7570. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Knyphausen berichtet, Paris 4. Juni, auf den Erlass vom 18. Mai:412-1 „Le traité qui vient d'être conclu entre les cours de France et de Vienne, augmentera considérablement, selon toutes les apparences, la fierté du ministère de France vis-à-vis du gouvernement de la Grande-Bretagne, et le premier, n'ayant plus rien à craindre du côté du continent et pouvant tourner maintenant toutes ses forces contre les îles britanniques, n'aura plus le même désir qu'il a eu jusqu'à présent pour le rétablissement de la tranquillité. Je suis persuadé d'ailleurs que cette cour-ci a entamé actuellement une nouvelle négociation avec l'Espagne,412-2 pour tenter de la détacher de l'Angleterre, et dont la base est vraisemblablement la cession de l'île de Minorque. Il est donc certain que, si l'Angleterre désire le rétablissement de la paix, elle n'a pas un moment à perdre pour en chercher l'occasion, et que, plus elle tardera de s'expliquer à ce sujet, plus elle rencontrera de difficultés. L'intimité qui s'établit depuis quelque temps entre l'ambassadeur d'Espagne412-3 et le ministère de France,412-4 m'engage à donner cet avis à Votre Majesté, et je suis convaincu que la négociation dont traitent les deux cours, a non seulement pour objet l'accession de l'Espagne au traité de Versailles, mais aussi un nouvel arrangement pour le partage des possessions de la Grande-Bretagne dans la Méditerranée.“

In einem Postscript berichtet Knyphausen: „Les ratifications du traité conclu le 1er de mai entre les cours de Vienne et de Versailles étant enfin arrivées le 27 du même mois, M. Rouillé a communiqué ce traité mardi dernier412-5 à tous les ministres étrangers, sans en avoir délivré cependant aucune copie, et s'étant simplement borné à permettre qu'on en prît lecture. Ce ministre n'a rien ajouté à cette participation qui méritât d'être relevé, et s'est servi à peu près des mêmes termes envers tous ceux auxquels il a fait part de cet évènement, en disant que ce traité était un monument authentique de l'ardeur avec laquelle sa cour désirait le maintien de la tranquillité publique, non seulement dans la conjoncture présente, mais même après la pacification des troubles actuels, et qu'il espérait que sous cet aspect il serait agréable à tous les princes qui se trouvaient dans les mêmes principes d'équité et de modération. Il a eu soin aussi de faire observer aux ministres de Suède412-6 et de Danemark,412-7 ainsi qu'à tous ceux des cours électorales, que le traité de Westphalie était nommément rappelé par l'article 2 de ce même traité, et que par conséquent ce nouvel engagement n'apportait aucun changement à la situation actuelle de l'Empire telle qu'elle avait été établie par ce même traité. Enfin, il a assuré à plusieurs d'entre les ministres étrangers de la manière la plus solennelle que ce traité était entièrement conforme à la copie qu'il avait ordre de leur communiquer, et qu'il ne renfermait point d'autres articles séparés que les deux qui s'y trouvaient annexés.

Quant à ce qui concerne personnellement Votre Majesté, il m'a dit que, comme ce traité ne tendait qu'à prévenir les ravages que pourrait faire dans le continent de<413> l'Europe la guerre qui s'était allumée entre la France et l'Angleterre, il ne doutait point que Votre Majesté n'en reçût la participation avec plaisir et que, bien loin d'y rien trouver qui pût être contraire à Ses intérêts, Elle verrait qu'on avait eu soin d'y rappeler tous les traités qui avaient été conclus entre les parties contractantes, depuis celui de Westphalie jusqu'à celui d'Aix-la-Chapelle, et que par conséquent cet engagement assurait à tous les princes de l'Empire la possession paisible de leurs États. Sur quoi, je lui dis que Votre Majesté avait prouvé d'une manière trop évidente le désir dont Elle était animée pour le maintien de la tranquillité, pour qu'Elle ne reçût avec plaisir et empressement la communication d'un traité dont l'objet était si salutaire et si conforme à Ses vues; qu'il pouvait être persuadé que les sentiments d'estime et d'amitié que Votre Majesté avait voués à sa cour, étaient fondés sur des principes inébranlables, que rien ne saurait jamais altérer; qu'il ne tarderait donc pas à recevoir la confirmation des assurances que je venais de lui donner, et que je ne doutais point que Votre Majesté ne fît entrevoir à M. de Valory tous les sentiments que la connaissance que j'avais de Sa façon de penser sur les affaires générales et de Son attachement pour ce pays-ci, m'avaient porté à lui annoncer. Ce ministre ajouta ensuite que, pendant le cours de plusieurs siècles, les intérêts de [la maison de] Bourbon avaient parus être incompatibles avec ceux de la maison d'Autriche, mais que l'affaiblissement de cette dernière aurait dû, il y a longtemps, détruire ce préjugé dont les puissances inférieures avaient su profiter adroitement, pour s'agrandir à l'ombre d'une prétendue rivalité, qu'elles s'étaient efforcées de fomenter. Sur quoi, n'ayant pas voulu entrer en matière, de crainte de me voir entraîné dans des discussions désagréables, je me suis borné à lui répondre que, si le laps du temps et les révolutions qui étaient arrivées dans la monarchie autrichienne, avaient effectivement détruit cette incompatibilité, ainsi qu'il le supposait, il était bien glorieux pour son ministère d'avoir éclairé l'Europe sur un préjugé si ancien et si enraciné.

Votre Majesté verra que ce traité dont je Lui envoie une copie à la suite de ma dépêche d'aujourd'hui, qui m'a été confiée par une personne de mes amis, est, à la forme près, entièrement analogue aux notions que j'ai eu l'honneur de Lui en donner par mes précédentes et très humbles lettres immédiates,413-1 et que la crainte excessive qu'on a eue ici de se voir entraîner dans une guerre de terre, que la marquise de Pompadour et son parti redoutent au delà de toute expression,413-2 a été le seul et unique motif qui a donné naissance à cet engagement, qui peut être regardé comme l'événement le plus singulier et le plus étrange qui soit arrivé depuis longtemps dans le système politique de l'Europe. L'abbé de Bernis, qui a décoré ce traité de sa signature, en a été le principal mobile, et la complaisance aveugle et servile du Conseil pour les volontés de la maîtresse l'a porté à sa perfection.“

Potsdam, 15 juin 1756.

J'ai bien reçu la dépêche que vous m'avez faite du 4 de ce mois, et pour vous répondre à ce que vous dites dans la lettre immédiate que vous y avez jointe, je vous dirai que je souhaiterais bien que je saurais mener l'Angleterre à mon gré et qu'alors son accommodement avec la France ne souffrirait guère de la difficulté; mais, comme cette nation est trop fougueuse pour s'arrêter aux avis qu'on leur suppédite, j'ai tout lieu d'appréhender que toutes mes bonnes intentions pour cet accommodement413-3 ne portent pas coup, et que le moment pour y arriver ne soit pas encore venu.

Quant à la conversation que vous avez eue avec M. de Rouillé au sujet du traité signé entre les cours de Vienne et de Versailles,<414> j'applaudis fort à la réponse que vous lui avez donnée, et que j'ai trouvé telle que je vous l'aurais inspirée, si j'avais été présent à côté de vous, lorsque M. de Rouillé vous a déclamé ce que vous m'avez marqué. Mais, quant au fond de cette déclamation, je ne saurais vous dissimuler qu'elle m'a paru telle comme si le comte de Kaunitz la lui avait soufflée à l'oreille, et qu'elle diminue extrêmement la bonne opinion que j'ai eue de la façon de penser juste de ce ministre, à moins qu'elle ne lui ait été suggérée par [ceux] qui ont été les principaux instruments de la démarche que la France a faite sur ce sujet, et dont ledit ministre redoute le pouvoir présent. J'attendrai, au surplus, ce que le marquis de Valory me dira relativement au susdit traité;414-1 s'il m'en parle, je lui dirai pour toute réponse combien je souhaiterais que cette affaire sût aboutir à l'avantage du Roi son maître et servir à l'affermissement de la paix de l'Europe; mais au cas que le susdit marquis ne m'en fasse pas des ouvertures, je n'ouvrirai certainement pas la bouche là-dessus. Quant à vous, vous devez faire semblant comme si toute cette affaire au sujet du traité fait entre les deux cours ne vous affectait en aucune manière, tout au contraire vous conserverez toujours le même extérieur comme ci-devant et comme si rien n'était avenu sur ce sujet.

Du reste, j'aurai une satisfaction particulière, quand vous me rendrez compte de l'impression que le susdit traité a faite sur les différents membres qui composent le Conseil, et de quelle façon d'ailleurs les gens sensés et d'affaires s'en seront expliqués; aussi ne crois-je pas me tromper, quand je me persuade que le maréchal de Belle-Isle414-2 et d'ailleurs le comte d'Argenson ne goûteront point un traité qui au fond ne servira à rien aux intérêts de la France, et qu'elle fera difficilement approuver par l'Espagne, malgré ce que son ministre en France en fait apparaître.

Federic.

Nach dem Concept.



412-1 Vergl. Nr. 7501 S. 338.

412-2 Vergl. S. 400.

412-3 Soto-Mayor.

412-4 Vergl. S. 361. 400.

412-5 1. Juni.

412-6 Der schwedische Gesandte, Baron Scheffer, befand sich auf dem Reichstage zu Stockholm; sein Vertreter war der Chargé d'affaires Baron Bunge.

412-7 Graf Wedell-Friis.

413-1 Vergl. Nr. 7553.

413-2 Vergl. Bd. XI, 267.

413-3 Vergl. S. 335. 380.

414-1 Vergl. S. 408.

414-2 Vergl. Bd. XI, 312.