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terre. M. Rouillé me répéta encore dans le nouvel entretien que j'eus avec lui mercredi dernier,1 qu'abstraction faite des engagements que renfermait ce traité et sur lesquels il suspendait son jugement, jusqu'à ce qu'il fût assuré de l'authenticité des notions qu'il avait à ce sujet, il était certain que Sa Majesté Très Chrétienne avait raison de se plaindre que Votre Majesté eût conclu un traité de cette nature avec une puissance qui faisait à la France une guerre offensive, tandis qu'il subsistait encore entre Elle et cette dernière deux traités d'alliance défensive,2 dont aucun n'était expiré jusqu'à présent. Qu'indépendamment du tort que Votre Majesté avait à cet égard, et qui lui paraissait très essentiel, on avait lieu d'inférer, du secret extrême avec lequel Elle avait tramé cette négociation, qu'elle renfermait des stipulations secrètes, contraires peut-être à Ses engagements avec la France ou opposées au moins aux intérêts de cette cour, sans quoi on ne voyait point pourquoi Elle aurait voulu lui en dérober la connaissance. Que, sans faire une attention particulière à ces motifs, qui n'avaient pour objet que l'examen du droit que pouvait avoir eu Votre Majesté de faire un pareil traité à l'insu de la France, l'amitié que Sa Majesté Très Chrétienne Lui avait vouée de tout temps, lui avait donné lieu de se trouver extrêmement blessée de la dissimulation dont on en avait usé envers elle en cette occasion. Qu'il ne voulait point me réitérer les plaintes qu'il m'avait faites précédemment3 sur le ridicule que ce traité jetait sur l'ambassade de M. de Nivernois, qui s'étendait même sur sa personne, ainsi que sur ceux qui, animés par le désir de perpétuer l'union étroite qui avait subsisté jusqu'à présent entre les deux cours, avaient excité le Roi à cette mission; mais qu'il m'avouait franchement qu'ayant consacré de tout temps à Votre Majesté les sentiments de l'admiration la plus respectueuse, il ne pouvait pas concevoir comment Sa gloire et Sa délicatesse ne s'étaient pas trouvé blessées de recevoir la participation des projets les plus secrets

mais bien loin que les décisions du vulgaire fassent impression sur mon esprit, je ne pense qu'à suivre les intérêts de l'État pied à pied, bien assuré qu'en remplissant bien cet objet-là, c'est le seul moyen de bien établir ma réputation, si j'en ai une.

J'ai bien lu les reproches que vous a faits M. Rouillé, mais je suis bien loin de croire ses arguments sans réplique, et voici ce que vous pouvez lui dire …:4

1° Qu'il est clair que les possessions françaises hors de l'Europe sont expressément exclues de nos garanties; que l'Espagne,5 plus attachée à la Trance par les liens du sang et par l'intérêt commun des deux nations, ne prend aucune part aux démêlés des Français et des Anglais en Amérique, et qu'ainsi à plus forte raison, comme nul traité, nul engagement ne me lie, on ne peut exiger la moindre chose de moi dans le cas présent de la guerre; que tant que la France n'attaquera que l'Angleterre, je serais bien embarrassé de voir d'où lui viendrait une diversion dans ses possessions, en supposant même à M. Rouillé les vues les plus fines, je le défie de me dire ce que la France a à présent à craindre pour son continent.

En second lieu, je vois que M. Rouillé paraît surpris qu'un roi de Prusse pense à la sûreté de la Prusse, ce qui me paraît à moi la chose plus simple et la plus naturelle. Le pays d'Hanovre est at-



1 4. Februar.

2 Vergl. S. 114.

3 Vergl. S. 106.

4 Für die folgenden Punkte vergl. die entsprechend numerirten Artikel der „Raisons de maître Rouillé“ . Nr. 7274.

5 Vergl. S. 96.