<318> hommes; celle des tableaux sera courte chez moi, car dès qu'il y en aura assez selon la toise, je n'achète plus rien.

Je plains le pauvre Bonin;a c'était un garçon d'une ambition démesurée, mais qui d'ailleurs avait du mérite. La poste va partir; il ne me reste qu'à vous embrasser tendrement, en vous assurant de la vive tendresse avec laquelle je suis à jamais, ma très-chère sœur, etc.

309. A LA MÊME.

Le 7 décembre 1755.



Ma très-chère sœur,

Le chasseur m'a rendu votre chère lettre à mon retour de Berlin, où j'ai été rendre mes devoirs à notre chère mère. Elle a eu une fluxion de poitrine; mais, grâce au ciel, tout le danger est passé. Elle est encore un peu faible; cependant de jour en jour elle se remet, de sorte que nous n'avons à présent rien à appréhender. J'en reviens au chasseur, qui m'assure vous avoir laissée en assez bonne santé, ce qui me fait grand plaisir. Vous avez trop de bonté, ma chère sœur, de prêter attention aux bagatelles par lesquelles j'ai pu vous servir, et de recevoir en bonne part et la musique, et mille bagatelles que j'ai pris la liberté de vous offrir. Quant à la poésie, comme la plupart de mes confrères en Apollon se conduisent comme des fous, je tâche de me tenir à l'écart, et j'évite la confrérie, pas assurément à cause que je me crois plus sage qu'eux, mais à cause qu'il ne convient point à un personnage magistral de passer pour fou. C'est par cette raison que je ne confie mes rêveries à personne,b et


a Le colonel Bonin, mort à Baireuth le 19 novembre,

b Voyez t. X, p. 11, et t. XVIII, p. 101, no 86.