1813. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Pomsdorf, 29 avril 1745.

Mon cher Podewils. Cette lettre ici doit servir de réponse à votre apostille, dont je reçois dans le moment même le déchiffré.

Je vous envoie en premier lieu la copie de la lettre que j'ai écrite au prince d'Anhalt, par laquelle vous pourrez juger de tout le projet militaire de cette campagne. Je fais expédier un ordre secret à Boden,136-1 que vous ne lui délivrerez que lorsque je donnerai le signal, mais je crois cette précaution même superflue, par rapport à ma façon de procéder dans les opérations, qui vous couvre en même temps.

Quant à la Reine douairière et à ma famille, il n'est point nécessaire de leur donner l'alarme que lorsqu'il en sera temps, mais je me flatte que cela même ne sera pas nécessaire, car dès que nous aurons battu les ennemis, et qu'on les poursuivra vivement, vous verrez bientôt combien l'on pensera à soi-même en Saxe, et comment tous ces projets d'incursions s'évanouiront.

Ne parlez jamais de guerre, mon cher Podewils; avec un régiment de cavalerie et deux d'infanterie vous ne défendrez jamais Berlin.136-2 Si l'on veut soutenir une ville ouverte, comme l'est cette capitale, il faut 20,000 hommes et il les y faut mettre tous vingt ou rien du tout. Deux bataillons du régiment de Bredow, qui sont fort bons, et 2,000 hommes de Cratz défendront fort bien la ville contre des incursions; en tout cas je puis y ajouter un bataillon de Hellermann, qui est encore à Stettin, pour vous mettre l'âme en repos.

Comme Hacke n'est pas en état de servir encore, cette campagne, je puis lui donner le commandement de Berlin, où il fera tous les arrangements qui conviendront. J'espère de n'avoir rien oublié des points que vous me mandez. D'ailleurs, si aux cris des Saxons les Anglais se réveillent et les déhortent de leur projet, si leur timide va<137>leur et leur ridicule ambition excite la pitié de Russes, et qu'on les détourne de leurs desseins — si cela arrive, la guerre est finie tout d'un coup, et la paix, selon le pied dont le ministère anglais en est convenu, autant que faite.

J'ai jeté le bonnet par-dessus les moulins, je me prépare à tous les événements qui peuvent m'arriver, et, que la fortune me soit contraire ou favorable, cela ne m'abaissera ni ne m'enorgueillira, et, s'il faut périr, ce sera avec gloire et l'épée à la main.

Adieu, mon cher Podewils, devenez aussi bon philosophe que vous êtes bon politique, et apprenez d'un homme qui n'a jamais fréquenté les sermons d'Elsner ni d'autres, qu'il faut savoir opposer un front d'airain aux malheurs qui peuvent nous arriver, et quitter pendant notre vie des biens, des honneurs et des prestiges de vanité qui ne nous suivront pas après la mort.

Je suis avec bien d'estime, mon cher Podewils, votre fidèle ami

Federic.

Si tout est rompu en Angleterre, Valory peut venir ici, mais si tout n'est pas désespéré, amusez-le.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



136-1 Nr. 1818.

136-2 Wie Podewils es vorgeschlagen hatte.