devienne, s'il est possible, encore plus facile et moins onéreux à l'Empire, il serait salutaire d'enrôler tous les hommes capables de servir, qui jusqu'à présent se trouvent dispersés dans tout l'Empire dans les villes aux tribunaux et places de judicature où ils ont été distribués, de même que tant d'autres personnes pareilles propres à servir, et de remplacer leurs places par des invalides, et c'est ce que le Sénat doit examiner et en disposer.

8° Pour ce qui concerne le nombre susexprimé de recrues à lever par-dessus ce qui sera nécessaire à rendre complets les régiments, le très humble avis des soussignés est que l'augmentation de l'armée qui en résultera, soit uniquement restreinte au temps présent de la nécessité de brider le roi de Prusse, et que cette augmentation n'aura pas toujours lieu, mais que plutôt en après, et lorsqu'on aura vu premièrement qu'elle n'est plus nécessaire, cette augmentation ne doit servir que pour rendre par là ensuite complets les anciens régiments. Qu'en outre toute cette augmentation à faire ne doit pas servir pour en former de nouveaux régiments, savoir nommément que, parceque chaque régiment d'infanterie consiste en trois bataillons qui n'ont qu'une compagnie de grenadiers, pendant que l'extrême utilité des grenadiers est assez constatée, les esprits les plus faibles même sont obligés de convenir de la nécessité et de l'utilité de former dans chaque régiment d'infanterie une compagnie de grenadiers pour chaque bataillon, afin qu'il y en ait trois compagnies dans chaque régiment, chaque compagnie de 200 hommes tant nouveaux qu'anciens, joignant à chacune des dernières 50 hommes nouveaux. Pour ce qui regarde ces compagnies de grenadiers et leur nombre, il doit rester inaltérablement pour l'avenir, en le supputant ou comprenant dans le nombre auquel les régiments de trois bataillons sont établis et fixés actuellement.

9° Mais comme, après tout, et selon le calcul qu'on en a fait, il y aura encore un reste suffisant de recrues nouvellement à lever, on est d avis que, pour éviter des dépenses superflues, ce reste sera réparti auprès des régiments d'infanterie dans les compagnies des fantassins,<88> hors desquelles peut être tiré par la suite ce qui sera nécessaire en après pour tenir l'armée complète, comme il est dit ci-dessus.

10° En augmentant de cette manière chaque compagnie de grenadiers avec 50 hommes et la compagnie des fantassins avec autant d'hommes qu'il sera besoin selon la supputation à faire, il sera indispensablement besoin d'augmenter aussi le nombre de leurs officiers commandants et de leurs bas-officiers, nommément de mettre présentement chaque compagnie de grenadiers sur 200 hommes avec un lieutenant, un sous-lieutenant, un sergent, un capitaine d'armes et deux caporaux; chaque compagnie de fantassins avec un sous-lieutenant, un sergent, un capitaine d'armes et deux caporaux.

11° En augmentant de cette façon les compagnies et le nombre de ceux qui les commandent, il est encore inévitablement nécessaire d'y joindre encore un adjudant du régiment et un sous-chirurgien.

12° En augmentant les régiments, l'armée de Sa Majesté Impériale devient également plus forte. Par conséquent sera-t-il aussi extrêmement nécessaire d'augmenter le nombre des généraux commandants. C'est pourquoi on propose très respectueusement au gracieux bon plaisir et décision de Sa Majesté Impériale qu'il lui plaise d'ordonner — pour tenir l'armée en d'autant meilleur ordre et pour mieux pouvoir vaquer aux commandements qui pourront avoir lieu — d'augmenter aussi l'état jusqu'à présent fixé de la généralité, nommément, outre le général-feldzeugmeister, encore avec un général en chef, afin qu'il y en ait cinq avec les quatre précédemment établis; de joindre aux cinq lieutenantsgénéraux encore cinq autres, afin qu'il y en ait en tout dix; de joindre aux dix majors généraux encore autant, afin qu'il y en ait vingt, et aux dix brigadiers encore dix autres nouveaux.

13° En augmentant le nombre des hommes des régiments, il paraît être nécessaire d'augmenter aussi le nombre de l'artillerie qui se trouve auprès de chaque régiment, avec un haubitz et ses appartenances; comme aussi de faire telle augmentation de poudre à tirer afin d'exercer encore mieux les soldats; que la quantité fixée en soit toujours toute prête pour une armée entière dans les caissons, et que la première quantité de la poudre à tirer soit uniquement employée à l'exercice, et que pour tout cela on fixât une certaine somme. De plus laisse-t-on à la décision de Sa Majesté Impériale s'il ne lui plairait pas d'ordonner que le collège de guerre, examinant de concert avec la généralité ce qui serait le meilleur et le plus salutaire, établît les exercices sur un pied uniforme, et que lesdits exercices soient de même manière observés dans toute l'armée.

14° On formera des rapports séparés des dépenses qui seront causées par ces augmentations, aussi examinera-t-on de plus près par la suite s'il conviendra de défendre la sortie des grains de la Livonie.

15° Mais en même temps on est d'avis qu'à moins qu'on se mette effectivement dans un état aussi redoutable et puissant qu'il est détaillé<89> ci-dessus, il serait et incommode et dangereux de se charger tout seul de tout le poids de la diversion à faire en Prusse, si ce n'est qu'on fût d'avance assuré avec fondement et certitude par les ministres de Sa Majesté Impériale que les autres alliés, et nommément les cours de Vienne et de Saxe, ne resteront pas non plus en tranquillité de leur côté, mais qu'elles donnent en même temps leurs secours au roi d'Angleterre, selon leurs engagements, et agissent aussi contre la Prusse. A rencontre, dès aussitôt que nos forces se trouveront dans l'état qu'il est dit ci-dessus, on peut alors avec assurance non seulement — au cas que la Prusse attaque l'Hanovre — faire seul une diversion en Prusse, mais aussi on peut — lorsque, pour brider ce voisin inquiet et pour la sûreté de cet Empire à l'avenir, on le jugera nécessaire — de soi-même déclarer la guerre contre lui et la commencer.

16° Les soussignés ont encore examiné si par là il n'y aurait pas de danger à craindre de l'autre côté et nommément des Turcs, au cas que l'on assemblât, comme il est dit ci-dessus, tant de forces régulières seulement vers les côtes de la Baltique; mais on trouve que les 20 régiments de milice qui sont de ce côté et encore 5 régiments de dragons et toute l'armée de l'Ukraine, tout comme aussi les régiments Saporogiens et Slobodiens, sont suffisants pour la sûreté de ces contrées.

Pour le reste ils soumettent tout ceci très humblement au souverain bon plaisir et ordres de Sa Majesté Impériale.

Était signé:

Comte Alexei Bestushew-Rumin. Knès N. Trubezkoi. Alexandre Buturlin. Comte Michaila Woronzow. Knès Boris Jusupow. Stephan Apraxin. Comte Alexandre Schuwalow. Comte Pierre Schuwalow. Piètre Sumorokow. Knès Jacob Schachowskoi. Iwan Bachmetow. Knès Iwan Schtscherbatow. Knès Alexei Golizyn. Knès Iwan Odujewski. Wassili Suworow. Iwan Poguwischnikow. Adam Olsuwiew. Knès Michaila Beloselskoi.

Pour présenter l'avis ci-dessus à Sa Majesté Impériale, on l'a remis, cacheté sous une enveloppe, au comte Alexandre Iwanowitz Schuwalow le même jour de la conférence, c'est-à-dire le 15/26 mai 1753 styli novi.


D.
Promemoria.

Moscou, 28 juin 1753 [styli veteris].

En réponse au promemoria de M. l'envoyé extraordinaire de Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne du 15 avril, le ministère de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies a ordre de faire connaître à M. l'envoyé que, si d'un côté l'Impératrice a appris avec un grand déplaisir les fâcheuses circonstances qui menacent les États du roi de<90> la Grande-Bretagne d'une attaque ennemie et toute l'Europe de nouveaux troubles, elle n'est pas de l'autre côté moins sensible à la confiance que Sa Majesté Britannique met en même temps en son amitié et alliance; aussi Sa Majesté Impériale embrasse-t-elle avec joie cette occasion pour donner au Roi de nouvelles preuves des sentiments qu'elle lui conserve en sincère amie et fidèle alliée.

M. l'envoyé extraordinaire verra par le ci-joint projet d'une convention à conclure avec sa cour, et lequel on lui remet également par ordre de l'Impératrice, avec quelle facilité Sa Majesté veut entrer dans toutes les mesures qu'il a proposées ici, moyennant ledit promemoria, par ordre du Roi son maître, comme un expédient pour prévenir la ruine inévitable à laquelle seraient exposés les pays d'Hanovre, si la guerre vient à s'allumer. On espère que M. l'envoyé extraordinaire remarquera avec une égale satisfaction les conditions aussi généreuses que désintéressés auxquelles Sa Majesté Impériale veut accorder un si puissant secours à Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne; car, quoique les subsides qu'on demande tant pour l'entretien de 55,000 hommes sur les frontières de Livonie, avec 40 à 50 galères en état d'agir, en cas que ce corps dût effectivement marcher et faire diversion en Prusse ou en Poméranie, surpassent considérablement ceux qui ont été stipulés par les conventions de l'année 1747, mais, pour peu que M. l'envoyé extraordinaire fasse attention à l'éclaircissement suivant, il trouvera que la somme que l'on demande à présent, loin de surpasser celle desdits subsides, en est encore beaucoup plus modique. C'est que Sa Majesté Impériale ne cherche en cette occasion qu'à pouvoir convaincre le roi de la Grande-Bretagne par des preuves réelles de la sincère amitié qu'elle lui porte.

Par la convention du 12 juin de l'année 1747 Sa Majesté Britannique a été obligée de payer pour l'entretien de 30,000 hommes de troupes russiennes sur les frontières de Livonie un subside de 100,000 livres sterling par an, qui, à raison de 10 florins et 15 stuvers courants de Hollande pour chaque livre sterling, faisaient la somme de 430,000 écus courants de Hollande, et qui furent payés sur ce pied dans le même pays, suivant qu'on en était convenu. Si on demande à présent aussi pour l'entretien d'un corps consistant presque en deux fois autant de troupes un million d'écus courants de Hollande, par conséquent environ 200,000 écus de plus, il faut prendre en considération que les dépenses que l'on sera obligé de faire dans le cas en question, sont sans comparaison plus grandes que ne le pouvaient être celles du cas passé.

Dans ce temps-là, la plupart des troupes de Sa Majesté Impériale se trouvaient déjà d'elles-mêmes en Livonie ou aux environs; mais à présent, à cause de la paix générale en Europe, elles se trouvent dispersées au dedans de l'Empire et pour la plupart dans les provinces éloignées où elles ont les vivres en plus grande abondance et à meilleur marché. On comprend bien, sans qu'on l'observe, ce qu'il coûte pour<91> faire marcher de si loin un si grand corps de troupes, surtout les Cosaques et les Kalmouks, qui sont obligés de traverser quasi tout l'Empire d'un bout à l'autre. On se contente de faire remarquer que dans l'intérieur de l'Empire une mesure — tschetwert — de seigle ne se paie jamais au delà d'un rouble, l'avoine presque toujours à la moitié de ce prix, le foin à trois copeks le poud, et à proportion tous les autres vivres [sont] aussi à très bon marché. Au contraire, toutes ces choses sont sans comparaison plus chères en Livonie : un poud de foin se paie quelquefois 15 à 20 copeks; mais elles y seront naturellement encore plus chères, quand on y assemblera un aussi grand corps de troupes avec 15,000 hommes de cavalerie, consistant la plupart en des troupes légères, dont chaque cavalier doit être pourvu de deux chevaux.

Dans le cas passé, on n'avait pas besoin d'y transporter une grande partie d'artillerie avec ses servants, à présent, on est obligé de faire tout ceci.

Quant à la somme qu'on demande en subsides pour le temps que les troupes de Sa Majesté Impériale seront employées de faire diversion, en cas que le roi de Prusse attaquât le pays d'Hanovre, on espère que M. l'envoyé extraordinaire la trouvera encore plus raisonnable par rapport à celle que les deux Puissances maritimes ont d'elles-mêmes accordée par la convention du 19 novembre 1747 pour le corps de 30,000 hommes qu'elles avaient pris à leur service.

On a payé, alors, pour ce corps de 30,000 hommes 1,290,000 écus courants de Hollande — comptant toujours la livre sterling à raison de 10 florins et 15 stuvers. On en demande, à présent, trois millions, par conséquent 1,710,000 écus de plus, ce qui paraît en effet faire un objet considérable; mais, si l'on en déduit encore ce qui est à payer pour les 25,000 hommes qu'on veut présentement donner de plus et qui, en considération de 15,000 hommes de cavalerie y compris, et dont la plupart sont à deux chevaux, peuvent passer pour 30,000 hommes, il n'en restera pour tout le surplus que 420,000 écus.

Outre que cette somme en elle-même fait déjà un très petit objet, M. l'envoyé extraordinaire verra aussi par ce qui sera dit plus bas qu'elle est trop insuffisante à compenser les frais qui tombent à présent à la charge de l'Impératrice, et que par ladite convention du 19 novembre 1747 les deux Puissances maritimes étaient cependant obligées de porter elles-mêmes.

Par exemple l'équipement et l'expédition de 40 à 50 galères pour faire descente dans le pays ennemi, et l'armement de deux vaisseaux de ligne et autant de frégates pour leur escorte sont des articles tout nouveaux, mais de la dernière importance, et qui exigent de grandes dépenses.

On en omet ici plusieurs autres de même nature, il suffit de dire qu'excepté la seule provision de vivres, Sa Majesté Impériale se charge à présent de tout, au lieu que dans le cas passé les Puissances maritimes,<92> lorsqu'elles avaient pris à leur service le corps de troupes de 30,000 hommes, étaient obligées à faire transporter à leurs frais toutes sortes d'amunitions de guerre et autres choses qu'on avait besoin d'envoyer d'ici à ces troupes; à leur fournir la poudre et le plomb; à se charger de l'entretien des malades et des blessés et à les faire soigner et traiter par leurs propres chirurgiens et médicaments; à faire conduire jusqu'en Russie, également à leurs frais, les malades qui ne pourraient suivre l'armée, et ceux qui seraient laissés pour les servir; à rançonner ceux de ce corps qui tomberaient prisonniers entre les mains de l'ennemi, et enfin à faire chercher et rendre les déserteurs au général commandant le corps auxiliaire.

C'est aussi un grand article que ces troupes auxiliaires de Sa Majesté Impériale allaient alors se joindre aux autres armées alliées, avec cette expresse condition qu'elles ne seraient pas exposées aux fatigues plus que les autres troupes, et qu'on observerait en tout une juste égalité entre elles, de sorte que les troupes russiennes pouvaient alors espérer beaucoup de délassement dans leurs travaux. Au contraire, dans le cas présent, le corps de troupes que Sa Majesté Impériale veut donner au secours de Sa Majesté Britannique, ne peut espérer aucun de ces avantages, mais doit seul porter tout le poids de la diversion à faire. On doit aussi compter pour un article extraordinaire et bien considérable l'artillerie dont il est nécessaire de pourvoir le corps auxiliaire; car, au lieu que, dans le cas passé, il n'y avait que deux pièces de campagne par régiment, il faut à présent non seulement en doubler le nombre, mais y ajouter une bonne partie de gros et de petit canon. Enfin, ne pouvant se fier sur aucun secours d'ailleurs, on est obligé de pourvoir à tout, de crainte que le défaut de quelque chose nécessaire ne fût trop nuisible.

Cette dernière considération produit une autre de beaucoup plus grande conséquence; c'est que Sa Majesté Impériale, se privant d'un corps de troupes si considérable qu'elle donne au roi de la Grande-Bretagne par un effet de son amitié pour lui, non seulement pour le secourir contre le roi de Prusse, mais aussi pour faire une grande diversion dans les États de ce Prince, sera nécessairement obligée pour la sûreté-de ses propres frontières, et pour pouvoir, en cas de besoin, donner un prompt secours audit corps, d'en tenir un autre pareil en voisinage et tout prêt à se mettre en marche. On laisse aux propres lumières de Sa Majesté Britannique à juger s'il n'est pas juste de concourir aux dépenses onéreuses qu'il faudra faire pour assembler et entretenir ce second corps de troupes.

Quant au seizième article du projet ci-joint, par lequel on engage Sa Majesté Britannique, en cas que, pendant la guerre en question, Sa Majesté Impériale vînt à être attaquée par quelque puissance étrangère, à payer durant tout le temps de cette attaque un subside d'un million d'écus courants de Hollande par an, on se flatte que, loin de trouver<93> extraordinaire ou superflue une telle demande, on reconnaîtra en ce cas la générosité particulière de Sa Majesté Impériale et les soins sincères qu'elle prend, en amie fidèle, des intérêts du roi de la Grande-Bretagne, puisqu'en cas même d'une nouvelle et propre guerre à soutenir, elle est fermement résolue de n'abandonner jamais son allié, mais de le soutenir toujours avec force et vigueur; aussi ne demande-t-on ce peu de subside que pour subvenir en quelque manière aux frais dans lesquels l'augmentation et les levées de troupes doivent indispensablement engager Sa Majesté Impériale.

Enfin, on est dans une forte persuasion que Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, après avoir examiné le projet susmentionné, n'aura pas sujet de se repentir de la confiance avec laquelle il s'est adressé à Sa Majesté Impériale de toutes les Russies et a remis à sa générosité d'indiquer en ce cas la somme des subsides et les autres conditions; car M. l'envoyé extraordinaire pourra être le témoin qu'aussitôt que ledit projet de convention sera de retour ici avec le consentement du Roi son maître, Sa Majesté Impériale ordonnera d'augmenter son armée de 60,000 hommes, pour se mettre en état d'exécuter les mesures qu'elle va prendre ensemble avec Sa Majesté Britannique.

On espère que M. l'envoyé extraordinaire verra en son particulier aussi avec plaisir la condescendance qu'on témoigne ici, pour faciliter une négociation dont le succès lui acquerrait une gloire proportionnée à la grandeur et à l'importance du sujet.

C. Bestushew. Woronzow.


E.
Projet de convention à conclure entre Sa Majesté Impériale de toutes les Russies et Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne.

Au nom de la sainte et indivisible Trinité!

Comme Sa Majesté Impériale de toutes les Russies et Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne se sont expressément engagées par le traité d'alliance défensive conclu l'année 1742, et qui subsiste encore si heureusement entre elles, de s'appliquer avec zèle à ce qui peut avancer leurs intérêts communs et pourvoir à leur défense mutuelle; et, c'est en vue de procurer par de tels engagements non seulement leur avantage et leur sûreté réciproque, mais de contribuer, autant qu'il dépend de leurs soins, à la conservation de la paix de l'Europe en général et de la tranquillité du Nord en particulier, tellement qu'en cas que les secours stipulés par le susdit traité n'y fussent pas suffisants, on est convenu d'y délibérer sans délai et de les augmenter, selon que le besoin et les occurrences du temps l'exigeront.

Et comme Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne a fait représenter par M. Guy Dickens, son envoyé extraordinaire résidant à la<94> cour de Sa Majesté Impériale de Russie, que dans la présente situation de ses affaires, à l'égard de Sa Majesté le roi de Prusse, il n'est que trop à craindre que ce Prince n'entreprît d'attaquer les États d'Allemagne de Sa Majesté Britannique, uniquement à cause des torts qu'il prétend que les armateurs anglais ont faits aux sujets prussiens pendant la dernière guerre, et sous prétexte desquels il a déjà fait mettre arrêt sur les capitaux dus aux sujets de la Grande-Bretagne sur la Silésie, et que dans ces circonstances critiques Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne espère de l'amitié de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies et du zèle généreux avec lequel elle s'est toujours prêtée à appuyer ses alliés et à maintenir l'équilibre de l'Europe, qu'elle ne sera pas éloignée à prendre sans délai, de concert avec Sa Majesté Britannique, des mesures capables de retenir le roi de Prusse de toute entreprise sur l'Hanovre et de prévenir une nouvelle rupture de la paix générale de l'Europe, Sa Majesté Impériale, pour donner à Sa Majesté Britannique une nouvelle et réelle preuve de l'amitié sincère et de la considération qu'elle lui conserve, ainsi que de son zèle continuel de détourner tout ce qui puisse porter la moindre atteinte à la paix ef à la tranquillité de l'Europe rétablie depuis peu après tant de troubles et de ruines, et étant très disposée à prendre de concert avec Sa Majesté Britannique, le plus tôt qu'il serait possible, des mesures aussi vigoureuses qu'efficaces contre de semblables entreprises à craindre de la part du roi de Prusse et si nuisibles à la tranquillité et à la sûreté publiques, a bien voulu ordonner à ses ministres NN. d'entrer en conférence sur cette affaire avec ledit M. Guy Dickens, envoyé extraordinaire de Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, lesquels ministres, en vertu de leurs pleins pouvoirs respectifs, et après avoir conféré et délibéré entre eux, sont convenus des articles suivants.

Art. 1. Nonobstant les soins que Sa Majesté Britannique, conjointement avec ses alliés, veut employer auprès de Sa Majesté le roi de Prusse, et sans faire attention à quelque espérance qu'on pourrait en avoir que ce Prince, se prêtant aux propositions qui lui ont été faites touchant les capitaux dus aux sujets britanniques sur la Silésie, s'abstiendra d'attaquer l'Hanovre, comme il est à présent à craindre, et que par conséquent la paix et la tranquillité publiques ne seront point troublées, Sa Majesté Impériale de toutes les Russies s'engage, afin de se mettre en sûreté contre toute entreprise imprévue et subite de ce Prince, d'assembler sur les frontières de la Livonie attenantes à la Lithuanie, aussitôt après l'échange des ratifications de cette convention, un corps de 40,000 hommes d'infanterie de ses troupes réglées, muni de l'artillerie nécessaire et de 15,000 hommes de cavalerie, composés de trois régiments de cuirassiers, de vingt compagnies grenadiers à cheval, de deux régiments d'hussards, et le reste de troupes légères, savoir de Cosaques et de Kalmouks, chacun à deux chevaux, autant qu'il y aura besoin pour rendre complets ces 15,000 hommes de cavalerie, de sorte<95> que le tout, infanterie et cavalerie, formera un corps de 55,000 hommes, et de tenir les troupes sur lesdites frontières de Livonie, de même que 40 à 50 galères avec l'équipage requis sur les côtes du même duché, en état de pouvoir agir au premier ordre et jusqu'à ce que le danger présent subsistera, ou que les deux hautes parties contractantes ne jugeront pas nécessaire de les tenir plus longtemps sur les frontières, comme cela sera expliqué plus amplement par les articles suivants.

Art. 2. Pour subvenir aux frais que l'entretien desdites troupes et galères causera à l'Impératrice de toutes les Russies, Sa Majesté Britannique s'engage de sa part à lui payer un million d'écus courants de Hollande — de 50 stuvers — par an, à compter du jour des ratifications de cette convention, toujours à Pétersbourg et en entier pour chaque année d'avance. Le payement pour la première année se fera dans le même temps que l'échange des ratifications.

Art. 3. Comme il est incertain quand le danger cessera tout-à-fait, et qu'il est impossible de prévoir d'autres incidents qui pourraient survenir dans cet intervalle et contre lesquels il est mieux de se précautionner d'avance, on ne borne pas le temps que ledit corps et les galères doivent rester sur les frontières et sur les côtes de Livonie; mais comme les évènements passés et l'état présent des affaires font voir combien il est utile et avantageux tant aux intérêts des deux parties contractantes qu'à ceux de leurs alliés communs de tenir sur lesdites frontières un pareil corps de troupes de Sa Majesté Impériale, et combien cela peut contribuer à l'affermissement même de la paix et tranquillité désirée, Sa Majesté Impériale de toutes les Russies et Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne s'engagent, savoir Sa Majesté Impériale à tenir sans interruption, aussi lontemps qu'il sera possible, le susdit corps de troupes sur les frontières de Livonie attenantes à la Lithuanie et le susdit nombre de galères équipées sur les côtes, toujours en état de marcher et d'agir au premier ordre d'un côté, et de l'autre Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne à payer pendant tout ce temps les subsides stipulés d'un million d'écus courants de Hollande par an, payables en entier pour chaque année d'avance, avec cette seule exception qu'en cas que Sa Majesté Impériale fût la première qui, suivant les conjonctures du temps et pour son propre besoin, jugeât à propos de retirer le susdit corps de troupes des frontières de Livonie et de ne l'y plus tenir pour le service de Sa Majesté Britannique, Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne ne sera tenue alors de payer les subsides stipulés que pour le temps que ces troupes seront restées sur les frontières pour son service. Mais, si c'est Sa Majesté Britannique qui jugera à propos et de sa convenance de déclarer à Sa Majesté Impériale qu'elle n'aurait plus besoin d'un pareil corps sur lesdites frontières, et que Sa Majesté Impériale pourrait l'employer et en disposer selon son bon plaisir, en tel cas Sa Majesté Britannique est obligée de payer les subsides stipulés encore pour trois mois après la déclaration.

<96>

Art. 4. Quoique l'on espère que, par les représentations amiables qui seront faites de la part de Sa Majesté Britannique au roi de Prusse, et plus encore par les mesures si vigoureuses qu'on va prendre moyennant cette convention, Sa Majesté Prussienne sera retenue de tout procédé ennemi envers les États d'Allemagne de Sa Majesté Britannique, de sorte que les deux hautes. parties contractantes n'auront pas besoin, pour leur défense et par justes représailles, de mettre en exécution ces mesures, qu'on a prises uniquement par précaution et pour sa propre sûreté, mais si, contre toute attente, il arrive au contraire que Sa Majesté Britannique sera attaquée dans ses États d'Allemagne par le roi de Prusse, en ce cas Sa Majesté Impériale de toutes les Russies s'engage et, aussitôt que Sa Majesté Britannique l'en aura informée et lui aura donné le secours d'argent effectif, donnera ordre à son général commandant le corps qui sera assemblé sur les frontières de Livonie, de faire, le plus tôt qu'il sera possible, une diversion dans les États du roi de Prusse avec un corps de 30,000 hommes d'infanterie muni de l'artillerie nécessaire et avec tous les 15,000 hommes de cavalerie ci-dessus mentionnés, et de tenir les autres 10,000 hommes d'infanterie tout prêts à être transportés sur les mentionnées 40 ou 50 galères pour faire une descente, soit en Prusse soit en Poméranie, suivant le besoin et l'exigence des cas.

Art. 5. Par contre, Sa Majesté Britannique s'engage à payer à Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, pendant que ce corps de 55,000 hommes sera effectivement employé dans les opérations militaires pour son service, un subside annuel de 3 millions d'écus courants de Hollande, à compter du jour que ce corps se sera mis en marche des frontières de la Russie, jusqu'à son retour sur les mêmes frontières, de quelle manière que ce retour se puisse faire, soit que la guerre sera finie ou que Sa Majesté Britannique le juge à propos ellemême. Ce subside sera toujours payé en entier, pour chaque année d'avance, et remis à Riga entre les mains de celui qui sera exprès autorisé de Sa Majesté Impériale.

Art. 6. Et, comme cette diversion à faire par les troupes de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies dans les pays de la Prusse en faveur des États d'Allemagne de Sa Majesté Britannique doit être exécutée tout d'un coup et avec toute la vigueur et activité possibles, et par cette raison il est d'une nécessité indispensable que tout ce qu'il y faudra, fût alors prêt et appareillé, afin que le défaut des choses absolument nécessaires à une entreprise de cette nature ne fît perdre du temps en vain et ne donnât au roi de Prusse, comme attaquant l'Hanovre, assez de loisir pour y faire des progrès considérables, avant que les troupes russiennes pussent venir et faire une diversion dans ses États, pour cet effet Sa Majesté Britannique promet, sitôt qu'elle verra la marche des troupes russiennes indispensable, d'envoyer audit corps un ou quelques commissaires qui le recevront, lui paieront<97> sur le champ pour une année entière de subsides les trois millions d'écus de Hollande et se chargeront de son entretien à leurs propres frais, tant sur la marche que pendant tout le temps qu'il sera au service de Sa Majesté Britannique, jusqu'à son retour sur les frontières de Russie, et les commissaires feront livrer à ce corps auxiliaire les portions et rations in natura, savoir aux bas-officiers, soldats et autres en portion à chaque homme par jour deux livres de pain de seigle, une livre de viande en argent, un quart de livre de gruau, comme aussi deux livres de sel par mois, et en ration pour chaque cheval par jour six livres deux tiers d'avoine et 16 livres deux tiers de foin et, en outre, le hachis de paille sur le même pied qu'il est généralement de coutume, le tout au poids de Hollande. Mais, en cas que quelqu'une de ces provisions, par quelque raison que ce soit, ne puisse pas être livrée in natura, il sera permis de s'accorder et de convenir avec le général commandant les troupes impériales russiennes et de lui payer les provisions en argent comptant qu'on aura réglé avec lui. Au reste, la solde desdites troupes leur sera toujours payée, de même que ce corps sera recruté et pourvu de munitions de guerre et d'artillerie, de la part de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies.

Art. 7. Le grand éloignement du lieu où l'attaque du roi de Prusse est à craindre, de celui où la diversion doit être faite par les troupes impériales russiennes, ne permettant pas que ces troupes puissent se joindre à celles de Sa Majesté Britannique, Sa Majesté Impériale se charge seule de tout le poids de la diversion, et Sa Majesté Britannique s'engage seulement, comme il a été dit ci-dessus, de payer le subside stipulé de trois millions d'écus de Hollande, chaque année d'avance, et d'entretenir ces troupes de la manière susmentionnée.

Art. 8. Quant aux galères à armer et aux 10,000 hommes d'infanterie qu'on destine à une descente en Prusse ou en Poméranie, comme il est dit ci-dessus, Sa Majesté Impériale s'engage non seulement de les tenir prêtes et proches de Courlande, mais, aussitôt que le besoin et la convenance le requerront, de leur faire entreprendre cette descente en faisant escorter et soutenir ces galères dans leur expédition en question par deux vaisseaux de ligne et deux frégates de sa flotte. Mais, comme il est à présumer qu'en ce cas la Suède de son côté, en vertu de ses engagements avec le roi de Prusse, pourrait au lieu de troupes lui fournir le secours stipulé en vaisseaux, dont ce Prince se servira contre les galères impériales russiennes pour les inquiéter et pour empêcher la descente qu'elles auront à faire, pour cet effet Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne s'engage d'envoyer dans la Baltique une escadre de 10 vaisseaux de ligne et de 4 frégates équipées en guerre, non seulement pour rendre plus sûre la navigation des gaères russiennes et le transport des troupes qui y seront embarquées, et pour soutenir la descente avec plus de force et de vigueur, mais aussi afin que le chef qui commandera cette escadre, puisse recevoir ces<98> troupes russiennes embarquées sur les galères et se charger de leur entretien en vivres, pareillement aux frais de Sa Majesté Britannique, dès qu'elles seront sorties en mer du premier port jusqu'à ce qu'elles seront de retour dans le même port où ledit chef les aura reçues, de la manière suivante, savoir pendant le temps que ces troupes seront en mer, tant en allant qu'en retournant, elles recevront la provision en tout sur le pied comme il est de coutume de la donner aux autres gens de marine; mais, après avoir fait la descente, tant qu'elles resteront en terre ferme, on leur livrera les portions comme aux autres troupes de terre, ainsi qu'il a été stipulé dans l'article 6 de cette convention, excepté toutefois le monde et autres servants que l'on sera absolument obligé à laisser pour la garde des galères, de même que ceux qui seront au bord, des vaisseaux et frégates russiennes, et auxquels tous on donnera toujours la provision comme aux gens servant actuellement sur mer.

Art. 9. Le chef d'escadre de Sa Majesté Britannique sera tenu en cas de descente à pourvoir les troupes impériales russiennes de l'artillerie nécessaire avec tout son attirail et autres munitions de guerre dont il sera convenu préalablement avec le général commandant les troupes russiennes, et ce même chef doit toujours tenir son escadre, autant qu'il sera possible, le plus à portée des galères russiennes, soit en temps de leur trajet, soit pendant qu'elles seront à l'ancre, afin de pouvoir leur donner en tout cas un prompt secours et assistance. Cependant il sera libre audit chef de détacher par deux ou trois bâtiments de son escadre, ou pour aller prendre information de la flotte suédoise ou pour conduire d'autres bâtiments qui devront lui porter les provisions de Danzig et d'autres endroits.

Art. 10. Et s'il arrive, comme il y a lieu de s'en douter, que la France envoyât pareillement dans la Mer Baltique quelque nombre de vaisseaux ou même une partie considérable de sa flotte au secours du roi de Prusse, pour inquiéter les galères russiennes et pour les empêcher de faire descente en Prusse ou en Poméranie, en ce cas Sa Majesté Britannique s'engage et promet de la manière la plus forte d'envoyer dans la Mer Baltique sur le premier avis qu'elle aura d'un pareil dessein de la France, un nombre plus considérable de ses vaisseaux de guerre, pour renforcer sa première escadre et pour mieux couvrir la descente.

Art. 11. Il dépendra de Sa Majesté Britannique de faire agir toute sa flotte susmentionnée offensivement ou défensivement contre les escadres française et suédoise, en cas qu'elles vinssent d'être envoyées au secours du roi de Prusse, ainsi qu'on le présume.

Quant aux vaisseaux et frégates russes, elles ne seront employées qu'à couvrir leurs propres galères, sans les laisser jamais de vue, indépendamment de ce que les vaisseaux de Sa Majesté Britannique seront obligés à défendre de toute leur force les vaisseaux et les galères russiennes et à soutenir la descente des troupes.

<99>

Art. 12. Comme l'éloignement où les deux cours contractantes sont l'une de l'autre, et la distance spacieuse qu'il y a entre le pays où la guerre est à craindre, et celui où la diversion est, en ce cas, à faire, mettent des obstacles à toute délibération préalable sur les plans et les opérations à exécuter, les deux hautes parties contractantes s'engagent d'agir de toute leur force et vigueur; à cette fin elles chercheront par tous les moyens imaginables à porter dommage à leur ennemi et à prévenir qu'en s'apercevant de la langueur d'un côté, il ne tournât contre l'autre toutes ses forces.

Art. 13. Ces troupes auxiliaires seront commandées uniquement par le général que Sa Majesté Impériale de toutes les Russies mettra à leur tête, et duquel dépendra aussi celui qui commandera sur les galères; cependant le commissaire de Sa Majesté Britannique qui sera constitué à pourvoir à l'entretien de ces troupes, de même que le chef de son escadre, seront toujours invités et admis aux conseils généraux de guerre qui seront occasionnés par les évènements et les circonstances du temps.

Art. 14. Tout le butin que les troupes russiennes feront sur l'ennemi, de quelque nature et nom qu'il puisse être, restera au profit de ces mêmes troupes.

Art. 15. Comme il peut facilement arriver que les troupes auxiliaires impériales russiennes seront obligées de toucher dans leur marche les terres de la république de Pologne, Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne s'engage et se charge du soin d'obtenir de Sa Majesté le roi et la république de Pologne le libre passage pour ces troupes par lesdites terres.

Art. 16. En cas que, durant cette guerre à faire en commun, Sa Majesté Impériale de toutes les Russies vînt d'être elle-même attaquée par quelconque autre puissance, nonobstant cela Sadite Majesté Impériale veut remplir ses engagements pris par cette convention, et elle est intentionnée de ne point rappeler, même dans ce cas-là, ses troupes auxiliaires, mais de continuer sans cesse la guerre contre le roi de Prusse, communément avec Sa Majesté Britannique. Par contre Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, pour concourir aux dépenses extraordinaires que naturellement causeront à Sa Majesté Impériale les nouvelles levées et l'augmentation des troupes, s'engage à payer à Sadite Majesté Impériale, indépendamment des subsides de trois millions d écus de Hollande stipulés ci-dessus dans le 5me article, encore un autre subside annuel d'un million d'écus de Hollande pendant tout le temps que Sa Majesté Impériale sera en guerre avec la puissance dont elle sera attaquée.

Art. 17. Les deux hautes parties contractantes s'engagent et se promettent de ne faire avec l'ennemi commun aucune paix séparément, l'une sans l'autre, et par conséquent de n'entrer avec lui en aucune négociation sans le consentement préalable de l'autre part; mais les<100> deux parties contractantes tâcheront de toutes leurs forces de se procurer la paix à des conditions honorables et avantageuses à leurs intérêts réciproques.

Art. 18. Mais, au cas qu'après même que la paix sera conclue du consentement unanime des deux hautes parties contractantes, et que Sa Majesté Impériale, nonobstant le titre de parti auxiliaire sous lequel elle fera la guerre, y sera admise comme une puissance principalement contractante, le roi de Prusse voulût cependant rompre cette nouvelle paix, en haine d'un si puissant secours à donner contre lui de la part de Sa Majesté Impériale, et attaquer l'empire de Russie, soit lui seul ou conjointement avec la Suède, en ce cas Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne en juste réciproque d'une assistance si réelle que Sa Majesté Impériale veut lui donner, s'engage et promet de la secourir alors d'un million d'écus courants de Hollande de subside par an, autant que cette attaque durera, et par le nombre de vaisseaux de guerre stipulé par le traité de l'année 1742, bien entendu que Sa Majesté Britannique sera tenue de donner à Sa Majesté Impériale tout ce secours, en subsides et en vaisseaux, seulement en cas que le roi de Prusse fît cette attaque conjointement avec la Suède, et de ne lui payer que le simple subside d'un million d'écus courants de Hollande par an, s'il la fait tout seul; bien entendu aussi que ce secours ne sera prêté qu'en cas de la guerre que le roi de Prusse déclarerait à Sa Majesté Impériale dans le cours des deux premières années après la conclusion de la paix, toute autre guerre qui puisse survenir après n'y étant point comprise.

Art. 19. Cette présente convention sera approuvée et ratifiée des deux parts, et les lettres de ratification seront échangées à Moscou dans l'espace de pp.


F.
Promemoria.

Moscou, 2 juillet 1753 styli veteris.

Si dans le promemoria que l'on a remis à M. Guy Dickens, envoyé extraordinaire de Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, dans la conférence le 28 juin, on n'a pas donné une réponse particulière sur son promemoria du 27 d'avril touchant le casus fœderis, le ministère de Sa Majesté Impériale se trouve cependant d'autant plus en état d'y suppléer par le présent, qu'ayant un ordre exprès de l'Impératrice à promettre un beaucoup plus grand secours que celui du casus fœderis, on est encore plus autorisé d'assurer M. l'envoyé extraordinaire que Sa Majesté Impériale reconnaît ledit cas dans toute son étendue, et que c'est dans cette considération qu'elle fonde toutes les démarches vigoureuses qu'elle est intentionnée de faire conjointement avec Sa Majesté Britannique, et dont on peut se promettre tout l'effet désiré, vu que Sa Majesté, non contente d'avoir promis simplement dans le projet d'une convention à conclure qu'on a remis à M. l'envoyé extraordinaire dans ladite conférence, d'assembler, d'abord après la conclusion de ladite<101> convention, un corps de 55,000 hommes de ses troupes sur les frontières de Livonie, elle a déjà effectivement ordonné d'y assembler 60,000 hommes de troupes réglées qui sont effectivement en marche pour y venir, et d'y ajouter encore 6,000 hommes de troupes légères.

Il n'en est pas difficile à comprendre combien Sa Majesté Impériale est fermement résolue de secourir Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, en cas que ses États fussent attaqués par le roi de Prusse. Car, si elle ordonne à présent et sans attendre le consentement de Sa Majesté Britannique sur le projet de la convention, d'assembler un corps plus nombreux que celui pour lequel on demande des subsides, il est aisé de s'assurer avec combien plus de force elle fera agir, quand le besoin le requerra, Sa Majesté Impériale étant accoutumée de ne rien faire à demi. D'ailleurs M. l'envoyé extraordinaire a déjà remarqué dans le mémoire et dans le projet qu'on lui a remis, toutes les autres mesures que l'Impératrice veut prendre sans délai conjointement avec le roi de la Grande-Bretagne, pour n'avoir rien à craindre de la part du roi de Prusse.

C. Bestushew. Woronzow.


Nach dem Concept. Die Actenbeilagen A—F nach den von Maltzahn unter dem 1. September aus Dresden eingesandten Abschriften.101-1

<102>

101-1 Ausser den an Lord Marschall mitgetheilten Actenstücken schickte Maltzahn am 1. September noch den folgenden Précis ein:
     Précis de ce que le grand-chancelier de Russie, comte Bestushew, a fait connaître a l'envoyé d'Angleterre sur l'affaire de la Steuer de Saxe, et de ce que ce dernier mande à peu près à ce sujet à sa cour :
     Ayant communiqué au Grand-Chancelier les lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire touchant la Steuer et les raisons qui empêchaient Sa Majesté de se joindre à la déclaration proposée par cette cour, en cas de nouvelles menaces de Sa Majesté le roi de Prusse, Son Excellence me répondit: Qu'on avait déjà eu et de M. de Keyserlingk et de M. de Golowkin avis des sentiments de la cour de Londres à ce sujet; qu'il ne pouvait qu'être extrêmement surpris qu'on avait si mal compris ce que le seul et véritable sens de la déclaration portait que j'avais faite au protocole du 6 octobre de l'année passée, de même que celui du promemoria que j'avais présenté; qu'on avait été toujours d'opinion ici qu'il y avait des engagements défensifs du moins entre les cours d'Hanovre et de Dresde, et qu'en tout cas, s'il n'y en avait point eu du tout, ma déclaration n'obligeait le Roi à rien. Coupant court ici, le Grand-Chancelier me dit qu'il fallait qu'il me parlât à cœur ouvert et ne me cachât pas qu il voyait avec douleur que nous étions capables à Londres et à Hanovre d'être souvent sujets à des terreurs paniques mal fondées; qu'il serait bien aise de savoir si 1'on s'imaginait par là et par de pareils ménagements, dont on devait avoir déjà assez reconnu l'insuffisance, de prévenir ou d'empêcher les mauvais desseins et l'ingratitude du roi de Prusse; que pour lui, il était d'un sentiment tout contraire, et que c'était plutôt le moyen de le rendre et plus hardi et plus entreprenant; que le plus sûr pour être plus à couvert de ses algarades et insultes, était, de se mettre, le plus tôt que possible, en état de lui montrer les dents et, toutes fois qu'on aurait quelque dispute avec lui, de le prendre sur un ton aussi haut que le sien. Pour cette fin, le Chancelier était du sentiment que Sa Majesté Britannique voulût plutôt se lier plus étroitement avec la cour de Saxe par des engagements défensifs, tels qu'on les avait toujours supposés ici, sans négliger de se mettre dans l'électoral-d'Hanovre même dans un meilleur état de défense pour n'avoir pas toujours tant à craindre.

74-3 Vergl. S. 70 Anm. 4.

75-1 Im Concept des Mémoires steht von der Hand des Cabinetssecretärs: „,à chiffrer d'un des chiffres immédiats du lord Maréchal dont on ne se sert plus actuellement.“

75-2 Vergl. S. 23.

75-3 Vergl. Bd. IX, 381.

75-4 Vergl. S. 71.

76-1 Vergl. S. 55.

76-2 Vergl. S. 47.

78-1 Funcke.

79-1 Das folgende nach einem Postscript des Berichts Funcke's an Brühl, Moskau 7. Juni (Bericht Plesmann's, Dresden 17. Juli, vergl. S. 25 Anm.).

80-1 Vergl. Bd. IX, 225.

80-2 Vergl. Bd. IX, 176 Anm. 2.

80-3 Bd. IX, S. 349.

81-1 Vergl. Bd. II, 357.

81-2 Vergl. Bd. VIII, 205 Anm. 2.