<508> Monsieur, pour rectifier le faux sens qu'ils ont donné aux déclarations que vous et M. Bute leur ont faites.

Voici les réflexions qui se sont présentées à mon esprit. Comment, me suis-je dit, est-il possible que la nation anglaise me propose de faire des cessions à mes ennemis, elle qui m'a garanti mes possessions par des actes authentiques qui subsistent et qui sont connus de tout le monde! Comment concilier deux choses aussi opposées! Il faut donc de nécessité qu'il y ait de l'erreur de la part dè mes ministres, et il faut la dissiper. Je me suis ensuite rappelé la conduite que la Grande-Bretagne a tenue avec ses alliés, et je n'y ai trouvé aucun exemple d'infidélité à ses engagements. L'Angleterre n'abandonna point la maison d'Autriche par la paix d'Utrecht; la guerre qui la précéda, avait été entreprise pour soutenir la balance de l'Europe et empêcher que ni la maison de Bourbon ni celle d'Autriche devinssent des puissances prépondérantes. La mort de l'empereur Joseph changea le cas de la question; dès lors il était aussi dangereux pour l'Europe que Charles VI réunît la monarchie espagnole aux possessions de la maison d'Autriche et à la dignité de la maison impériale que de voir passer la succession d'Espagne au petit-fils de Louis XIV, et la reine Anne, en faisant sa paix particulière, loin d'abandonner les intérêts de la maison d'Autriche, lui procura la Flandre, le Milanais et le royaume de Naples. Dans la dernière paix, les Anglais ont sacrifié leurs propres intérêts à ceux de la reine de Hongrie, et ils ont rendu le fort Louis aux Français, pour que les Français lui restituassent la Flandre. Dans la guerre que nous faisons, l'état de la question n'a pas changé, et je ne pense pas, Monsieur, qu'un politique en Europe puisse imaginer ou craindre que la Prusse devienne une puissance prépondérante. Vous n'ignorez pas la cause de l'animosité que la France me témoigne, et vous savez, sans doute, Monsieur, qu'elle vient de ce que j'ai préféré votre alliance à la sienne. Si j'ai prévenu les desseins de la reine de Hongrie et de mes ennemis, c'est que j'ai été instruit de ses projets, c'est que j'en avais les pièces authentiques en main, et c'était pour suivre cet axiome connu prævenire quam præveniri. Sans doute tout homme, pour peu raisonnable qu'il soit, ne donnera pas le temps à ses ennemis d'arranger tranquillement tout ce qu'il faut pour l'accabler, et qu'il prendra les devants pour se mettre dans l'avantage.

Je n'ai pas toujours été heureux, et quel homme dans l'univers peut disposer de la Fortune? Cependant, malgré le nombre de mes ennemis, je suis encore en possession d'une partie de la Saxe, et je suis très résolu de ne la céder qu'à condition que les Autrichiens, les Russes et les Français ne m'aient rendu tout ce qu'ils m'ont pris. Je me conduis par deux principes : l'un est l'honneur et l'autre l'intérêt de l'État que le Ciel m'a donné à gouverner. Les lois que ces principes me prescrivent, sont, premièrement, de ne jamais faire d'action dont j'eusse à rougir, si je devais en rendre compte à mon peuple, et le