<383> s'étaient tenues entièrement à la réponse du comte Kaunitz. Sur quoi, le sieur Keith, un peu en humeur, n'avait donc pu s'empêcher de dire que, puisque cette cour-ci refusait donc tout à l'Angleterre, cette couronne se verrait obligée de se tourner entièrement- vers tout un autre côté, par où la première verrait éloignés pour jamais tous les beaux avantages qu'elle aurait pu attendre de cette alliance avec la dernière, en quoi il n'y aurait alors rien de sa faute. Que, là-dessus, on lui avait répondu tout sèchement que l'Angleterre était en cela fort la maîtresse de faire tout ce que bon lui semblerait.

De tout ceci, on voit assez clairement à quel point le chipotage de cette courci avec la France est parvenu et quelles sont vraisemblablement les dispositions véritables de la Russie. Je dois encore ajouter ce que je vis hier à Laxenbourg, où tous les ministres étrangers furent invités pour la chasse du héron, et ce qui paraît confirmer d'une certaine façon ce que ci-dessus, savoir que l'Impératrice-Reine, en se retirant pour son jeu et ne pouvant pas manquer, en passant, de toucher le sieut Keith, ne lui dit autre chose que les paroles suivantes : « Le temps est devenu fort doux, qui enrayait ce matin tout le monde, » les accompagnant avec son air riant qui ne lui coûte guère, et passa si vite que ce dernier n'eut pas le temps de lâcher deux mots. Le comte Keyserlingk y reparut depuis sa dernière indisposition pour la première fois. Il rôda autour du comte Kaunitz, qui était en conversation avec une dame devant moi, pour lui parler quand il serait libre. Ceci étant arrivé, cet ambassadeur lui parla d'abord à l'oreille, ce que le comte Kaunitz écouta avec attention, en faisant deux fois le signe de tête que fait ordinairement une personne qui approuve ce qu'une autre dit. On en resta là, y ayant trop de monde dans la chambre. J'en avertis d'abord le sieur Keith.“ 1

Potsdam, 5 juin 1756.

J'ai reçu votre rapport du 26 de mai, duquel j'ai eu toute la satisfaction possible, par les choses intéressantes que j'en ai apprises. Je suis parfaitement persuadé que la cour où vous vous trouvez a toute l'envie de brouiller les affaires générales, mais aussi vous pourrez être sûrement persuadé qu'il n'ira point si vite que ladite cour se le présente peut-être, et que, malgré toute la vivacité que la Reine-Impératrice emploiera pour mettre la France en train, elle ne la mènera pas au point qu'elle le voudra.

Pour la Russie, je crois que celle-ci est encore en quelque humeur contre l'Angleterre,2 mais vous songerez sur cela que la Russie aime à prendre des subsides et que la cour de Vienne n'est pas à même d'en donner et que d'ailleurs le grand-chancelier, comte de Bestushew, a plus en haine les Français qu'il prend en affection les Autrichiens.

De tout ceci, je tire la conséquence qu'il y aura peut-être des démonstrations, mais qu'on n'entreprendra rien, au moins cette année-ci, aussi ne vois-je ni prétexte pour le faire, ni avantage qui leur en résulterait.

Vous qui êtes à même de voir les choses sur les lieux, réfléchirez bien sur tout cela et m'en manderez votre sentiment.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Der Schluss des Berichtes giebt Nachrichten ohne politisches Gewicht.

2 Vergl. S. 336. 337.