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12491. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN ET AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Meissen, 12 novembre 1760.

Tous les rapports que vous m'avez faits depuis le 25 jusqu'au 28 d'octobre dernier inclusivement, me sont heureusement parvenus. Vous pénétrerez aisément qu'après cette bataille de Torgau, dont vous êtes déjà informé,1 et parceque je suis encore au milieu de mes opérations, tout mon temps se doit absorber par des occupations indispensables, et qu'en conséquence je ne saurais entrer aujourd'hui en beaucoup de détails avec vous sur d'autres affaires. J'en ai laissé le soin à mon ministre le comte de Finckenstein qui vous marquera mes intentions, de sorte qu'il ne me reste qu'à vous dire qu'à l'occasion du grand évènement de la mort de feu roi de la Grande-Bretagne, vous m'avez servi avec le zèle et habileté, comme j'aurais pu désirer de l'être.

Mon capitaine et adjudant baron de Cocceji sera apparemment arrivé chez vous avec cette lettre que j'avais écrite alors au feu Roi encore,2 mais que je n'ai pu changer contre une autre au Roi régnant aujourd'hui, vu que mondit capitaine avait déjà fait trop de chemin, quand la mort du feu Roi me fut annoncée. J'ai, d'ailleurs, écrit au Roi régnant cette lettre de ma main propre3 que vous avez désirée pour lui, à laquelle j'ai joint encore une de ma main propre à M. Pitt;4 je compte que toutes les deux vous seront déjà arrivées, vu la diligence que j'ai recommandé d'en faire pour vous les faire parvenir incessamment.

Je crois, d'ailleurs, avoir aidé aux ministres anglais par ma bataille, afin qu'ils sachent annoncer quelque évènement favorable à la nation et à l'assemblée du Parlement.

Pour finir il ne me reste qu'à vous recommander de n'omettre rien pour entretenir cette inclination du Roi régnant et cette bonne volonté des ministres pour m'assister à soutenir le fardeau de guerre; car, vu le grand accablement de mes sujets dans mes provinces, qui ont été presque toutes envahies par les ennemis, et vu les barbaries et cruautés que ceux-ci ont exercées contre mes pauvres sujets innocents, j'aurai fort besoin encore de nouveaux subsides de l'Angleterre, quand même la paix se ferait, comme je le souhaite fort, l'hiver qui vient.

Vous voyez que l'armée a fait cette année plus que l'on pouvait en attendre, mais, en vérité, ce n'est plus un jeu qui puisse se soutenir à la durée. Ne serait-il pas possible de parvenir à une bonne paix en commençant à détacher les Français de la grande alliance? Vous savez quel temps il faut pour mettre une telle négociation en train. Je crois qu'il n'y aurait pas un moment à perdre pour l'entamer. La Haye me semble parmi tous le lieu le plus propre pour jeter les fondements de ce grand édifice ; c'est à vous de voir ce qui pourra se faire, ce-



1 Vergl. S. 58.

2 Nr. 12461.

3 Nr. 12473.

4 Nr. 12474.