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et importants d'une puissance avec les ennemis de laquelle Elle venait d'entrer en alliance; qu'en se représentant tous les exemples de grandeur d'âme et d'héroïsme qu'Elle avait donnés à l'Europe, il n'était pas moins difficile d'interpréter comment Elle avait pu Se permettre de parler à l'ambassadeur de Son allié d'un traité pour la signature duquel Elle avait déjà envoyé des ordres, comme d'un traité pour lequel Elle était encore en négociation; enfin, qu'il se manifestait un contraste bien douloureux pour la France entre les assurances que Votre Majesté lui avait fait donner, à différentes reprises, à l'occasion des soupçons qu'on avait conçus ici,1 avec l'évènement qui formait maintenant l'objet de ses regrets et de ses représentations.

Après que M. Rouillé m'eut exposé ainsi, quoiqu'en termes modérés et marqués plutôt au coin de la douleur qu'à celui du ressentiment, les griefs que sa cour prétend avoir contre Votre Majesté à l'égard du traité qu'Elle a conclu avec l'Angleterre, il commença par relever successivement les arguments dont Votre Majesté S'est servi auprès de M.de Nivernois,2 pour Se justifier sur cette démarche3

Après que M. Rouillé se fut étendu sur les différentes matières que je viens de rapporter, et que, sans avoir voulu admettre les réponses dont je me proposais de faire usage pour combattre ses raisonnements, il m'eut dit que, comme il importait à sa cour de savoir quels étaient les motifs que Votre Majesté pouvait avoir à alléguer en réponse aux arguments qu'il venait de m'exposer, il me priait d'en rendre compte à Votre Majesté et de lui faire part ensuite des instructions que je recevrais à cet égard, il ajouta que, quelque bien fondée que fût la perplexité dans laquelle cet évènement avait mis Sa Majesté Très Chrétienne, et quelque ulcérée qu'en fût son amitié, elle avait cependant si bien su vaincre les mouvements de son cœur que, loin de les faire paraître au dehors, elle les avait totalement suspendus, pour faire éclater la satisfaction qu'elle ressentait des témoignages de bonté et de distinction que

taqué par les Français, la Prusse l'est par les Russes, et la Silésie par les Autrichiens; peut-on prétendre qu'un allié sacrifie deux de ses plus belles provinces pour favoriser l'invasion que son allié veut faire sur une terre ennemie? J'ai toujours cru que les alliances étaient fondées sur l'avantage réciproque des alliés; M. Rouillé a peut-être d'autres notions, je le prie de me les communiquer pour m'éclaircir là-dessus. Hugo Grotius et Pufendorf les ont ignorées, mais c'étaient apparemment des bêtes.

3° M. Rouillé articule que le traité de 1741 n'est pas expiré encore, il le sera au mois de juin que les opérations vont commencer; si on avait attendu ce temps pour s'arranger, ne voit-on pas que chaque puissance, agissant en conséquence de ses engagements, aurait fait usage de ses mercenaires et que l'Allemagne se serait vue inondée de Russes, de Kalmouks, de Tartares et de toutes ces nations barbares, inconvénient auquel il était nécessaire de porter remède. La chicane de trois mois peut être admise dans le cas de naissance d'enfants posthumes, et encore a-t-on décidé les légitimités des naissances en France à onze mois; peut-on employer de pareils arguments en politique?

4° M. Rouillé a recours à une alliance défensive conclue entre la Suède, la Prusse et la France: ne se souvient-il donc pas, ou pour mieux dire, ignore-t-il que cette alliance ne regarde que l'équilibre



1 Vergl. Bd. XI, 374. 409.

2 Vergl. S. 49. 50.

3 Es folgen hier die vcn Dem Könige eigenhändig excerpirten Argumente. Vergl. Nr. 7274.