<509> second de sacrifier pour le bien et la gloire de ma patrie la dernière goutte de mon sang. Avec ces maximes, Monsieur, on ne cède jamais à ses ennemis; avec ces maximes Rome se soutint contre Hannibal après la bataille de Cannes; avec ces maximes votre grande reine Elisabeth se soutint contre Philippe II et contre la flotte invincible. Par ces mêmes principes Gustave Wasa, dont le nom mérite d'être cité à côté de celui de la reine Elisabeth, Gustave Wasa, dis-je, rétablit la Suède et chassa le tyran Christiern1 du royaume; et c'est par une même magnanimité des princes d'Orange qu'à force de valeur et de persévérance ils fondèrent la république des Provinces Unies. Voilà, Monsieur, les modèles que je me suis proposé de suivre; vous qui avez de la grandeur et de l'élévation dans l'âme, désapprouvez mon choix, si vous le pouvez! Serait-ce donc l'Angleterre, me suis-je dit, qui plaidât la cause de la France et de la reine de Hongrie, de ces Français les éternels ennemis, de cette reine de Hongrie qui l'a payée tant dé fois d'ingratitude? Cela n'est pas possible, donc cela n'est point. C'est sur les commencements des règnes des rois que toute l'Europe a les yeux ouverts; on juge par ces premices quelles en seront les suites, et chacun en tire les conséquences. Le roi d'Angleterre n'a qu'à choisir, il en est le maître; deux partis se présentent à lui: l'un, que dans la négociation de la paix il ne pense qu'aux intérêts de l'Angleterre et oublie ceux de ses alliés, l'autre, qu'en consultant ses engagements, sa bonne foi et sa gloire, il joigne aux soins qu'il prendra des intérêts de sa nation, celui de pourvoir au bien de ses alliés. S'il prend le premier parti, je ne me ressouviendrai pas moins avec reconnaissance que la nation anglaise m'a généreusement assisté pendant cette guerre, quoiqu'il me sera douloureux de penser que j'ai fait des acquisitions étant l'allié de la France, et que, l'étant de l'Angleterre, j'ai été dépouillé par mes ennemis. Si le Roi prend le second parti, j'ajouterai aux obligations que je lui dois, une vive reconnaissance de sa religion et de sa bonne foi à remplir ses engagements et de sa persévérance à soutenir ses fidèles alliés, et la postérité qui juge les rois, le comblera de bénédictions.

Je suis persuadé, Monsieur, que vous pensez comme moi; tout le cours de votre ministère n'a été qu'un enchaînement d'actions nobles et généreuses, et les âmes que le Ciel a faites de cette trempe, ne se démentent pas. C'est en conséquence de ces sentiments que toute l'Europe admire en vous, et dont j'ai eu plus d'une occasion de me louer, que je suis etc.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei. (Die Ausfertigung war eigenhändig. Vergl. Nr. 13019.)



1 Christian II. von Dänemark.