<413> l'Europe la guerre qui s'était allumée entre la France et l'Angleterre, il ne doutait point que Votre Majesté n'en reçût la participation avec plaisir et que, bien loin d'y rien trouver qui pût être contraire à Ses intérêts, Elle verrait qu'on avait eu soin d'y rappeler tous les traités qui avaient été conclus entre les parties contractantes, depuis celui de Westphalie jusqu'à celui d'Aix-la-Chapelle, et que par conséquent cet engagement assurait à tous les princes de l'Empire la possession paisible de leurs États. Sur quoi, je lui dis que Votre Majesté avait prouvé d'une manière trop évidente le désir dont Elle était animée pour le maintien de la tranquillité, pour qu'Elle ne reçût avec plaisir et empressement la communication d'un traité dont l'objet était si salutaire et si conforme à Ses vues; qu'il pouvait être persuadé que les sentiments d'estime et d'amitié que Votre Majesté avait voués à sa cour, étaient fondés sur des principes inébranlables, que rien ne saurait jamais altérer; qu'il ne tarderait donc pas à recevoir la confirmation des assurances que je venais de lui donner, et que je ne doutais point que Votre Majesté ne fît entrevoir à M. de Valory tous les sentiments que la connaissance que j'avais de Sa façon de penser sur les affaires générales et de Son attachement pour ce pays-ci, m'avaient porté à lui annoncer. Ce ministre ajouta ensuite que, pendant le cours de plusieurs siècles, les intérêts de [la maison de] Bourbon avaient parus être incompatibles avec ceux de la maison d'Autriche, mais que l'affaiblissement de cette dernière aurait dû, il y a longtemps, détruire ce préjugé dont les puissances inférieures avaient su profiter adroitement, pour s'agrandir à l'ombre d'une prétendue rivalité, qu'elles s'étaient efforcées de fomenter. Sur quoi, n'ayant pas voulu entrer en matière, de crainte de me voir entraîné dans des discussions désagréables, je me suis borné à lui répondre que, si le laps du temps et les révolutions qui étaient arrivées dans la monarchie autrichienne, avaient effectivement détruit cette incompatibilité, ainsi qu'il le supposait, il était bien glorieux pour son ministère d'avoir éclairé l'Europe sur un préjugé si ancien et si enraciné.

Votre Majesté verra que ce traité dont je Lui envoie une copie à la suite de ma dépêche d'aujourd'hui, qui m'a été confiée par une personne de mes amis, est, à la forme près, entièrement analogue aux notions que j'ai eu l'honneur de Lui en donner par mes précédentes et très humbles lettres immédiates,1 et que la crainte excessive qu'on a eue ici de se voir entraîner dans une guerre de terre, que la marquise de Pompadour et son parti redoutent au delà de toute expression,2 a été le seul et unique motif qui a donné naissance à cet engagement, qui peut être regardé comme l'événement le plus singulier et le plus étrange qui soit arrivé depuis longtemps dans le système politique de l'Europe. L'abbé de Bernis, qui a décoré ce traité de sa signature, en a été le principal mobile, et la complaisance aveugle et servile du Conseil pour les volontés de la maîtresse l'a porté à sa perfection.“

Potsdam, 15 juin 1756.

J'ai bien reçu la dépêche que vous m'avez faite du 4 de ce mois, et pour vous répondre à ce que vous dites dans la lettre immédiate que vous y avez jointe, je vous dirai que je souhaiterais bien que je saurais mener l'Angleterre à mon gré et qu'alors son accommodement avec la France ne souffrirait guère de la difficulté; mais, comme cette nation est trop fougueuse pour s'arrêter aux avis qu'on leur suppédite, j'ai tout lieu d'appréhender que toutes mes bonnes intentions pour cet accommodement3 ne portent pas coup, et que le moment pour y arriver ne soit pas encore venu.

Quant à la conversation que vous avez eue avec M. de Rouillé au sujet du traité signé entre les cours de Vienne et de Versailles,



1 Vergl. Nr. 7553.

2 Vergl. Bd. XI, 267.

3 Vergl. S. 335. 380.